Comment Winnipeg Free Press recrute de nouveaux abonnés en vendant des articles à l’unité

L’enjeu

Pour s’émanciper d’un marché de la publicité en ligne soumis à la pression des GAFA et à la pratique de l’adblocking (18 % des internautes canadiens utilisent un bloqueur de publicité, selon le rapport 2016 de l’IAB), Winnipeg Free Press, titre quotidien de la province canadienne du Minetoba a voulu dès 2015 développer ses offres payantes, sans être convaincu par les systèmes existants, notamment la mise à disposition d’articles gratuits avant l’affichage du “mur payant”. “Un paywall qui assure une large gratuité, par exemple des dix premiers articles, ne donne aucune valeur au contenu jusqu’au onzième article, l’abonnement numérique reste ici une barrière à l’entrée importante et mal ajustée pour les lecteurs”, estime Christian Panson, vice-président en charge du digital du Winnipeg Free Press. D’autant qu’au Canada, seuls 8 % des internautes déclarent payer pour accéder à du contenu en ligne selon le Digital News Report 2017.  

Le dispositif

En avril 2015, Winnipeg Free Press développe donc, pour son site dont l’accès était entièrement gratuit jusqu’ici, “un modèle hybride”. Les lecteurs peuvent d’abord consulter gratuitement deux articles par mois, avant de se voir imposer une inscription pour une version d’essai de deux mois. Ils se voient ensuite proposer plusieurs formules : des abonnements classiques aux supports numériques et/ou papier à 16,99 et 29,88 dollars canadiens par mois, ainsi qu’un système de paiement à l’article. Baptisé “Read now pay later”, il permet d’acheter les articles au prix unique de 27 cents canadiens (environ 17 centimes d’euros), le montant total étant débité automatique à la fin du mois.

Le déploiement a été réalisé en huit mois par deux développeurs qui ont conçu la majorité du dispositif en interne, à l’exception de l’interface bancaire notamment, car “nous voulions réussir là où, à mon sens, la presse a échoué : contrôler la distribution de son contenu et la relation avec ses lecteurs” justifie Christian Panson. L’investissement total (refonte de la plateforme numérique, implantation des technologies d’authentification et de tracking, marketing) s’élève à environ 800 000 dollars canadiens, soit près de 500 000 euros.

Les résultats

Alors que les plateformes de vente d’articles à l’unité, telles que Bendle qui s’est lancé en 2014 avec beaucoup d’ambitions, n’ont pas eu le succès escompté (lire sur notre site), le système “Read now pay later” de WInnipeg Free Press semble avoir trouvé son public. L’éditeur recense actuellement 7 000 utilisateurs avec un moyen de paiement valide, dénombre 11 000 inscriptions depuis 2015 et aujourd’hui, un total de 850 000 articles achetés à l’unité.

Au-delà de l’investissement, “rentabilisé dès la première année”, selon Christian Panson, “la plus-value du micropaiement réside dans la création de valeur pour le contenu et d’un tunnel de conversion vers des relations à plus forte valeur ajoutée”, souligne-t-il. Concrètement, l’éditeur constate que 15 % des utilisateurs de l’achat d’article à l’unité basculent sur un abonnement numérique classique à terme. C’est le cas de 1 800 internautes sur les 7 000 abonnés au total.

Et après ?

Le cas de Winnipeg Free Press demeure cependant une exception dans la presse locale. “Peu d’internautes ont déjà été exposés au principe d’achat d’article à l’unité et au micro-paiement, il y a un travail d’éducation à faire pour que cela rentre dans les moeurs”, observe Christian Panson, qui estime qu’ ”il faudrait probablement l’intervention d’un géant du web pour rendre ce concept plus attractif”. Facebook a justement annoncé le 27 février le lancement d’un programme pilote de 3 millions de dollars pour aider la presse locale nord-américaine à recruter des abonnés numériques (lire sur notre site).