Accueil > Médias & Audiovisuel > Etats généraux de l’information : Alliance Digitale dénonce le rôle néfaste des plateformes dans la publicité numérique Etats généraux de l’information : Alliance Digitale dénonce le rôle néfaste des plateformes dans la publicité numérique Dans sa contribution adressée aux Etats généraux de l'Information, l'association française du marketing numérique et de l’adtech estime que la publicité en ligne est indispensable au financement de l’information et à l'intérêt général, mais pointe son dérèglement du fait d'une “concentration préoccupante entre les mains d'une poignée de plateformes américaines” et leur “domination sans partage”. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 15 décembre 2023 à 17h01 - Mis à jour le 04 janvier 2024 à 8h50 Ressources “La publicité en ligne est au cœur du modèle économique des médias et de l’ensemble des acteurs du web pour financer leurs contenus et services et les Etats généraux représentent une opportunité pour renforcer l’indépendance des médias face aux pratiques anti-concurrentielles des leaders de la publicité en ligne.” C’est en substance le message que souhaite transmettre Alliance Digitale aux organisateurs et participants des États généraux de l’information. L’association, à la fois organe de normalisation technique de la publicité en ligne et lobby du marketing digital et de la publicité programmatique, a transmis sa contribution aux débats sur l’avenir de l’information, son économie et son indépendance, qui se tiennent depuis début octobre et jusqu’à la fin de l’année, sous la direction de Bruno Lasserre et Christophe Deloire, respectivement président et directeur délégué des Etats généraux de l’information. Les délibérations débuteront en janvier et dureront trois mois. Comment s’organisent les travaux des États Généraux de l’information Alliance Digitale pointe une concurrence tronquée dans la publicité en ligne Dans sa contribution consultée par mind Media, Alliance Digitale rappelle un triple constat observé sur le marché de la publicité ces dernières années. Premièrement, l’importance prise par le numérique dans la publicité. Avec “près de 40 % de part de marché, la publicité en ligne est le premier support de vente de publicité en France et en Europe, et compte pour 81 % des recettes numériques des journaux et magazines européens”, fait-elle remarquer. “Composé de 900 entreprises réalisant un chiffre d’affaires de 11,3 milliards d’euros en 2019, le secteur de la publicité en ligne est à l’origine de près de 30 000 emplois directs et de 70 000 emplois indirects sur l’ensemble du territoire”, ajoute l’association. Alliance Digitale souligne ensuite que les plateformes captent l’essentiel de ce marché. “Seuls 6 % du total des revenus publicitaires en ligne reviennent aux médias” en France, souligne l’association, s’appuyant sur les chiffres régulièrement mis en lumière par l’Observatoire de l’e-pub. Enfin, troisièmement, l’association pointe la concurrence insuffisante sur le marché publicitaire en ligne. “Une partie significative de la valeur est captée par certains intermédiaires technologiques dominants sur le marché : pour 10 euros investis par un annonceur dans la publicité en ligne, le média n’en percevra finalement que 4 euros”, affirme Alliance Digitale, reprenant ici les chiffres cités dans une vaste étude sur l’état des lieux et les pistes de régulation de la publicité numérique publiée en novembre 2020 par l’Inspection générale des finances. Publicité en ligne : un rapport remis au gouvernement français en 2020 propose différentes mesures très coercitives contre les plateformes Des chiffres identiques ont été évoqués dans différentes études institutionnelles ou professionnelles publiées ces dernières années aux Etats-Unis, au Royaume-Uni et en France. L’association va plus loin en sensibilisant les groupes de travail des États généraux sur le fait que le secteur “fait l’objet d’une concentration préoccupante entre les mains d’une poignée de plateformes américaines. D’après l’Inspection des finances, deux acteurs, Google et Meta, captent près de 75 % du chiffres d’affaires et 90 % de la croissance en France”. Les plateformes sont en effet accusées de monopoliser les revenus publicitaires en ligne via les mécanismes programmatiques qu’elles contrôlent. Alliance Digitale prend donc résolument fait et cause en faveur des éditeurs médias et des vendeurs publicitaires. Une position nette, alors même que plusieurs de ses membres, et non des moindres, sont des plateformes. En particulier Google, Meta et Amazon. Seul ce dernier fait actuellement partie de son conseil d’administration. “Dans sa forme actuelle, le marché de la publicité digitale est une menace économique pour les médias et la presse”, affirme Alliance Digitale. Sa position n’est pas nouvelle, mais elle s’exerce ici dans un cadre institutionnel. Contactés par mind Media, Alliance Digitale et ses membres clés ne souhaitent pas s’exprimer davantage, ni entamer un bras de fer, évoquant des positions et un constat d’abord factuels et techniques, au service du marché publicitaire dans son ensemble, mais assument cette position officielle, prise par un groupe de travail interne, qui reflèterait l’avis de la majorité de ses membres. Le rebond des investissements publicitaires en France au deuxième semestre 2023 profite surtout aux plateformes “Les plateformes agissent en régulateurs privés” Dans un contexte publicitaire difficile depuis 18 mois, les enjeux deviennent plus saillants. Médias, vendeurs et revendeurs publicitaires et sociétés adtechs indépendantes sont tentés d’être plus offensifs et de durcir leur discours contre les plateformes, en particulier contre Google, Apple et Meta. “Google bénéficie de plus de la moitié des parts de marché sur l’ensemble de la verticale technologique permettant de monétiser et mesurer la performance des campagnes des marques (analytics, adserver, SSP, DSP…), fustige ainsi la contribution d’Alliance Digitale. Google et Apple contrôlent les accès au web et aux applications via leur navigateur et leur OS respectifs et imposent des règles qui servent leurs intérêts avant tout sous prétexte de préserver la vie privée de leurs utilisateurs. Cette concentration excessive du marché menace le secteur de la publicité en ligne français et européen qui peine à concurrencer ces acteurs dominants. De fait, les plateformes agissent désormais en ‘régulateurs privés’ capables de bouleverser les conditions de marché par leurs décisions unilatérales.” Au-delà des Etats généraux de l’information, la prise de position de l’association est un message adressé aux pouvoirs publics. Rappelons que des contentieux ont été ouverts à différents niveaux et par différents acteurs du marché ces dernières années, en France et à l’étranger, contre les comportements jugés abusifs des plateformes ; Google, Facebook et Apple en particulier. [Info mind Media] États Généraux de l’information : les positions et premières propositions des organisations professionnelles des médias et des syndicats de journalistes Les enjeux “démocratiques et économiques” de la publicité Pour Alliance Digitale, le bon fonctionnement du marché de la publicité en ligne revêt deux intérêts pour les médias et l’information. D’abord un enjeu économique. “Les médias et les éditeurs de presse français font face à des difficultés croissantes pour générer des revenus publicitaires à même de stabiliser leur modèle économique”, et ils “dépendent alors financièrement des quelques acteurs dominants sur le marché”, pointe l’association. Elle évoque une baisse des revenus publicitaires pour la presse dans son ensemble de 60 % entre 2007 et 2019, chiffre figurant dans un autre rapport de l’Inspection générale des finances, “La concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation”, publié en mars 2022. Pour l’association, la publicité en ligne revêt également un enjeu démocratique pour les médias et l’information. “La domination sans partage du marché de la publicité en ligne interroge la pérennité et l’indépendance financière des médias français, et plus largement la production et l’accès à une information de qualité et gratuite pour les citoyens français”, affirme-t-elle. Elle souligne que la profitabilité des éditeurs de presse fluctue en moyenne “entre 0 % et 1 % depuis une dizaine d’années”, citant ici le rapport de l’Inspection générale des finances de mars 2022. L’Autorité de la concurrence et la Cnil formalisent leur collaboration Une demande : l’interopérabilité des services publicitaires Dans sa contribution, Alliance Digitale propose d’instaurer “un principe général d’interopérabilité des services d’intermédiation de publicité en ligne, permettant d’assurer une véritable concurrence entre ces services et donc de diminuer la dépendance du reste du marché et de la presse et des médias en ligne”. L’association soumet donc aux Etats généraux la problématique des entraves à la concurrence exercée par les plateformes et veut casser les walled gardens. C’est particulièrement vrai pour Google, régulièrement accusé aux Etats-Unis et en France de truquer le marché publicitaire en ligne, via le search et son système d’enchères programmatiques. L’Autorité de la Concurrence avait d’ailleurs infligé au groupe, fin 2019, une amende de 150 millions d’euros pour pratiques anticoncurrentielles concernant les règles encadrant Google Ads, sa plateforme de vente de publicités search. La position d’Alliance Digitale va désormais alimenter la réflexion des groupes de travail des Etats généraux. Les plateformes, notamment Google, vont-elles réagir, au sein de l’association ou en dehors ? Contacté par mind Media vendredi 15 décembre, Google n’a pas souhaité apporter de commentaires. Jean-Michel De Marchi AdtechConcurrenceDuopoleEtats Généraux de l’informationFinancementLobbyingModèles économiquesplateformesPublicité programmatiqueSites d'actualité Besoin d’informations complémentaires ? 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