Accueil > Marques & Agences > Achat média > Le dark social : quelles opportunités pour les marques et les médias ? Le dark social : quelles opportunités pour les marques et les médias ? Du simple échange d’emails, en passant par les messages Whatsapp, les forums ou les groupes facebook privés, le "dark social" désigne tout partage d’information en ligne qui n’est pas public. Le type de partages de contenus dans des conversations privées a explosé ces dernières années, passant de 69 % à 84 % des partages entre 2014 et 2016, ce qui pousse les marques et les médias à s’y intéresser de très près. Après avoir mis quelques années à être considéré comme un vrai levier d’audience, il est aujourd’hui au centre de stratégies web poussées. Par . Publié le 16 avril 2018 à 13h08 - Mis à jour le 16 avril 2018 à 13h08 Ressources Pour en discuter, notre partenaire, le Social Media Club France a sollicité en novembre 2017 Thomas Rudelle, head of social chez AXA France, Anne Kerloc’h, rédactrice en chef adjointe et social media manager pour 20 Minutes et Raphaël Labbé, fondateur et directeur général de Wiztopic. La session était animée par Maxime Drouet, directeur du département digital à Burson-Marsteller I&E, et Aurélien Viers, directeur du pôle visuel à l’Obs. mind Media reproduit la retranscription de ce workshop. La perception même du dark social semble avoir évolué depuis 2012. Passé d’un univers assez confidentiel d’initiés revendiquant leur indépendance par rapport aux grandes plateformes de partage public, il a ensuite été repris par les entreprises du numérique. “Quand on a commencé à parler de dark social en France en 2014, on était sur quelque chose de très anxiogène, en présentant cela comme une série de trafics impossibles à mesurer. Depuis 2017, j’ai l’impression qu’il y a un retournement du terme dans une version plus positive,” analyse Maxime Drouet (Burson-Marsteller I&E). En effet, les messageries instantanées et robots conversationnels font aujourd’hui l’objet d’importants développements chez les géants du numérique comme Facebook, qui développe des outils et stratégies pour les marques sur Messenger. Chez AXA France par exemple, l’intérêt principal de ces nouveaux outils réside dans la relation client. “En relation client sur les réseaux sociaux, le dark social a tout cannibalisé. Sur octobre 2017 par exemple, nos clients se plaignent à plus de 80 % sur Facebook Messenger”, souligne Thomas Rudelle (AXA France). Sans pour autant délaisser les contenus publics, notamment pour des questions de réputation, le secteur de l’assurance a donc récemment adopté de façon massive le dark social dans ses logiques de travail. Avec en ligne de mire le développement de Wechat, qui représente désormais un tiers du temps passé sur son téléphone en Chine, le dark social semble indispensable pour la stratégie digitale d’une marque. Mais quels avantages représente-t-il au quotidien ? Pour Thomas Rudelle (AXA France), cela permet de gérer certains problèmes de façon plus sereine. “Sur du flux chaud avec la résolution d’un problème urgent, il y a un côté asynchrone et rapide à la fois qui est très agréable. C’est moins stressant que le téléphone car on peut prendre le temps de travailler sa réponse, mais en même temps le client est satisfait car il a le sentiment qu’on lui répond tout de suite,” raconte-t-il. Un autre avantage non négligeable pour une marque se situe dans la collecte et le traitement de données facilité par les outils de messagerie. “Les messages qui nous sont adressés la nuit, quand nos bureaux sont fermés, ne sont pas perdus et sont traités le lendemain matin. Le client est averti via une notification sur son smartphone,” explique Thomas Rudelle (AXA France). Certaines marques, comme Orange bank, on fait le choix de leur propre système de messagerie ad hoc leur permettant de ne pas dépendre d’un outil Facebook. Renouer la confiance et créer une communauté Pour les médias, l’intérêt du dark social n’est pas exactement le même que pour les marques. Dans un contexte de défiance médiatique accru, la priorité est à l’entretien d’un lien de confiance à travers l’écoute de sa communauté. 20 Minutes a par exemple misé sur des groupes Facebook privés portant sur les livres, les séries et un troisième plus large à destination des 18 – 30 ans. “Nous avons une communauté très réactive. C’est un outil qui sert aux journalistes pour contacter les lecteurs, les consulter sur des questions éditoriales, ou même obtenir des informations,” souligne Anne Kerloc’h. Dans les éditions locales du quotidien, le fait de pouvoir contacter directement le média sur Messenger a permis aux journalistes d’entretenir un lien avec leurs lecteurs, et d’obtenir par la suite des informations et témoignages. “Ça nous a poussés à plus de transparence. La position des médias est tellement contestée qu’il faut réexpliquer la fabrication d’une info étape par étape. Le fait que le journaliste prenne le temps de répondre et en étant au niveau de ses lecteurs, c’est plutôt bien vu”, observe Anne Kerloc’h (20 Minutes). Chez les marques aussi, le dark social entraîne une certaine proximité avec le client qui consolide un lien de confiance. “En un an et demi d’expérience, on a vu émerger les mêmes usages chez nos clients avec la marque AXA qu’avec leurs proches. Ils partagent des photos de leurs maisons quand on le leur demande, ils réagissent avec des emojis et des gifs par exemple,” explique Thomas Rudelle (AXA France). “Nos clients n’osent pas nous appeler tard le soir car ils ont peur de déranger. En revanche, ils se sentent beaucoup plus à l’aise de nous envoyer un message sur WhatsApp. Si on répond dans les trois minutes, ça veut dire qu’on est disponible,” affirme Raphaël Labbé (Wiztopic). Le dark social nous aide à affiner notre offre éditoriale Anne Kerloc’h Rédactrice en chef, 20 Minutes Pour les médias, ce lien de confiance se traduit par la création d’une communauté, fidèle et active. Au lieu de multiplier les pages publiques, 20 Minutes préfère se concentrer sur des groupes dédiés qu’il considère plus efficace pour générer de l’engagement, et un lien plus fort au média. “Les pages et les groupes sont deux stratégies différentes. Nous ne bénéficions pas d’une image de média statutaire, patrimonial, qui fait qu’on va suivre notre page pour notre nom. Je ne crois pas forcément à la multiplication des pages sur des thématiques pour accroître l’engagement”, analyse Anne Kerloc’h. Une fois cette communauté établie et entretenue, les médias peuvent s’en servir pour la sonder, et affiner leur offre éditoriale. “Le dark social nous aide à affiner notre offre éditoriale”, souligne Anne Kerloc’h (20 Minutes). Ainsi 20 Minutes, sur son groupe “Moi Jeune” destiné aux 18-30 ans, a proposé en partenariat avec OpinionWay des questionnaires hebdomadaires aux membres du groupe, le tout sous forme de dialogue avec quatre journalistes du titre. “Nous avons obtenu un taux de réponse de 35 % à 60 %, ce qui est énorme par rapport aux études marketing classiques. On parle d’un selfie de générations, car ce sont les lecteurs qui le font eux-mêmes avec nous. Ils nous ont beaucoup aidés, et nous avons acquis ces réflexes en leur posant des questions,” détaille Nathalie Desaix, directrice marketing et communication de 20minutes. Public ou privé ? Dès lors, où faut-il concentrer ses efforts pour développer sa stratégie digitale ? Si le partage privé peut paraître plus efficace que le partage public, les réflexes liés à ces nouvelles pratiques ne sont pas encore automatisés chez les marques et les médias. “Un article sur comment gérer son ISF par exemple, cela circule quasi uniquement via le dark social. On explique à nos clients que pour ce type de contenus travailler le partage public est une perte de temps. Mais ils ont les yeux rivés sur ce qui est public, alors qu’ils pratiquent eux-mêmes le dark social au quotidien. Il y a un gros travail d’explication à faire,” explique Raphaël Labbé (Wiztopic). Anne Kerloc’h reconnaît effectuer un travail similaire avec les journalistes de 20minutes. “Ils sont très demandeurs de formation et d’explications sur les usages et les réseaux. Pour leur expliquer l’intérêt du dark social, on leur demande de regarder combien d’articles ils partagent en public, et combien ils en envoient en privé sur une même journée, et c’est souvent beaucoup plus en privé,” indique-t-elle.”Si le trafic est parfois énorme via le dark social, la viralité n’est pas la même qu’en public. Il y a un équilibre à trouver”, souligne Raphaël Labbé (Wiztopic). Sans pour autant délaisser les réseaux publics parfois jugés trop intrusifs par les utilisateurs, il semble que le point d’équilibre pour la présence des marques et médias sur les réseaux sociaux soit à déterminer en fonction du contenu, de la plateforme, des usages et du public cible. “Nous nous inscrivons plutôt dans une logique de complémentarité. Nos marques doivent être généralistes et grand public. Donc si nous voulons aller chercher les moins de 30 ans, il faut aller là où ils se trouvent : sur snapchat, instagram et les messageries privées,” analyse Thomas Rudelle (AXA France). “Ça reste un problème d’usage. Les adultes ont l’habitude d’utiliser Whatsapp avec leurs enfants, c’est un canal de communication qu’ils acceptent,” poursuit Raphaël Labbé (Wiztopic). Intelligence artificielle et reconnaissance vocale Au sein de ces nouveaux usages en constante évolution, la place de l’innovation technologique demeure entière. L’intelligence artificielle, se matérialisant par des robots conversationnels, semble la technologie la plus utilisée par les marques et les médias pour appréhender le dark social. 20minutes a par exemple conçu un chatbot assez élaboré qui répond en totale indépendance à la majorité des questions posées par les lecteurs. “Sur Messenger, notre robot a un peu écrasé les échanges mais nous avons développé un ton et une personnalité qui a créé tout de suite l’adhésion et la sympathie. 20bot sait faire de l’humour, envoie des punchlines, voire fait du soutien psychologique. Il répond, en expliquant que si le lecteur veut parler à un humain, il faut qu’il envoie un mail. Ça fonctionne à la demande, en fonction de mots-clés, et dans les limites de l’intelligence artificielle. C’est un échange limité, mais avec un taux d’ouverture plutôt très satisfaisant,” développe Anne Kerloc’h (20minutes). Car à ce stade, des échanges conversationnels entre une marque et un utilisateur totalement gérés par un robot ne semblent pas envisageables. “Malgré les injonctions des plateformes à développer des bots de prime abord, nous pensons qu’avec une industrie qui touche à des questions aussi complexes que la nôtre, nous serons mauvais avec exclusivement un robot. Nous pensons par ailleurs que l’humain sur Messenger est fondamental,” explique Thomas Rudelle (Axa France). Il explique notamment ce choix par la diversité des demandes adressées à la marque sur le dark social, allant de la déclaration de sinistre à l’envoi de CV, en passant par la demande de sponsors. “Ça s’apparente à du standard téléphonique, les typologies de demande sont extrêmement variées,” détaille-t-il. Avec un dark social de plus en plus investi par les marques et les médias, la tendance à la perte de la relation humaine sur ces supports est surveillée de près. La reconnaissance vocale pourrait également y avoir son rôle à jouer. Les assistants personnels dans les foyers pourraient trouver leur place, même s’il existe pour l’instant encore peu d’exemples probants. “La voix exige d’être concentré sur une demande précise, alors que tous les outils dont on parle ici sont des outils de dispersion,” analyse Maxime Drouet (Burson-Marsteller I&E). Pour Thomas Rudelle, c’est dans la voiture que les assistants personnels vont le plus se développer, parce que cela permet de limiter l’usage du smartphone et d’être absorbé par l’écran. Mais tout dépendra de la validation de ces innovations par les usages. Par Brice Andlauer pour le Social Media Club France Commentaires en ligneFacebookGAFAMInnovationsMessagerie instantanéeRéseaux sociauxStratégies annonceurs Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Dossiers Commentaires en ligne : comment les valoriser ? 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