Accueil > Médias & Audiovisuel > Audiovisuel & vidéo > Eric Scherer (France Télévisions) : « La chronologie des médias ne tiendra pas longtemps sous sa forme actuelle » Eric Scherer (France Télévisions) : « La chronologie des médias ne tiendra pas longtemps sous sa forme actuelle » A l’occasion de la présentation des nouvelles offres de France Télévisions, mardi 27 août, Eric Scherer, directeur de la prospective et de la stratégie numérique du groupe, dresse, pour Satellinet, un bilan de la stratégie numérique mise en place depuis trois ans et évoque les dossiers du moment : chronologie des médias, SVOD, prochains objectifs numériques du groupe , développement des recettes.... Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 02 septembre 2013 à 5h39 - Mis à jour le 02 septembre 2013 à 5h39 Ressources Vous avez rejoint France Télévisions fin 2010 dans le sillage de Bruno Patino pour participer à la stratégie numérique du groupe. Pourquoi avoir accepté ce projet ? Nous nous sommes rencontrés en 2008 lors des Etats généraux de la presse et nous avons partagé certaines analyses. Je travaillais alors pour l’AFP. Nous avions la conviction que la télévision, et particulièrement France Télévisions qui a une mission de service public, était l’endroit où il fallait être pour mettre en place de nouveaux dispositifs. Nous savions que la télévision, comme la presse, le livre et la musique, allait être secouée par les nouveaux usages et que c’était le bon endroit pour expérimenter. Et le faire dans un groupe public est plus facile car notre but n’est pas de gagner de l’argent. Mon rôle est de décrypter les tendances relatives au numérique qui émergent dans le secteur de l’audiovisuel et de les partager avec nos équipes pour influer sur la stratégie du groupe. Je tente donc de faire « l’anti-brouillard » et d’éclairer à quelques mètres devant nous pour que le groupe anticipe sa stratégie sur les contenus, les usages et les dispositifs. L’objectif, c’est d’être en phase avec les nouveaux usages du public et d’imaginer ce que sera la télévision de demain. Il faut rester humble mais avoir conscience de la révolution à laquelle on assiste dans les médias. Trois ans plus tard, quelles sont les principales satisfactions concernant les projets numériques mis en place ? Parmi les points positifs, nous avons rattrapé le retard que le groupe avait. Nous avons répondu aux attentes et construit des audiences déjà conséquentes, notamment parmi les jeunes. Désormais, nous utilisons l’ensemble des grands canaux de distribution numérique, ainsi que le streaming et la télévision en rattrapage. Autres satisfactions, la plate-forme d’information, destinée d’abord aux mobiles, qui a été très novatrice dans le paysage médiatique, et l’accompagnement de nos programmes par la social TV. L’offre culturelle qui est en train d’être déployée avec Culturebox est également intéressante. En vidéo, nous allons continuer à expérimenter sur Dailymotion, Youtube… et être présent sur tous les nouveaux écrans, y compris les consoles avec la Xbox. Le développement des nouvelles formes narratives, avec les nouvelles écritures et le transmédia en lien avec France 4, est également une réussite. De nouveaux projets seront mis en place dans les prochains mois. Et vos regrets ou les difficultés auxquelles vous devez encore faire face ? Il y a eu des avancées et des progrès notables réalisés en interne depuis trois ans, mais comme dans tous les autres médias traditionnels, il y a encore un manque de prise de conscience, voire un déni face au « tsunami » numérique qui arrive. Nous faisons beaucoup de formations internes sur la culture numérique et des ateliers sur l’écriture web ou l’information en continue. Mais convaincre et créer une dynamique demandent parfois du temps. L’autre regret, c’est la difficulté à convaincre les producteurs de l’importance du numérique, et de la nécessité de céder des droits pour des dispositifs numériques. J’aimerais qu’on accompagne davantage le secteur de la production sur le digital : ils voient que ça change, que les usages et les audiences se déplacent, mais restent réticents. Le fait que Bruno Patino devienne numéro 2 du groupe, avec à la fois la responsabilité des programmes et du numérique, est un bon signal envoyé. Parmi les sujets où l’on doit encore mieux faire, il y a également le sport. On a mis en place des dispositifs intéressants (le tournoi des VI Nations, les JO, le Tour de France), mais on peut faire plus, notamment via les écrans compagnons. Dans les 10 ou 20 ans qui viennent, la télévision linéaire, telle qu’on la connaît actuellement, va-t-elle conserver son rôle prépondérant ou sera-t-elle dépassée par la télévision délinéarisée ? La télévision sera évidemment très délinéarisée et il faut s’y préparer dès maintenant avec des offres légales, sous peine d’être ensuite dépassés comme l’est le monde du cinéma aujourd’hui. Nous travaillons d’ailleurs sur la recommandation de contenus, sur les services de partage. On travaille aussi sur nos API, sur les écrans compagnons, sur les métadonnées, pour mieux organiser la mise à disposition et la recherche de nos contenus. Le rapport Lescure recommande des évolutions au principe de chronologie des médias. Le délai applicable à la SVOD serait notamment diminué de moitié et ramené à 18 mois. Quelle est la position du groupe à ce sujet ? Malheureusement, la profession, c’est-à-dire les producteurs et les diffuseurs, n’a pas envie d’évoluer sur le sujet de la chronologie des médias. Lors des récentes consultations de la profession, les diffuseurs privés (TF1, Canal+, M6, ndlr) ont dit qu’ils ne voulaient pas de changement à la situation actuelle. Nous ne partageons pas leur avis. Nous ne joignons pas notre voix à tous ceux qui s’opposent à des changements dans la chronologie des médias, au nom d’un constat : l’évolution des usages, la faiblesse et la dispersion des offres légales sont des facteurs de développement du téléchargement illégal. Je suis persuadé que la chronologie des médias ne tiendra pas longtemps sous sa forme actuelle. Elle est déjà inopérante sur les séries TV. Tout comme les frontières physiques sur la diffusion. En cas d’évolution dans la chronologie des médias, un service de SVOD proposé par France Télévisions est-il envisageable ? Oui. La consommation en mode SVOD n’est pas anecdotique, c’est une concurrence directe avec le temps télévisuel traditionnel. Mais c’est un sujet important. On regarde avec qui, sous quelle forme, quand, comment, avec quels contenus… Après avoir développé vos contenus et les audiences, la prochaine étape sera-t-elle de développer les recettes ? En effet, nous devrions réaliser entre 10 et 11 millions d’euros de recettes en ligne cette année (contre 9 millions d’euros en 2010, ndlr). Il est temps d’optimiser nos contenus. On espère également que le budget dédié au numérique (50 à 55 millions d’euros annuels, ndlr), sera sanctuarisé malgré les économies à réaliser. C’est crucial pour l’avenir. Quels sont les projets pour 2014 ? Il y en a plusieurs, mais le sujet des API est l’une de nos priorités. Il faut penser les développements « en mode API », et quand c’est possible, les ouvrir. Nous continuons également à travailler sur les objets connectés, notamment sur les Google Glass avec faberNovel. De manière globale, il faudra continuer les expérimentations en gardant comme objectif l’innovation. La 4K – la télévision ultra-haute définition – est un sujet qui va prendre de l’ampleur, comme les écrans compagnons et la télévision augmentée. Nous étudions aussi, avec la SNCF, des dispositifs de LI-FI (communication de données via la lumière, ndlr). DÉVELOPPEMENT DE LA SOCIAL TV Parmi les priorités en 2014, France Télévisions continuera à proposer de nouveaux dispositifs en social TV. « L’appétence des publics pour la télévision sociale est réelle. Outre l’information, le public veut aussi être actif : les commentaires, les sondages, les quiz génèrent des audiences. Plus l’interaction est poussée, plus le dispositif est réussi. On va multiplier les expériences et les collaborations avec les antennes. L’internaute se moque de savoir sur quel canal il consomme son contenu, qu’il soit numérique ou pas. Parfois, il ne s’en s’aperçoit même pas » affirme Antonio Grigolini, responsable social TV à FTVEN. Jean-Michel De Marchi OrganisationStreaming vidéoTransformation de l'audiovisuel Besoin d’informations complémentaires ? 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