Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Laurent Frisch (Radio France) : « Au numérique, je veux rééquilibrer les moyens entre éditorial et technique » Laurent Frisch (Radio France) : « Au numérique, je veux rééquilibrer les moyens entre éditorial et technique » Après trois ans et demi dans l’équipe de Bruno Patino à France Télévisions comme directeur des activités numériques (FTVEN), Laurent Frisch est directeur du numérique de Radio France depuis janvier 2015. Le numérique étant l’une des priorités affichées par Matthieu Gallet, son rôle sera déterminant. Après une grave crise au sein du groupe radio il y a quelques semaines, Laurent Frisch explique à Satellinet les chantiers numériques qu’il veut mettre en place. Par . Publié le 15 juin 2015 à 6h38 - Mis à jour le 15 juin 2015 à 6h38 Ressources Pourquoi avoir quitté la direction de FTVEN ? J’avais l’occasion de collaborer avec un groupe média que j’admire, qui me faisait rêver et où il y a beaucoup de choses à construire. Développer le numérique à Radio France représente un beau challenge. Et puis à mon départ, France Télévisions Editions Numériques possède maintenant une réelle stabilité, une organisation efficace, de nouvelles offres numériques et des premiers résultats très intéressants. Quelle est votre feuille de route à Radio France ? La stratégie numérique est l’une des priorités du président Matthieu Gallet, à qui je reporte. J’ai deux missions : faire en sorte que les offres numériques de Radio France correspondent aux usages de ses publics, et mener le programme main dans la main avec les chaînes radio du groupe. Le budget dédié au numérique est stable : 6,5 millions d’euros cette année, qui se compose de 4,5 millions d’euros de frais de fonctionnement et 2 millions d’euros pour les investissements. Quel regard portez-vous sur le numérique à Radio France ? Les forces, ce sont des équipes très compétentes et une forte envie d’avancer. Les faiblesses concernent la taille des équipes informatiques, qui sont sousdimensionnées pour faire face aux enjeux qui sont les nôtres. Cela a eu un impact sur le socle technique des offres déployées, qui ne sont pas au niveau. Il va falloir réinvestir sur les infrastructures. Je suis convaincu que Radio France, comme tous les médias, doit entrer pleinement dans le numérique en intégrant la culture des usages et de l’audience. Le groupe a des atouts considérables pour cela : il n’y a pas de rupture conceptuelle entre radio et numérique. Au contraire, entre l’interactivité des réseaux sociaux et la mobilité qui se développe, la radio a toute sa place. Mais il y a beaucoup d’efforts à faire sur la façon de répondre aux besoins actuels et aux nouveaux usages. Pourquoi l’abandon de RF8, la plateforme numérique musicale lancée il y a seulement un an ? Cette offre relevait de la mise en place d’une 8e chaîne au sein du groupe pour découvrir, écouter et partager de la musique – à partir notamment les archives du groupe – mais selon moi, son identité n’a pas été trouvée. Il n’y avait pas lieu de positionner cette plateforme comme une offre isolée au sein du groupe. Elle est trop proche de FIP, sans moyens marketing, et ne dispose pas de l’adhésion des chaînes. Du coup, le site a trop peu de contributions et son audience est aujourd’hui extrêmement faible. La question des droits d’auteurs liés à la musique n’est pas un problème. Le secteur de la musique enregistrée est très fragilisé, mais il y a une vraie envie d’expérimenter. Ce sont les incertitudes qu’il faut lever. NouvOson va-t-il connaître le même sort ? Non. NouvOson a été lancé en mars 2013 comme la première plateforme de diffusion en streaming de programmes sonores en multicanal (dit aussi « 5.1 »), ou binaural. Ce son de haute qualité, « spatialisé », j’y crois fortement car la qualité du son transforme véritablement l’écoute : l’expérience est bluffante (le son multicanal suppose un dispositif de diffusion où l’auditeur se positionne sur un point d’écoute idéal, au centre de 5 points de diffusions. Le son binaural s’écoute au casque, sans équipement particulier, avec un traitement du son qui simule un effet stéréo 3D, ndlr). En revanche, nous allons prendre deux directions pour NouvOson : d’abord généraliser la production via son intégration au sein des chaînes, ensuite développer les moyens d’expérimentation : la technologie n’est pas encore mûre, il reste beaucoup de développements techniques : le player, les outils de diffusion et de captation… Il y a également des enjeux éditoriaux à maîtriser : par exemple, dans quel environnement éditorial le son spatialisé est-il optimal ? La qualité de l’image influe-t-elle sur la perception qualitative du son qui l’accompagne ? Autant de mise en contexte éditoriale qu’il faut appréhender. Nous avons réalisé une première expérience vendredi 5 juin à 20h, avec « La Cenerentola », de Rossini diffusé en direct de l’Opéra de Rennes en son 3D et en vidéo sur francemusique.fr. L’idée était de tester le dispositif technique et les coûts puisqu’on utilisait un player expérimental développé en partenariat avec Orange. Le Français Qobuz, qui propose une plateforme de streaming et de téléchargement de musiques avec un son en haute qualité, a pourtant du mal à affirmer son offre sur le marché. Y a-t-il une vraie appétence du public ? La propension à payer pour ce service est très faible, c’est vrai. Baser un modèle économique uniquement sur la qualité sonore, c’est difficile, et c’est ce qui explique pourquoi il n’est pas généralisé sur les plateformes musicales. Mais il y a une réelle appétence du public pour de l’audio en haute qualité. Les coûts techniques sont marginaux. La barrière à l’entrée, c’est plutôt la compétence des équipes. Ensuite, il faut bien intégrer le service dans les différentes offres. RTL, Europe1, Radio France… depuis deux ans, toutes les stations parlent de « radio filmée » et développent la vidéo, parfois sans vraie stratégie… Est-ce que cela a un intérêt ? La vidéo est un format majeur, voire dominant sur internet, avec YouTube, Dailymotion… Les auditeurs y sont aussi. Il faut donc y être mais y apporter quelque chose de nouveau. La vraie question, c’est que produire comme format vidéo : filmer le studio ? Réaliser un diaporama ? Créer une mise en scène spécifique ? Il ne doit pas y avoir de format automatique, mais une capacité à s’adapter en fonction de l’intérêt du contenu et des moyens alloués. La stratégie est simple : il nous faut utiliser la vidéo comme un vecteur supplémentaire de diffusion de nos programmes, afin de toucher un public dans des contextes où nous n’existons pas assez aujourd’hui. Faut-il réorganiser la direction des nouveaux médias ? Oui. Elle rassemble aujourd’hui 145 personnes, dont 45 en central (marketing, technique et pilotage de projets), et plus de 90 dans les chaînes. C’est un effectif intéressant au niveau global mais insuffisant en central. Il faut une taille suffisante pour mener à bien les projets et diffuser une culture du numérique au sein du groupe, mais je ne crois pas qu’une direction numérique doive grossir au point d’être obèse. La direction des nouveaux médias va donc disparaître pour laisser place à une « direction du numérique » et certains postes sont basculés. Je veux rééquilibrer les moyens entre éditorial et technique. Il y avait par exemple 17 personnes au pôle éditorial de la DNM, mais la responsabilité des contenus a été rebasculée dans les différentes chaînes, c’est de leur ressort. A contrario, 22 personnes en central pour le marketing, la technique et les projets, c’est trop peu. Notamment le pôle technique qui ne rassemble que 8 personnes. C’est ce qui explique le retard technique du groupe. Votre projet prévoit notamment la création d’un pôle chargé de l’innovation. Quel sera son rôle ? Effectivement, je viens de présenter mon projet de réorganisation au comité central d’entreprise. La direction du numérique sera structurée autour de trois pôles principaux : un pôle produit de 15 personnes qui réunit les équipes marketing et les chefs de projet pour comprendre les usages et structurer l’offre en conséquence ; un pôle technique de 8 personnes, et enfin un pôle innovation de 8 personnes. C’est un nouveau pôle composé de profils hétérogènes mais avec une cohérence de missions : préparer ce que sera l’écoute de la radio de demain en travaillant sur différents sujets comme le son spatialisé, le travail avec les start-up, des partenariats avec des écoles et des grands groupes, faire du prototypage et des expérimentations… Pourquoi pas également travailler avec des structures dédiées comme les incubateurs. La mise en place officielle des équipes aura lieu entre fin juin et début septembre. Leurs effectifs, notamment au sein du pôle technique, où je souhaite des recrutements, dépendront des moyens alloués par le COM qui est en discussion. Il y a par ailleurs deux postes de direction vacants : un directeur technique et un directeur produit. Quelles sont les autres priorités ? Concernant les offres, la grande priorité à court terme concernera la refonte numérique du réseau France Bleu, pour avoir une offre à niveau (Erwann Gaucher vient par ailleurs d’être recruté comme directeur du multimédia de France Bleu, ndlr). Elle est prévue en septembre ou octobre. Plus largement, ma stratégie est structurée autour de quatre points : l’information, avec la remise au clair des territoires éditoriaux numériques des chaînes, la musique, avec le développement de l’offre d’écoute en web radio notamment, l’innovation, avec exemple l’intégration de nos offres au sein de voitures connectées, et enfin ce que j’appelle « l’hyper-radio » pour rendre les contenus de Radio France accessibles à tous les auditeurs sur les supports numériques. Depuis 2011, France Télévisions avait mis en place une stratégie d’« hyper-distribution » en diffusant ses offres en ligne partout gratuitement. Est-ce cela que vous voulez faire pour Radio France ? Ma conviction, comme celle de Matthieu Gallet, c’est que contrairement au secteur privé, Radio France doit être tournée vers le public et s’adapter. « L’hyper-radio », cela veut dire « hyper-accessible » : chaque auditeur doit disposer d’un format d’écoute qui correspond à ses attentes et à ses usages, pour toutes nos offres et quelle que soit la plateforme. Cela vaut pour le direct mais également pour l’écoute de nos contenus à la demande. Par ailleurs, le groupe dispose d’une telle richesse de programmes qu’il faut la faire mieux connaître et le numérique nous permet cela, par exemple en utilisant mieux la viralisation des réseaux sociaux mieux intégrés et éditorialisés au sein des chaînes. Radio France est confronté à d’importantes restrictions budgétaires. Les revenus en ligne sont pourtant encore limités. Est-ce une priorité ? Quels leviers de monétisation numérique envisagez-vous ? Notre priorité, c’est le développement de l’usage. Le développement des revenus en sera une conséquence utile en cette période économiquement difficile, avec deux leviers principaux : la mobilité et la vidéo. Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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