Accueil > Médias & Audiovisuel > Audiovisuel & vidéo > Comment maximiser la brand safety Comment maximiser la brand safety Une enquête du Times a révélé il y a une dizaine de jours que YouTube et Google Display Network ont récemment diffusé des publicités vidéo et display adossées à des contenus violents ou appelant à la haine. Dans la foulée, plusieurs acheteurs médias, dont Havas UK et le Guardian, ont suspendu tout ou partie de leurs investissements publicitaires sur la plateforme vidéo. Si la responsabilité de la brand safety (la protection de l'image de la marque) incombe d’abord aux éditeurs et hébergeurs qui affichent les publicités dans leurs espaces, les annonceurs attendent de leurs agences qu’elles les protègent du mieux possible. mind Media a interrogé, IPG Mediabrands, Omnicom Media Group, Publicis Media, Dentsu Aegis Network et Havas sur la façon dont ces agences s’assurent de la brand safety, quelles sont les failles existantes et les solutions entrevues, ainsi qu’Integral Ad Science, fournisseur d’outils de mesure de la qualité média. Par Aymeric MarolleauJean-Michel De Marchi. Publié le 24 mars 2017 à 16h52 - Mis à jour le 24 mars 2017 à 16h52 Ressources La commercialisation programmatique a créé de nouveaux risques pour l’image des marques relatifs à l’environnement média (la brand safety) de leurs campagnes, autrement dit la sécurité et la qualité des espaces dans lesquels leurs publicités sont insérées. 6,2 % des impressions display en France sont ainsi diffusées dans un contexte “inapproprié ou risqué” pour les marques, selon Integral Ad Science. Deux types de méthodes sont utilisées, souvent de façon cumulative. Le premier instrument utilisé par les agences médias est la constitution de listes blanches (white lists) et de listes noires (black lists), le deuxième est l’utilisation d’outils de mesure et de contrôles tiers. Mais de réels problèmes substistent. Le contrôle de 1er niveau : les listes blanches et noires… et leurs limites La création de listes est un travail réalisé en amont des campagnes, où l’agence et l’annonceur travaillent ensemble sur des cadres de diffusion ouverts ou fermés, incluant ou excluant, à partir de noms de domaines. La majeure parties des listes noires sont communes à tous les clients d’une agence et peut contenir plusieurs milliers d’entrées. OMD (Omnicom Media Group) a par exemple référencé 20 000 URL. “C’est une pratique répandues et maintenant bien maîtrisée par les agences – au moins théoriquement – mais il faut aussi avec des listes mises en place au cas par cas et spécifiques à la stratégie de l’annonceur, voire à une campagne”, souligne Christophe Philip, directeur des opérations chez IPG Mediabrands France. L’agence s’appuie donc sur la stratégie de l’annonceur, l’historique de campagnes précédentes, la réputation du support média et du vendeur d’espace, etc. “Les noms de domaines exclus ne sont pas nécessairement des environnement négatifs (adultes, violents, injurieux, anxiogènes…) ou illégaux (apologie du terrorisme, du nazisme…), il peut aussi s’agir d’un choix stratégique : ou concurrentiel : un annonceur de fast food a par exemple rarement envie d’apparaître sur un site de gastronomie, de même qu’une marque premium ne souhaite souvent pas être adossées à des contenus sur people”, ajoute Christophe Philip. Il y a cependant deux grandes limites au procédé des listes : ce sont des noms de domaines qui sont utilisés ; c’est donc un choix binaire (intégré à la liste ou non) alors que la qualité des inventaires d’une régie ou même d’un même site, voire d’une page, est de plus en plus nuancée, concernant les rubriques, les formats publicitaires et éditoriaux, les forums et zones UGC, etc. Cela oblige parfois les agences à faire des choix trop strictes ou trop laxistes. Le deuxième biais des listes concerne leur mise à jour : il faudrait la faire chaque jour, voire plusieurs fois par jour, ce qui est opérationnellement difficile pour les agences. “Le nombre de supports intégrés dans une liste se compte souvent en centaines. C’est un travail qui est loin d’être automatique et qui demande beaucoup de travail manuel”, explique Stéphane Baron, directeur de la stratégie digitale d’OMD. A côté des sites bannis, les agences composent aussi avec chacun de leurs clients une liste blanche, c’est-àdire la liste de l’ensemble des sites où leur campagne est autorisée à être diffusée. Le nombre de supports qu’elles contiennent se compte en centaines. “Les listes blanches de deux constructeurs automobiles peuvent être très différentes, selon la typologie de leurs modèles de véhicules, leurs accords cadres avec des éditeurs et les supports qu’ils privilégient historiquement”, ajoute Stéphane Baron (OMD). Le contrôle de 2e niveau : l’intégration d’outils tiers Face aux limites inhérentes aux listes, un deuxième niveau de contrôle est souvent primordial avec l’intégration d’outils en compléments. Ce sont des technologies de tracking et de blocage utilisées au moment de l’achat média, soit au sein de l’adserving, soit par un système de tags, via des outils tiers (principalement Integral Ad Science, Adloox, MOAT, parfois Meetrics, Adledge et d’autres). Il s’agit d’ici d’une logique de “pré-bid” (envoyer une requête sur le site pour connaître l’URL et la typologie de contenu) et de “post-bid” (reporting après la diffusion pour remonter l’ensemble des URL diffusées pendant la campagne). “Nos outils examinent les environnements page par page, avec des mises à jour régulières, parfois plusieurs fois par jour pour certains sites et contenus sensibles,” explique Yann Le Roux, directeur général France d’Integral Ad Science, qui propose l’une de ces technologies, et qui est souvent utilisée par les agences. Ces outils analysent les contenus textes de manière sémantique et contextuelles, avec les métadonnées, les contenus, URLs, les liens entrants et sortants, les noms des fichiers images, les noms d’applications, notations des magasins d’applications, etc. Sur fixe et mobile. “L’utilisation quasi systématique d’outils – Adledge pour la brandsafety nous concernant – pour toutes nos campagnes nous permet aussi de repérer les sites non conformes et de réagir au plus vite. Ceci alimente également nos listes noires”, souligne Stéphanie Robelus, co-directrice expertise et trading media d’Havas Group en France. Se pose parfois la difficile question de déterminer qui doit prendre en charge le coût d’intégration de l’outil (la régie ? L’agence ? L’annonceur ?), mais ce n’est pas le seul problème. Où sont les failles ? Agences et annonceurs se heurtent à deux types de difficultés à la fois techniques et politiques. Si les espaces sont ouverts aux outils tiers, il n’y a pas de souci particulier sur le display classique, pour lequel les technologies de mesure sont très efficaces. “La vidéo est en revanche un format beaucoup plus difficile à analyser techniquement et donc à garantir”, par exemple le VAST 2.0, 3.0, etc., souligne Arnaud Lauga, directeur data, technologie et innovation de Publicis Media. Pour minimiser les risques, nous utilisons l’outil d’une start-up, DynAdmic, qui analyse et identigie les contenus d’une vidéo avec plutôt de bon résultats. Fondée par des Français, cette technologie de ciblage publicitaire est basée sur la compréhension des centres d’intérêts des vidéonautes en identifiant le type de contenus vidéo regardés (cuisine, sport, bricolage…). Sans utiliser de cookie, l’outil doit permettre aux agences de qualifier l’emplacement publicitaire de la vidéo, tout en s’assurant de la qualité et de l’adéquation du contexte éditorial autour de leurs campagnes (plus d’informations sur notre site). Comment cependant Youtube a-t-il adossé des annonceurs a des vidéos de djihadistes au Royaume-Uni ? Pourquoi une société technologique aussi avancée que Google n’a pas solutionnée ce problème ? En évoquant le mécontentement de plusieurs annonceurs et l’annonce du retrait d’Havas UK de YouTube, Eric Schmidt, le président d’Alphabet, a admis jeudi 23 mars sur Fox News qu’il n’y a aucun moyen infaillible pour garantir à 100 % que les annonces d’une marque n’apparaîtront pas autour de contenus douteux sur YouTube et les autres supports de Google. “Comme pour les antivirus, les acteurs malveillants, par exemple les fraudeurs, ont souvent un temps d’avance”, confirme Christophe Philip (IPG Mediabrands). “Même si quelques progrès ont été faits depuis trois – quatre ans, malgré les discours, la qualité média de YouTube n’était pas jusque-là une priorité pour Google, qui consacrait tous ses efforts Adwords et DoubleClick, souligne un responsable au sein d’une agence. Mais cela va peut-être changer, les annonceurs se rendent compte qu’il y a un vrai problème avec les plateformes.” L’un des points d’amélioration possible est en effet identifié : sur les plateformes comme YouTube et Facebook, les contrôles ne portent que sur la fraude et la visibilité, pas sur la brand safety. “La méthode la plus efficace serait que les GAFA laissent les sociétés de mesures tierces poser des tags javascript au sein de leurs espaces, un moyen simple et efficace pour mesurer tout ce que l’on souhaite et garantir une meilleure qualité média. Mais ils n’autorisent que la pose d’un pixel image, une méthode de détection moins complète, et donc un peu moins protectrice”, explique Yann Le Roux, d’Integral Ad Science, l’un des outils qui intervient sur YouTube et Facebook, avec un pixel image. Officiellement, les grandes plateformes assurent vouloir conserver une expérience utilisateur optimale et ne pas vouloir ralentir le chargement des pages et des contenus. Officieusement, il s’agit surtout de garder son écosystème fermé et de conserver sa data. Quels recours pour les agences ? En attendant une éventuellement plus grandes ouvertue des plaformes, les agences tentent de composer. Notamment autour des URL. “L’URL joue un rôle central dans la qualité média : quand l’URL est en aveugle (blind), ou modifiée ou mensongère (c’est le cas des fraudeurs), un outil n’est pas capable de correctement les évaluer et fournir un chiffre de qualité. L’une des solutions, relativement aisée serait de permettre une connexion de serveur à serveur étendue à la brand safety, et pas seulement à la visibilité et à la fraude”, souligne Yann Le Roux (Integral Ad Science). Autre solution : mieux acheter. D’où l’intérêt pour les agences et annonceurs de choisir des offres programmatiques en Deal ID (achat d’espace non effectué aux enchères et avec un inventaire garanti à l’avance sur des places de marché fermées), voire avec 100 % d’URL transparentes, ou du gré à gré. De leur côté, certaines agences mettent également en place des solutions compilant plusieurs outils contrôlant la qualité des contextes de diffusion. Havas a ainsi développé en 2015 le Media Quality Barometer, qui juge la qualité d’un inventaire sur cinq critères : la qualité média, le taux de trafic non humain, la conformité des impressions avec les achats, la visibilité et l’expérience utilisateur. Cet outil s’appuie sur des solutions telles que Peer39, qui réalise de l’analyse sémantique, Integral Ad Science, WhiteOps… “Cette solution était dans un premier temps ouverte aux éditeurs, pour qu’ils aient les moyens de contrôler la qualité de leur inventaire, et nous l’ouvrons aujourd’hui aux annonceurs”, indique Stéphanie Robelus (Havas). De sont côté, Dentsu Aegis Network annonce avoir mis en place une équipe de dix personnes, nommée IVO, dédiée à l’optimisation des plateformes, notamment celles comprenant des contenus UGC. “Cela nous permet d’être extrêmement vigilant quant aux URL sur lesquels nous diffusons les campagnes, avec des rapports quotidiens sur le sujet”, explique par exemple Erwan Lohezic, chief programmatic officer de Dentsu Aegis Network. Mais l’ensemble des acteurs interrogés se rejoignent : tout le monde gagnerait à ce que l’ensemble des supports, particulièrement les grandes plateformes, ouvrent leurs espaces à des acteurs de mesure et de contrôles tiers pour la brand safety, en plus de la visibilité et de la fraude. Comment expliquer la décision très médiatisée d’Havas UK ? La décision de la direction d’Havas UK de stopper ses investissements publicitaires sur YouTube, même contredite ensuite par le siège français, a pu surprendre dans un secteur ou le discours est d’ordinaire asceptisé. “Même s’il y a peut-être des considérations de négociations commerciales derrière la sortie médiatique d’Havas UK, c’est très courageux. Mais dans l’état actuel du marché, les agences peuvent-elles se permettre d’entamer et de gagner un bras de fer avec les GAFA au-delà de quelques jours ? La réponse est non, les agences ne veulent pas ou ne sont pas en capacité d’imposer leur vue”, indique un spécialiste de l’achat média au sein d’une agence. “Les agences et les filiales ont souvent des particularités et des liens différents. Havas UK est non seulement une agence qui obtient de bons résultats ces dernières années, mais elle développe aussi une vision puriste de son rôle : elle prend très à cœur la défense des intérêts de ses clients et la transparence des pratiques. C’est courageux et louable. C’est ce que toutes les agences devraient faire”, selon un autre spécialiste. Aymeric MarolleauJean-Michel De Marchi AdtechGAFAMQualité médiaStreaming vidéoYouTube Besoin d’informations complémentaires ? 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