Comment réduire le turnover au sein des sociétés publicitaires ?

De plus en plus de dirigeants d’entreprises du secteur de la publicité numérique se plaignent des départs fréquents de leurs salariés et de leur impact sur leur activité. Ce turnover, très répandu mais rarement évoqué publiquement – les directions ayant peur d’être montrées du doigt – est suffisamment préoccupant pour avoir incité l’IAB France à réaliser, il y a quelques semaines, une étude dédiée.

Elle a été effectuée auprès de ses membres, majoritairement des sociétés technologiques et des régies, mais aussi des agences et des annonceurs. Les départs de collaborateurs impactant directement les chiffres d’affaires des sociétés qui en sont victimes, en multipliant le temps des recrutements et de formation, voire en mobilisant le coût des cabinets. L’objectif de l’IAB France avec cette étude : mesurer ce turnover, sensibiliser le marché et tenter d’y apporter des réponses.

Les résultats ont été présentés par l’association mercredi 12 décembre. Sur 60 répondants – des dirigeants et managers au sein des adtechs (à 28 %) et régies (21 %), mais aussi agences (17 %) et annonceurs (16 %) -, 38 % évoquent un turnover annuel de l’ordre de 10 à 20 % des effectifs chaque année au sein de leur structure, et 23 % évoquent un ratio de 20 à 30 % des effectifs.

Plus préoccupant : 20 % des managers interrogés indiquent que la présence moyenne d’un collaborateur au sein de leur entreprise est comprise entre 1 et 2 ans, et 57 % entre 2 et 4 ans. “Ces chiffres sont particulièrement saisissants. Et d’après ce que je peux observer dans les entreprises du secteur, quand 57 % des managers déclarent que la durée moyenne de la collaboration d’un salarié est comprise entre deux et quatre ans, il s’agit plutôt de deux ans que de quatre : le turnover est très elévé”, a souligné Hymane Ben Aoun, CEO du cabinet de recrutement de métiers du digital Aravati, invitée par l’IAB France à commenter les résultats du sondage.

Les salariés restent peu longtemps en poste 

       Source : IAB France – décembre 2018
       60 répondants parmi des dirigeants et managers de la publicité en ligne en France.

Une surprise : selon les managers ayant répondu au questionnaire, les salariés les plus concernés par le turnover au sein des entreprises du secteur publicitaire en ligne ne sont pas, contrairement à l’idée habituellement répandue, les développeurs ou les data scientists, mais les responsables clientèles (35 % des managers l’affirment) et les ad ops managers, en charge du suivi opérationnel des campagnes display. 

Les postes les plus touchés par le turnover

                                          Source : IAB France – décembre 2018 – 
                                          60 répondants parmi des dirigeants et managers de la publicité en ligne en France.

Les collaborateurs attendent des perspectives et une plus grande transparence

Quelles sont les raisons de ce turnover particulièrement présent au sein des entreprises de la publicité en ligne ? Si on écarte la question de la rémunération, parmi les explications formulées par les salariés lors de leur départ figurent l’absence de perspectives d’évolution (selon 51 % des managers répondants), des process et outils internes inadaptées (33 %), ou de mauvaises relations avec son manager (21 %).

                                         Source : IAB France – décembre 2018 – 
                                         60 répondants parmi des dirigeants et managers de la publicité en ligne en France.

“Souvent, en tant que managers, nous mettons des ressources sur le recrutement, moins sur la fidélisation de nos collaborateurs”, admis Véronique Pican, vice-présidente de l’IAB France et par ailleurs directrice générale de Ligatus en France.

Comment fidéliser les collaborateurs dans l’entreprise ? Si on met de côté la rémunération, les membres de direction ayant répondu à l’étude estiment que les actions les plus efficaces à mettre en place sont la construction d’un plan de carrière et des perspectives d’évolution (66 %), le renforcement de la transparence et de l’implication des collaborateurs dans la stratégie de l’entreprise (63 %), le cadre de vie (55 %) et le développement des compétences des managers (54 %).

Développer la proximité avec ses salariés et adapter la rémunération

Le regard posé par les dirigeants du secteur sur les collaborateurs déjà en poste doit donc évoluer. Et cela passe aussi par une politique salariale adaptée. “Au sein du secteur, la fidélité des salariés à leur entreprise est souvent mal récompensée, observe Hymane Ben Aoun (Aravati). Sur un même poste, à compétences égales, les entreprises paient moins bien les salariés qui restent plusieurs années chez elles que les nouvelles recrues. Le message envoyé est terrible : ‘pour être augmenté, partez !'”

Pour diminuer le turnover au sein de l’industrie, l’étude évoque plusieurs pistes. Concernant la rémunération, donc, en réalisant un benchmark sur les secteur et en adaptant sa politique, en intéressant les salariés aux bénéfices de l’entreprise en en pratiquant une fidélisation salariale. 

Mais aussi (surtout ?) en partageant davantage la vision de la direction au sein de l’entreprise, en communiquant régulièrement sur la stratégie et les ajustements progressifs et en co-construisant les projets. Deux autres leviers sont mis  en avant : d’abord mieux intégrer les nouveaux salariés et les accompagner dans leur évolution dans le collectif de l’entreprise (accompagnement personnalisé, formations continues, team bulding, mobilité interne), ensuite améliorer les conditions de travail (réflexion et co-construction de l’organisation et des process de travail, et mise en place de budgets pour favoriser des initiatives des salariés en faveur de la vie de l’entreprise).