Accueil > Médias & Audiovisuel > L'après-cookies > Gravity : les questions qui se posent (et leurs réponses) Gravity : les questions qui se posent (et leurs réponses) La coalition Gravity a été dévoilée mardi 4 juillet. Autour des Echos - Le Parisien et de Lagardère Active, une quinzaine de groupes français (éditeurs, opérateur télécom, e-commerçants) créent une alliance dans les données via un trading desk. Nos détails Par Aymeric Marolleau et Jean-Michel De Marchi. Publié le 06 juillet 2017 à 16h32 - Mis à jour le 22 septembre 2023 à 13h37 Ressources Le projet, qui sera lancé en septembre 2017, prévoit la mise en place d’une plateforme d’achat publicitaire (DSP) proposant la mise en commun, par des groupes français, de plusieurs types de données grâce à une DMP associant différentes sources de données. L’ambition est de rivaliser avec les offres publicitaires des GAFA, notamment Facebook et Google, qui s’accaparent plus de la moitié des revenus de la publicité en ligne. Quelle sera la gouvernance de la société ? Comment la plateforme-va-t-elle fonctionner ? Quelles données seront partagées ? Quelle en sera la commercialisation et la répartition des revenus ? Quels sont les objectifs chiffrés ? Quelle collaboration avec les autres plateformes programmatiques ? Et comment sécuriser les données ? 1 Quelle sera la gouvernance de la société ? Une société par actions simplifiées (SAS) a été créée il y a quelques jours. Il y a dans l’immédiat huit fondateurs actionnaires, détenant 12,5 % du capital chacun : Les Echos – Le Parisien (1 siège), Lagardère Active (1 siège), SoLocal Group (1 siège), Prisma Media (1 siège), M6 (1 siège), SFR (1 siège pour l’activité télécom, 12,5 % des parts, et 1 autre siège pour l’activité média, 12,5 % des parts), ainsi qu’1 siège que se partagent les cinq premiers groupes de PQR présents au sein du projet : Sud Ouest, La Montagne, Le Télégramme, La Dépêche et La Nouvelle République. Un même groupe peut donc détenir deux sièges, afin de représenter des activités jugées distinctes en son sein. C’est le cas de SFR avec l’activité d’opérateur télécom et celle de medias. Ces entreprises sont les filiales du même groupe mais, autonomes, elles n’ont pas forcément la même stratégie ni les mêmes intérêts. La présidence de la société est tournante tous les ans. Francis Morel est son premier président. D’autres structures participent à la coalition, sans pour autant être au capital : L’Equipe, NextRadioTV, FNAC-Darty, Condé Nast, Marie Claire, Sciences & Avenir, Challenges. Au total, l’alliance revendique réunir 100 marques et proposer 16 millions de VU par jour, soit 44 % de reach quotidien. Le pacte prévoit l’ouverture facile du capital à de nouveaux entrants, avec une dilution par augmentation de capital et une valorisation au jour de l’opération. Chaque actionnaire sera dilué au même niveau. L’approbation d’un nouvel entrant, comme toutes les décisions stratégiques, sera votée à la majorité qualifiée des fondateurs. 2 Quand la plateforme va t-elle être active ? Au niveau opérationnel, la société sera composée de 30 personnes dédiées début 2018 (des spécialistes data et quelques commerciaux). Le directeur opérationnel, en cours de recrutement, devrait avoir un profil de haut niveau. Le financement de la structure, de l’ordre de plusieurs millions d’euros d’investissement, a été prévu pour 18 mois, moment attendu du passage vers la rentabilité. Le calendrier prévoit un lancement bêta de la plateforme en septembre 2017 avec de nouveaux membres (la barre des 50 % de reach devrait alors être atteinte), puis une version officielle en novembre 2017, avant l’installation d’un accès direct et automatisé (self service) pour les acheteurs en janvier 2018. 3 Comment la plateforme-va-t-elle fonctionner ? Cette nouvelle union de groupes en ligne consiste en la création d’une plateforme d’achat display et vidéo – elle est donc orientée vers les agences et les annonceurs – associée à une DMP. Pour cela, la technologie de la société française Mediarithmics a été retenue comme tiers de confiance après un appel d’offres. Elle propose une plateforme programmatique alliant notamment DSP, DMP, A/B testing, et, surtout des modules d’attribution et de reporting pour répartir équitablement la valeur créée. Le contrat avec Mediarithmics est d’une durée déterminée. Les opportunités seront multiples à son échéance : reconduction de l’accord, accord avec un autre prestataire, développement d’une plateforme propriétaire, ou, pour sécuriser les données et optimiser les investissements, entrer au capital de l’actuel partenaire ou du prochain. Les fondateurs devront se mettre d’accord sur ce point. En pratique, Mediarithmics posera un tag sur les pages de certains membres de l’alliance, afin d’en récolter les cookies. Début juillet, une cinquantaine avaient déjà accueilli le code. D’autres, comme SoLocal Group, synchroniseront leur propre DMP avec celle de Mediarithmics, de serveur à serveur. “Dès que notre DMP, taggé sur l’ensemble de nos pages, enregistrera un évènement, nous l’enverrons en même temps automatiquement à Mediarithmics”, précise un porte parole de SoLocal. 4 Quelles données seront partagées ? Plusieurs sources de données first party seront intégrées et partagées sur display et vidéo : navigation, CRM, logs, opérateur… pour cumuler et agréger des types de données très variés : intentionnistes / transactionnelles, géolocalisées, profils socio-démographiques et socio-professionnels, centres d’intérêt, etc.. Le tout dans un contexte média premium offrant transparence et brand safety aux annonceurs, selon les fondateurs. L’un des facteurs de réussite de ce rassemblement portera sur l’intégration du maximum de data des groupes. Ce point reste à préciser : c’est la volonté globale affichée, mais cela semble un peu moins pour chaque éditeur. M6, par la voix de son président Nicolas de Tavernost, a par exemple annoncé vouloir ne fournir que les données issues de ses portails thématiques et non de l’univers TV et logé (15 millions de logs revendiqués pour 6Play). C’est d’ailleurs l’un des arguments avancés par TF1 et France Télévisions pour ne pas rejoindre l’alliance : elle ne comprend pas aujourd’hui de données issus d’inventaires TV. Ni de données papier et logées, un problème pour faire du tracking cross device et proposer des data aussi fines que peuvent le faire Facebook (via facebook Connect) et Google (via Gmail). Mais les groupes à l’origine de l’alliance l’assurent : l’ambition est d’enrichir progressivement l’offre. Un groupe de travail devrait par exemple examiner ces prochains mois la possibilité de mettre en place un ID unique. L’ajout de données transactionnelles et intentionnistes au pot commun sera également déterminant, ce qui passe essentiellement par la présence d’e-commerçants au sein du projet. Sur ce point, le mouvement est amorcé puisque SoLocal est fondateur, tandis que le groupe FNAC-Darty est membre. Des discussions ont lieu avec d’autres e-commerçants ou groupes ayant des données intentionnistes et transactionnelles. 5 Quelle commercialisation et quelle répartition des revenus ? Les offres commerciales sont en cours de constitution. Les acheteurs pourraient appeler des data et utiliser des segments clés en main. Le pricing des segments et des campagnes restent à définir. La rétribution des membres se fera “de manière transparente et arithmétique”, selon Francis Morel, sur la base de leurs cookies sollicités. “A chaque fois qu’un cookie est appelé dans une campagne enrichie par Gravity, Mediarithmics identifie le partenaire qui l’a mis au pot. La contribution de chacun et sa rémunération est ainsi calculée en temps réel”, précise Béatrice Lhopitallier, directrice data du groupe Les Echos. 6 Quels objectifs financiers ? Gravity espère conquérir 15 % du marché programmatique display à l’horizon 2020. Pour rappel, l’achat programmatique a représenté 53 % du display en 2016, soit 639 millions d’euros, selon l’Observatoire e-Pub du SRI. Lequel prévoit aussi que le programmatique représentera 75 % du marché display en 2020. 7 Quelle collaboration avec les autres plateformes programmatiques ? La DSP-DMP de Gravity sera interfacée avec d’autres outils et plateformes programmatiques et fera office de trading desk auprès des acheteurs. Elle devrait aussi être connectée aux SSP. Des discussions ont par exemple lieu pour une connexion avec la technologie vidéo de Teads. Officiellement, ce projet basé sur la data ne menace pas la pérennité des places de marché privées communes aux éditeurs, Audience Square et La Place Media (qui pourraient fusionner fin 2017), qui proposent des inventaires publicitaires, ni les plateformes de gestion commerciale et administrative comme Mediasbook, des acteurs avec lesquels Gravity pourra travailler, selon les fondateurs de l’alliance. Mais, même s’il peuvent collaborer ensemble et parfois être complémentaires, la question se pose pour les place de marché : avec une offre alliant data et média premium, Gravity ne va-t-il pas cannibaliser une large partie de l’offre des places de marché, offrant “seulement” du média premium, déjà concurrencés par la création de places de marché privées par leurs propres éditeurs actionnaires ? 8 Comment sécuriser les données ? Les groupes membres de l’alliance apporteront des données brutes exclusives – c’est en tout cas le discours affiché. Deux enjeux ont été identifiés pour rassurer les participants et rendre pérenne cette alliance : garantir la confidentialité des données et des transactions de chaque éditeur, et éviter le data leakage, autrement dit la fuite de données qui peut se produire au sein des grandes plateformes data, a fortiori lorsqu’elles sont partagées entre une grande variété d’interlocuteurs et connectées avec une multitude d’acteurs du programmatique. Si Mediarithmics aura le rôle de tiers de confiance, le dispositif technique permettant de garantir la sécurité de données, notamment lors des connexions avec les autres plateformes programmatiques, reste à préciser. Aymeric Marolleau et Jean-Michel De Marchi Alliances DataAlliances éditeursDonnées personnellesPublicité programmatique Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les membres de Gravity expliquent leurs stratégies Alliances data : les détails sur la gouvernance de Gravity Jean-Luc Chetrit (UDA) souhaite un rapprochement de Skyline et Gravity L'alliance Gravity accueille notamment Mondadori, Marketshot et 3WRégie pour étoffer ses données. 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