Les enseignes de distribution affinent leurs stratégies data

Tandis qu’Amazon se montre de plus en plus ambitieux dans l’activation des données et la vente de produits, sur le digital et en dehors, La Redoute, Carrefour et Auchan étoffent leurs régies publicitaires pour mieux valoriser leurs data.

Alors qu’Amazon vient d’acquérir le réseau de magasins de produits bio Whole Food aux Etats-Unis pour développer ses activités offline, les distributeurs français souhaitent eux mieux relier comportements numériques et achats physiques des consommateurs grâce à leurs données. La Redoute Media, fondée il y a vingt ans, a ainsi commencé cette année seulement à investir d’autres médias que les traditionnels catalogues, courriers postaux et emailings. La régie développe depuis quelques mois une offre d’extension d’audience qui s’appuie sur les données récoltées sur ses propres sites web, environ 90 % des achats auprès de La Redoute étant réalisés en ligne. La régie propose aux annonceurs d’acheter pour leur compte des inventaires digitaux en dehors de ses sites, avec un ciblage enrichi par ses data. “L’idée est d’utiliser notre connaissance client au service des annonceurs, mais sans commercialiser des données brutes nominatives et nous restons les propriétaires et seuls gestionnaires de la donnée”, explique Anthony Lecouf, responsable de La Redoute Media. Pour cette activité d’achat programmatique, la régie s’appuie sur la DMP du groupe, installée par Weborama, et la DSP de Zebestof. Elle est également en train de constituer son propre réseau de sites partenaires, dont elle privilégiera l’inventaire. Bien qu’en croissance, cette activité ne représente encore qu’une part très marginale du chiffre d’affaires de La Redoute (750 millions d’euros annuel au total). Huit personnes seulement composent la régie: “L’activité média a toute sa place dans notre modèle économique, mais elle n’est pas appelée à devenir un levier de croissance dans notre plan 2018-2021, souligne Anthony Lecouf, La Redoute ne veut pas devenir Amazon”.

Concurrencer les GAFA

Carrefour Media en revanche, affiche de plus grandes ambitions. “Nous sommes le seul acteur capable de relier physique et digital. Nous pouvons vraiment concurrencer l’offre des GAFA sur cet aspect”, affirme Béatrice Leroux Barraux, directrice de Carrefour Media. La régie élabore depuis deux ans une solution d’onboarding avec Liveramp Acxiom. Comme La Redoute Media, elle propose d’acheter de l’inventaire en programmatique pour le compte de l’annonceur et de cibler les internautes grâce aux données issues de ses 14,3 millions de cartes de fidélité. “A l’extérieur des sites de Carrefour, nous sommes capables de reconnaître et cibler près de la moitié de notre base de porteurs de cartes”, explique Béatrice Leroux Barraux. Quarante segments pré-déterminés ont été créés (attentionistes ou abandonnistes d’un certain produit, consommateurs d’une certaine gamme de produits, etc…), mais chaque marque peut demander un ciblage adhoc. Une cinquantaine de campagnes se sont appuyées sur cette offre en 2015 et Carrefour Media vise au moins le double pour 2017, grâce notamment à la sortie d’un nouvel indicateur et produit : le VOPO (pour “view online, purchase offline”), qui mesure l’impact sur les ventes. Selon Béatrice Leroux Barraux, ces données très granulaires, associées à du média, se valorisent “mieux que les données disponibles sur le marché, très souvent uniquement comportementales”.

Imedia Center, la régie du groupe Auchan, ne s’appuie que sur ses propres actifs digitaux. Créée il y a un an et demi, elle utilise les données provenant de ses sites et de ses 7,6 millions porteurs de cartes pour proposer aux annonceurs un service complet : un travail en amont de la campagne pour définir les cibles, une campagne sur ses sites Auchan.fr et Auchandrive.fr et enfin une analyse post-campagne.”Nous analysons les performances des campagnes jusqu’à un niveau très détaillé : l’impact de la campagne sur la vente du produit, sur les produits de la même gamme, etc.”, explique Sandrine Clion, directrice d’Imedia Center. La régie attend désormais le déploiement d’une DMP avec Ysance pour envisager de vendre sa donnée en dehors de ses propres médias. Carrefour Media étudie quant à elle les opportunités de partager ses données avec d’autres annonceurs, ou même d’intégrer une alliance avec des partenaires variés.

Marion-Jeanne Lefebvre