Les enseignements de Marmiton et 20 Minutes après six mois de présence sur Alexa d’Amazon

Médiamétrie estime à 1,7 million le nombre d’utilisateurs d’enceintes connectées en France en novembre 2018, tandis que 89 % des internautes connaissent leur existence. Et ce nombre a sans doute progressé avec les achats de Noël. Outre les acteurs historiques de la radio, comme Europe 1, et les pure players de l’audio numérique tels que Binge Audio, beaucoup éditeurs français ont développé des contenus pour ce nouveau support dès le lancement en France de Google Home, Amazon Echo et Apple HomePod. 

Quels formats produire ?

C’est le cas de Marmiton (groupe TF1), qui s’est initié à l’audio numérique en juin 2018 en produisant deux formats pour les assistants vocaux. Pour Alexa, le site de recettes culinaires a conçu une skills servicieille, qui permet de lire vocalement les 70 000 recettes de sa base de données, avec des fonctionnalités comme la consultation des avis ou l’ajustement des quantités. Intégrée nativement par Alexa, elle est activée dès lors qu’un utilisateur mentionne le terme “recette”.

“L’effet est similaire à celui d’un référencement surpuissant sur Google”, indique Lorine Guiot, chef de projet notamment en charge du sujet des enceintes connectées chez l’éditeur. Elle ajoute que le skill de Marmiton a été mis en avant lors du lancement français. À ce titre, Amazon accompagne l’éditeur de façon régulière sur les aspects techniques et marketing de son assistant vocal, en lui faisant notamment tester ses mises à jour. 

Marmiton a également développé un flash d’information audio, de moins d’une minute, baptisé “L’info gourmande”, qui délivre chaque jour un conseil de cuisine – “comment conserver les fraises cueillies au jardin ?”, par exemple. La marque continue de travailler sur les enceintes connectées et ses différentes fonctionnalités, notamment la vidéo. L’un des modèles d’Amazon Echo, le Spot, comprend en effet un écran de forme ronde, pour lequel Marmiton “réfléchit à produire à du contenu vidéo, adapté à ce format, et dans lequel l’image est accompagnée par du contenu audio”, détaille Lorine Guiot. 

De son côté, 20 Minutes faisait partie de la vingtaine de partenaires médias d’Alexa, mais ne fait pas partie des skills natives. Le titre gratuit s’est également appuyé sur son expérience du système d’Amazon. Lors de la campagne présidentielle française de 2017, le quotidien permettait déjà aux expatriés aux États-Unis et en Grande-Bretagne de se tenir informés de l’actualité politique en écoutant les articles en tête du flux de 20 Minutes. “Cette expérimentation nous a fait prendre conscience que notre skill ne pouvait pas proposer la lecture d’articles de plus de 1 500 signes, ce qui a poussé les journalistes à optimiser leurs articles pour l’audio en intégrant des résumés constiués de trois grands points évoqués dans l’article”, détaille Michael Fromentoux, son directeur du développement numérique.

Quels moyens ?

En parallèle, 20 Minutes diffuse depuis mi-avril un flash d’information du nom de “Minute papillon” qui résume les principaux titres du jour, midi et soir, durant 2mn30 – comme les autres formats audio numériques de 20 Minutes, les podcasts “Juste un droit” et “Sixième sens”, il est distribué sur les enceintes connectées.  Parmi les pistes d’amélioration avancées, Mickaël Fromentoux s’interroge sur “la nécessité de proposer un flash complémentaire en début de matinée, ce qui nécessiterait une autre organisation”. 

Actuellement, “Minute papillon” est en effet construit chaque jour par une journaliste du titre, qui sélectionne les sujets, enregistre sa voix, réalise le montage et le diffuse sur toutes les plateformes (site et application 20 Minutes, Soundcloud, enceintes connectées…). 20 Minutes, qui possède déjà un studio de production pour la vidéo, indique ne pas avoir engagé de frais supplémentaires pour produire pour ce support, “hormis peut-être l’achat d’un ou deux micros”.

Concernant la création de la skill, un développeur et un chef de projet ont été impliqués durant l’équivalent d’un mois et demi en temps homme, “principalement sur la résolution de problématiques telles que l’architecture de l’arbre de décisions, pour permettre de répondre aux requêtes des utilisateurs, et de coller à la formulation d’Alexa, pour laquelle Amazon nous a par exemple déconseillé d’utiliser le tutoiement”, détaille Mickaël Fromentoux.

Ce constat d’un développement technique relativement léger est partagé par Marmiton sur la conception du contenu, dont l’investissement se résume à l’enregistrement des pastilles sonores de “L’info gourmande”. Soit “l’enregistrement, une fois par mois durant près de deux heures, d’une trentaine de contenus rédigés par la directrice des contenus de Marmiton, lus par une voix castée et captés par un ingénieur son externe”, décrit Lorine Guiot.

Les messages publicitaires, énoncés par son directeur Christophe Duhamel au début du programme, sont également enregistrés et intégrés à ce moment-là. L’éditeur a en effet lancé son flash d’information avec le sponsor de l’annonceur Daucy, dans le cadre d’une campagne numérique plus large, qui s’étend jusqu’à mi février 2019.

Des plateformes avares en chiffres d’audience

Chez 20 Minutes, qui monétise ses formats de podcast par du sponsoring ou du pré-roll en programmatique, “la monétisation des contenus sur les assistants vocaux n’est pas encore à l’ordre du jour, leur audience restant trop restreinte sur le marché publicitaire”, constate Mickaël Fromentoux.  

D’autant qu’Amazon, à l’instar de Google et Apple, est avare en chiffres d’audience. Les données communiquées par un dashboard semblent varier d’un éditeur à l’autre : nombre d’écoutes de “Minute papillon”, plage horaire d’activation de la skill chez 20 Minutes, et nombre de phrases échangées avec Alexa, part de recettes abouties chez Marmiton. Amazon ne donne pas d’indication sur les taux de complétion d’un contenu, le profil des utilisateurs, etc. Pour faire avancer la question de la mesure d’audience, l’ACPM travaille depuis plusieurs mois déjà sur une mesure globale de l’audio numérique, y compris sur le support des enceintes connectées.

Les éditeurs partenaires d’Amazon sont néanmoins liés par un contrat de confidentialité sur les quelques chiffres qui leurs sont fournis. Mais ils se félicitent de l’augmentation de l’usage de leurs skills. ““Minute papillon”génère plusieurs milliers d’écoutes, contre quelques centaines seulement il y a trois mois, avec une hausse de 20 % en l’espace d’un mois et demi”, affirme Mickaël Fromentoux (20 Minutes). Quant à Lorine Guiot, elle met en avant l’engagement des utilisateurs vis-à-vis de la skill de recettes de Marmiton : “en moyenne, 11 000 phrases sont échangées avec Alexa chaque jour, et les personnes équipées d’une enceinte connectée utilisent notre skill plus de deux fois par semaine”.