[info mind Media] Nouvelles hausses des tarifs des quotidiens nationaux en janvier 2024 : le prix moyen atteint 3 euros

L’information sur papier va-t-elle être réservée à une proportion de plus en plus réduite de la population ? Cela devient maintenant systématique année après année, la majorité des titres de presse d’information payante augmentent leurs prix en kiosque. C’était déjà le cas en 2022 et en 2023. 

En décembre 2022, nous révélions qu’une très large partie des éditeurs de presse quotidienne nationale étaient sur le point d’augmenter en janvier 2023 les tarifs de leurs éditions de la semaine vendues en kiosque, souvent de 20 centimes. Les neuf quotidiens nationaux français avaient tous demandé un effort supplémentaire à leurs lecteurs, en janvier ou dans les mois précédents. Les hausses oscillaient alors entre 4 et 12 %.

En 2024, selon nos informations, les hausses seront du même montant, mais légèrement moindres en valeur relative, de 4 % à 7,5 %. Elles concernent cinq quotidiens généralistes sur huit (L’Humanité, Les Echos, Le Figaro, Le Monde, La Croix), mais deux autres (L’Opinion et Le Parisien – Aujourd’hui en France) ont pratiqué des hausses courant 2023.

D’après les chiffres collectés par mind Media auprès des éditeurs ou dans leurs entourages, La Croix coûtera ainsi 20 centimes plus cher qu’il y a 12 mois, soit 2,90 euros (+ 7,40 % en un an). Les Echos également, passant de 3,40 euros à 3,60 euros en semaine (+ 5,90 %). Le Figaro et Le Monde, qui pratiquent le même tarif, afficheront des hausses identiques. Ces trois titres, plutôt orientés vers les CSP+, proposent depuis 2018 les mêmes hausses et les mêmes tarifs, les plus élevés du secteur, en hausse de 24 % en quatre ans (janvier 2020).  Le média sportif L’Equipe augmente quant à lui de 10 centimes son édition quotidienne du dimanche au vendredi, à 2,40 euros (+ 4,3 %).

“A défaut d’une réflexion suffisamment avancée de la filière sur nos coûts fixes de production et de distribution, la baisse des tirages se traduit malheureusement par une augmentation des coûts par exemplaire. D’où la nécessité de pratiquer cette hausse”, explique à mind Media Louis Dreyfus, le président du directoire du Monde. L’objectif : conserver des modèles économiques cohérents et pérennes.

Environ 10 % de baisse des ventes individuelles papier en 2023

En cause également : la baisse des ventes individuelles papier, de l’ordre de 10 % pour cette famille de presse en 2023, selon les chiffres de l’ACPM ; les grandes difficultés publicitaires des médias ; enfin, les abonnements en ligne qui décroissent. “Et nous subissons toujours les effets de la hausse du prix du papier”, souligne Fabien Gay, directeur de L’Humanité, qui coutera lui aussi en janvier 10 centimes de plus, soit 2,70 euros (+ 3,85 %). Le prix de la tonne de papier était passé de plus ou moins 400 euros fin 2022 à 1 100 euros début 2023, avant de se situer autour de 900 euros dans le courant de l’année.

“On pense à nos lecteurs, mais la situation est compliquée pour un journal, avec des coûts qui augmentent dans un contexte d’inflation”, rappelle Jean-Marie Montel, directeur général de groupe Bayard, pour expliquer la hausse de 20 centimes de La Croix, soit + 7,40 % en un an et + 21 % en deux ans.

Deux quotidiens, L’Opinion et Le Parisien / Aujourd’hui en France, n’augmenteront pas leurs tarifs… mais ils l’ont fait au cours de l’année. Le quotidien libéral fondé et présidé par Nicolas Beytout a augmenté son prix de 20 centimes en mai 2023 – à l’occasion de ses dix ans -, passant de 2,80 à 3 euros (+ 7,1 %). Son tarif n’avait pas évolué depuis 2020. “Nous n’avons pas prévu d’augmenter nos prix dans notre budget 2024. Nous avions augmenté effectivement notre prix en mai pour absorber une partie de la hausse des coûts, mais l’essentiel est intégré dans des économies sur d’autres postes, par exemple le papier. Le journal papier est en train de devenir un produit de luxe. L’enjeu, c’est de maintenir le plus possible un tarif accessible et la qualité des contenus pour fidéliser les lecteurs et garder une certaine exposition de la marque : le papier, c’est l’influence”, souligne Thierry Massé, directeur général de L’Opinion et L’Agefi.

Le Parisien verra également son prix inchangé en janvier, à 1,90 euro. Mais tout comme L’Opinion, le deuxième quotidien du groupe Les Echos-Le Parisien avait appliqué une hausse courant 2023, le 1er juillet. Elle était de 10 centimes (+ 5,25 %), comme chaque année depuis 2019.

Libération, seule exception sur les 12 derniers mois

La seule exception notable à ces augmentations parmi les huit quotidiens d’information généralistes français est Libération. Après une hausse de 20 centimes en janvier 2023, sa direction n’a, depuis, pas augmenté son prix en semaine (2,70 euros), ni le week-end, et elle ne compte pas le faire cette année. “Nous n’augmenterons pas nos prix en 2024 pour une double raison : nos coûts de production projetés cette année se stabilisent, et nos lecteurs sont exposés à une très forte inflation au quotidien, or nous considérons que les augmentations doivent relever d’un contexte exceptionnel ou d’un changement de l’offre”, affirme Amandine Bascoul-Romeu, sa directrice générale. En janvier 2023, Libération avait augmenté son tarif du fait de la forte hausse du coût du papier.

Ces hausses, désormais constantes, ne sont pas spécifiques à la presse quotidienne. Elles touchent aussi la presse régionale (Ouest-France, Ebra), la presse hebdomadaire et les magazines. Et certains groupes augmenteront également le prix de leur édition du week-end, souvent vendue avec un ou plusieurs suppléments entre 4 et 6 euros, qui correspond parfois à leurs meilleures ventes de la semaine, comme c’est le cas du Monde. Le titre a donc choisi de préserver cette édition et de ne pas l’augmenter, tout comme Les Echos. A l’inverse, Le Figaro a décidé de faire progresser le tarif de son pack week-end de 40 centimes : il coûtera désormais 6,90 euros ; et l'Equipe augmente de 20 centimes sa formule week-end, à 3,50 euros (+ 6 %).

L’accès à l’information pour le plus grand nombre devient un enjeu pour le secteur

Le tarif moyen d’un quotidien national d’informations générales sera de 3 euros en janvier, contre 2,85 euros il y a un an (janvier 2023), soit une hausse moyenne de leurs tarifs en kiosque de 5,5 % sur les 12 derniers mois. La hausse s'élève à 20 % en trois ans (2,5 euros le quotidien en moyenne en janvier 2021) et à 30 % en cinq ans (2,3 euros en moyenne). Des progressions bien supérieures à l’inflation des prix à la consommation, qui s'expliquent par les difficultés croissantes de la presse papier.

Un consommateur qui voudrait acheter deux quotidiens le même jour devra donc débourser 6 euros en moyenne. A ces prix-là, les journaux devront proposer des contenus de plus en plus qualitatifs et à forte valeur ajoutée. Ce que confirme Louis Dreyfus (Le Monde) : “Une hausse des tarifs est toujours un choix difficile, mais cela nous oblige à être d’autant plus à la hauteur des attentes de nos lecteurs."  

Cela oblige également les éditeurs à accélérer leur transition numérique et leur diversification, et à piloter finement leurs budgets. Par ailleurs, la question du financement des médias et de l’accès à une information fiable et accessible par le plus grand nombre devient de plus en plus cruciale pour l’économie du secteur et pour la relation entre les médias et le public. Sur ce point, tous les éditeurs en font une priorité et attendent beaucoup des Etats généraux de l’information qui sont en cours et se concluront avant l’été.

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Les enjeux autour de l'économie de la presse, du financement des médias et de la relation avec les lecteurs seront l'un des thèmes de notre prochaine conférence mind Media Day le 20 mars 2024 : "Information, consommation, publicité : le besoin de confiance et de proximité" - inscription gratuite