Accueil > Marques & Agences > Achat média > Les stratégies d’Amazon et Weborama en cas d’acquisition de l’adserver de Sizmek Les stratégies d’Amazon et Weborama en cas d’acquisition de l’adserver de Sizmek Alors qu'on pensait qu'Amazon avait le champ libre pour racheter les activités d’adserving et de DCO de Sizmek pour améliorer sa connaissance client et étoffer ses offres publicitaires, Weborama a surenchéri le 7 juin. Quelles sont les stratégies des deux acteurs en réalisant cette opération, et la société de data marketing française a-t-elle une chance de l'emporter ? Par Jean-Michel De MarchiPaul Roy. Publié le 22 mai 2019 à 15h31 - Mis à jour le 22 mai 2019 à 15h31 Ressources Amazon continue de vouloir investir dans son activité publicitaire en ligne. Le groupe d’e-commerce détenu par Jeff Bezos a annoncé vendredi 31 mai avoir trouvé un accord avec Sizmek pour le rachat de ses activités d’adserver et de DCO, Sizmek Ad Server et Sizmek Dynamic Creative Optimization. Depuis sa mise en redressement judiciaire en avril aux Etats-Unis (selon le chapitre 11), la société adtech a déjà cédé une bonne partie de ses actifs, avec notamment la vente de ses activités DSP et DMP à Zeta Global Holding Group. Sizmek estimait que ses actifs se situent entre 100 millions et 500 millions de dollars, soit un niveau de passif similaire (la liste des créanciers pour un total de 64 millions de dollars). Cette fois, c’est son actif technlogique et ses clients dans l’adserving qui sont concernés. Rappelons que cette technologie permet de gérer de manière centralisée des campagnes publicitaires (allocation des budgets, création et hébergement), de mesurer leurs résultats en récoltant les données de parcours utilisateurs et de déterminer leur attribution. L’outil est donc central, que ce soit pour les éditeurs médias ou pour les marques annonceurs. Beaucoup d’acteurs (opérateurs, plateformes, éditeurs de logiciels) positionnés sur la publicité en ligne ont intégré et proposé des technologies d’adserving, non sans difficultés. Facebook, qui avait racheté l’adserver Atlas à Microsoft, a par exemple mis fin à cette activité dès 2016 pour repositionner la solution uniquement comme outil de mesure interne. Plus récemment, il y a quelques semaines, Verizon Media a annoncé la fermeture de l’adserver de sa branche publicitaire Oath d’ici fin 2020, évoquant des résultats en baisse dûs à l’omniprésence de la solution Google DoubleClick et des coûts d’intégration pour les éditeurs trop élevés pour qu’ils passent d’une technologie à une autre. C’est d’ailleurs cette omniprésence de l’outil de Google qui a conduit à ce que l’adserving ait été considéré ces dernières années par le marché publicitaire comme n’étant plus aussi générateur de valeur qu’avant au sein de la chaîne média. “Les coûts de structure pour l’activité d’adserver sont restés très élevés, alors que la part de l’adserving dans la création de valeur dans la publicité en ligne a été de plus en plus faible”, souligne Christophe Dané, consultant et fondateur du cabinet Digitall Makers. Une source de connaissance client supplémentaire Ces considérations sont-elles en train de changer en même temps que l’évolution des besoins et de l’omniprésence de Google, de plus en plus jugée suspecte pour la maitrise des données par les médias et les annonceurs ? C’est le pari que fait Amazon : l’adserving est une compétence qui manquait jusque-là à sa gamme de solutions publicitaires et l’outil aderving – DCO de Sizmek, jugée robuste sur le marché, peut faire figure d’alternative crédible à Google, sur les budgets publicitaires search notamment, en associant ainsi DSP, adserver et data e-commerce. Cette acquisition pourrait donc lui permettre d’enrichir son offre publicitaire. Amazon a enregistré une progression de 36 % de son chiffre d’affaires publicitaire au premier trimestre 2019, mais l’offre publicitaire de l’entreprise est parfois jugée moins sophistiquée que celle de ses concurrents. L’autre intérêt de cette opération tient dans les passerelles et synergies avec son activité Amazon Web Services, qui regroupe ses activités cloud et publicitaires. “Amazon est présent sur le stockage et le traitement la donnée depuis longtemps ; ils seront sûrement capables de délivrer un service d’adserving à moindre coût”, estime Christophe Dané. La capacité de stockage d’Amazon pourait d’ailleurs être un élément décisif pour l’intégration de cette activité. Côté ciblage publicitaire, l’association d’un adserver et d’un outil de DCO propriétaires constituent par ailleurs un avantage certain pour Amazon dans la gestion et l’analyse des parcours des internautes, afin de cibler des consommateurs en dehors d’Amazon tout en collectant des data supplémentaires. L’avantage stratégique de cette opération tient peut-être d’ailleurs autant voire davantange dans l’acquisition d’une meilleure connaissance client de manière globale que d’une tactique publicitaire. “Les adservers sont les adtechs qui collectent le plus de données utilisateurs. Cette intégration donnera à Amazon une connaissance client extrêmement approfondie sur des secteurs où le groupe n’est que peu ou pas présent, comme le luxe et l’agroalimentaire”, observe Frank Ducret, fondateur du cabinet de conseil Agnostik. Dans cette logique de construire une meilleure connaissance client globale, Amazon n’est pas le seul acteur du e-commerce à intégrer des adtechs. Wallmart (100 millions de VU mensuels et 150 millions en magasins), son principal concurrent aux Etats-Unis, a déjà racheté en avril la société adtech Polymorph Labs, qui propose une technologie de header bidding et un adserver. Si l’opération aboutit, l’intégration de ces nouveaux outils par Amazon – se fera en revanche progressivement. “Une fois la transaction conclue, Sizmek Ad Server et Sizmek DCO fonctionneront dans un premier temps séparément d’Amazon Advertising”, prévient en effet Amazon dans son communiqué. Il s’agit ici de rassurer les clients : beaucoup des marques utilisatrices de l’adserver de Sizmek étaient clientes pour éviter d’être trop dépendants technologiquement de Google – qui a tendance depuis 12 mois à restreindre ou conditionner l’accès à ses données, par exemple via la fermeture du tracking de son adserver – mais aussi pour éviter de lui mettre à disposition leurs propres données. A terme, Amazon peut-il lui aussi faire figure d’épouvantail pour les marques désireuses de conserver ou retrouver leur autonomie et la pleine possession des données ? Possible, mais la qualité de sa data sur les intentionnistes et consommateurs lui confère un avantage essentiel vis-à-vis des marques. Sans doute encore davantage que Google vis-à-vis des e-commerçants. Les ambitions de Weborama dans la technologie et la data Si l’intérêt d’Amazon s’explique facilement, il ne s’agit que de négociations. La transaction n’est d’ailleurs pas encore conclue et la décision finale échappe en partie aux deux acteurs. Weborama en a profité pour se positionner. Ycor, maison-mère de la société de data marketing, a en effet annoncé vendredi 7 juin vouloir “surenchérir sur l’offre d’Amazon pour l’acquisition des activités adserving et DCO de Sizmek, avec la vision de construire l’alternative indépendante dont le secteur publicitaire a besoin”. Selon le Wall Street Journal, Amazon a initialement proposé au moins 30 millions de dollars pour acquérir ses activités DCO et adserving – la fourchette haute de 50 millions a aussi été évoquée par la presse américaine. Deux questions se posent ici. D’abord, au-delà de l’opération de communication réussie à l’échelle mondiale, l’initiative de Weborama – qui a déjà une activité d’adserving avec WCM – est-elle crédible et a-t-elle une chance d’aboutir légalement ? “Nous ne pouvons pas en dévoiler les détails, ni commenter l’offre concurrente, mais notre offre est déposée, sérieuse, crédible et nous engage. Il y a certes des négociations entre Amazon et Sizmek, mais jusqu’au dernier moment une offre alternative peut être déposée et examinée” par la société et par le juge, nous indique Alain Lévy, PDG de Weborama et administrateur d’Ycor. Deuxième point, quelle est la stratégie de Weborama et Ycor ? Le montant de la transaction serait élevé (la première offre d’Amazon serait donc de 30 à 50 millions d’euros), mais semble à la portée d’Ycor, qui ambitionne de créer un groupe associant technologies publicitaires, data et e-commerce, avec ses sociétés Weborama, Proximedia et Chandago, auxquelles s’ajouteraient donc une activité d’adserving et DCO. Il y a quelques semaines, avant la médiatisation de l’offre d’Ycor, Frédéric Olivennes, directeur général France de Weborama, nous indiquait déjà les ambitions de la société dans l’adserving : “La fermeture du tracking de l’adserver de Google et les difficultés de Sizmek renforcent la valeur de notre adserver WCM qui permet un accès aux ID de profils – clé pour mesure l’efficacité des activation et les optimiser. WCM est une garantie d’indépendance et de transparence pour les annonceurs. Nous avons une roadmap 2019 ambitieuse pour cet outil”. (lire son interview à mind Media). L’adserver de Weborama est utilisé par plusieurs centaines de marques en Europe, dont 150 en France, notamment La Poste, SNCF et BNP Paribas via leurs agences médias. Un observateur averti du data marketing estime que l’opération va au-delà du coup de communication : “Je crois plus à une volonté de Weborama de prendre le lead sur le marché de la third party data qui est la force historique de cet acteur. Certains concurrents jettent l’éponge, estimant le risque du non respect du RGPD trop grand – on peut citer ici Zalando qui, dit-on, préfèrerait stopper l’activité de sa filiale data provider Nugg.ad à cause du risque trop élevé lié au RGPD – tandis que d’autres ont vu leur stock de data fondre”. Avec moins d’acteurs capables de vendre une donnée third party propre, le fait de posséder un adserver est en effet le moyen technique idéal pour collecter, puis revendre de la donnée. Mais “se pose naturellement dans ce cas des questions sur la bonne collecte du consentement avec un éditeur qui ne se rend pas toujours compte des traitements qui vont être faits par l’adserver, ajoute notre interlocuteur. Au passage, notons que la bourse semble avoir déjà intégré le RGPD dans la valorisation de Weborama : là où une solution SaaS martech est valorisée cinq à dix fois son chiffre d’affaires, la valeur boursière de la société est inférieure à son chiffre d’affaires”. Que ce soit Amazon ou Weborama, l’acquisition de l’adserver et la DCO de Sizmek semble donc une bonne affaire. La décision du tribunal de commerce de New York pourrait être rendue ces prochains jours ou semaines. Mise à jour lundi 17 juin à 21h30 : Alain Lévy (Weborama / Ycor) nous annonce que la société ne renchérira pas sur la nouvelle offre effectuée le week-end du 15 et 16 juin par Amazon, qui va donc acquérir la DCO et l’adserver de Sizmek. La société s’est heurtée, selon Adweek, à des difficultés pour l’accès à certaines informations liées à la transaction, l’offre Amazon ayant gardé la préférence des gérants de Sizmek. Jean-Michel De MarchiPaul Roy Achat programmatiqueAdservere-commercePublicité programmatiqueRGPD Besoin d’informations complémentaires ? 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