Accueil > Marques & Agences > Achat média > L’impact du RGPD sur les acteurs médias et publicitaires L’impact du RGPD sur les acteurs médias et publicitaires Dans cette tribune publiée pour la première fois sur AdExchanger.com, Ari Paparo, président de la DSP Beeswax, livre son analyse sur les conséquences du RGPD pour chacun des acteurs de la publicité en ligne. Par . Publié le 16 mars 2018 à 15h05 - Mis à jour le 16 mars 2018 à 15h05 Ressources Commençons par un avertissement : je ne suis pas un expert du règlement général sur la protection des données (RGPD). Si je l’étais, je me ferais facturer à l’heure très cher pour mes conseils. Ce point est donc à prendre en compte pour la suite de la lecture. Mais je connais une ou deux choses sur l’adtech et la manière dont les différents types d’acteurs utilisent des données. Et j’ai été un peu frustré de lire tous les articles annonçant que “le RGPD tue l’adtech” et promettent l’apocalypse, mais sans jamais expliquer précisément comment elle se déroulera. Alors permettez-moi d’être audacieux et d’évoquer certaines des implications stratégiques du RGPD, et de discuter des probables gagnants et des perdants dans un contexte où l’Europe évolue vers un environnement réglementaire beaucoup plus strict. Encore un avertissement : je vais dépeindre les grandes lignes du sujet, donc ne vous offusquez pas si j’ai une définition erronée du consentement au Luxembourg ou si vous jugez que ePrivacy va ensuite tout remettre en cause. Contexte Voici les deux considérations les plus importantes à prendre en compte pour saisir l’impact du RGPD sur une entreprise : comment obtient-elle le “consentement” des consommateurs pour utiliser leurs données ? Est-elle un “processeur de données” ou un “contrôleur de données” ? Très grossièrement, vous êtes un contrôleur de données si vous possédez les données sous une forme ou une autre, ou si vous décidez de la manière dont les données sont utilisées. Vous êtes en revanche un processeur de données si vous vous contentez de déplacer les données pour le compte de vos clients sans en prendre le contrôle. Si vous êtes un contrôleur de données, vous avez besoin du consentement explicite de l’utilisateur final et de normes de sécurité et de contrôle beaucoup plus strictes. Voici un diagramme simple qui met en évidence la relation entre votre capacité à obtenir un consentement et si votre modèle économique vous oblige à être un plutôt un contrôleur de données ou un processeur : Les secteurs technologiques, du moins affecté par le RGPD au plus touché Annonceurs branding Etonnamment, les annonceurs en branding ont souvent peu de données de première main (first party data) sur leurs consommateurs, et les nouvelles exigences pour obtenir le consentement sont peu susceptibles de changer leurs habitudes d’achat en programmatique. Le RGPD ne change rien. Martech Le martech est un très vaste secteur, donc au risque de trop généraliser, je dirais que la plupart des entreprises dans ce domaine sont des processeurs de données qui reçoivent des ordres de leurs clients sur la façon de traiter les données de leurs consommateurs. Si vous êtes un fournisseur de messagerie électronique, un fournisseur de tableaux de bord sur les statistiques en social media ou un système de type CRM, vous travaillez principalement avec des données propriétaires autorisées. De plus, vos clients sont généralement en contact direct avec l’utilisateur final et peuvent demander le consentement. Pour ces entreprises, il y aura certainement davantage d’efforts à fournir en matière de sécurité et de réglementation, et le volume total de données pourrait en souffrir, mais l’activité fondamentale reste saine. Les fournisseurs d’attribution et d’analyses Les fournisseurs d’attribution et d’analyses se trouvent dans le même cas de figure que les acteurs du martech et devraient s’en sortir. Il peut y avoir plus de manques dans les données à causes des consommateurs qui refuseront de donner leur consentement, mais les principes fondamentaux restent intacts. Éditeurs La réduction du volume de données disponibles pour les acheteurs devrait réduire le prix des inventaires en programmatique, ce qui devrait affecter les revenus pour les éditeurs. Cependant, pour compenser, les acheteurs auront moins de choix parmi les médias auxquels ils auront accès et devront se tourner vers les second party data des éditeurs ou les données contextuelles pour atteindre leurs objectifs, ce qui améliorera les revenus des éditeurs. De tous les acteurs, ce sont les conséquences pour les éditeurs qui sont les plus incertaines. Adservers À l’instar des fournisseurs de martech, les adservers classiques traitent les données pour le compte de leurs clients, qui devront probablement demander le consentement des consommateurs. Les adservers côté vente ne sont probablement pas très affectés puisque les éditeurs avec lesquels ils travaillent auront une relation directe avec le consommateur. Les adservers côté demande et les acteurs du rich media, en revanche, collectent régulièrement des données personnelles sur des sites et des utilisateurs pour lesquels ils n’ont pas de consentement direct. Dans une lecture stricte de la réglementation, des activités telles que la livraison de fichiers de requêtes, le capping publicitaire cross-site et la collecte d’informations sur les utilisateurs pourraient être sérieusement dégradées. Plateformes de gestion de données (DMP) Les DMP recueillent, traitent et analysent des données clients first party. Si les consommateurs ont donné leur consentement, tout va bien. Mais, comme pour les adservers, la collecte de données passives provenant de la diffusion de publicités et d’autres sources sera dégradée par le besoin de recueillir le consentement. Plateformes côté offre (SSP) J’ai pu parler avec deux SSP / adexchanges majeurs qui m’ont donné des points de vue radicalement différents. Un adexchange de premier plan m’a assuré : “Nous sommes un processeur, nous n’avons donc rien à craindre.” Un autre m’a demandé de signer un nouveau et onéreux contrat de 10 pages. Ce qu’il faut en retenir : les SSP qui se contentent de soumettre des enchères pour le compte des éditeurs devraient être très peu affectés. Mais les SSP qui ajoutent une couche de données pourraient ne plus pouvoir le faire en Europe – mais quoiqu’il en soit, qui obtient des données de la part d’un SSP ? Plates-formes du côté de la demande (DSP) Les services DSP de base sont dans la même situation que les SSP : ils traitent les transactions au nom de leurs clients ? Il est donc peu nécessaire pour eux d’obtenir un consentement direct. Cependant, de nombreux DSP ont développé des ensembles de données propriétaires ou des graphiques cross-device, qui seront difficiles à conserver sous le nouveau régime, à moins de s’appeler Amazon ou Google. Les DSP peuvent également être amenés à restreindre certains services, tels que la livraison de fichiers de requêtes et la modélisation de profils jumeaux (lookalike), de la même manière que les adservers côté achat. Data exchanges Ainsi votre société recueille des données utilisateurs à partir de différentes sources en ligne et hors ligne, puis les combine et les vend à différents acteurs un peu partout dans l’écosystème ? Je pense que nous avons trouvé ici le patient zéro de la conformité RGPD… Bien sûr, vous pouvez miser sur toutes vos sources de données pour qu’ils vous fournissent le consentement, mais lorsque les données sont littéralement la pierre angulaire de l’entreprise, toute dégradation de la collecte affectera directement ses résultats financiers. Annonceurs à la performance Tout comme les acteurs du retargeting, les annonceurs à la performance s’appuient sur les données pour obtenir des résultats. Une réduction du volume de données ne joue donc pas en leur faveur. Cependant, ils peuvent s’appuyer sur de nombreux canaux et stratégies pour piloter leurs KPI et peuvent être en mesure de transférer des dépenses pour conserver le ROAS (retour sur investissement publicitaire) dans cet environnement plus difficile. Dans l’ensemble, leur situation demeure floue. Retargeters S’il y a un type d’acteurs de l’adtech qui semble souffrir de plus de désamour que les moteurs de recommandation de contenu, ce sont bien les retargeters. On entent beaucoup de communication vide de sens en provenance de ce secteur en vue du RGPD, probablement parce que ses sociétés savent que chaque consommateur qui refusera le consentement provoquera directement une perte de revenus. Indépendamment de l’interprétation du consentement, il est sûr que certains clients du retail en Europe choisiront d’arrêter de travailler avec des fournisseurs de retargeting pour éviter le risque, et certains (ou de nombreux) clients se retireront. Les adnetworks qui ne sont pas détenus par Google, Facebook ou un opérateur télécom Vous n’avez pas cherché à savoir de quoi sont constitués les adnetworks ? Vous le regretterez demain quand disparaîtront les données opaques qui les constituaient. Fournisseurs de données de géolocalisation Où avez-vous obtenu ces données de localisation ? En avez-vous obtenu le consentement ? Je ne le crois pas. Fournisseurs de solution cross-device Le terme “graphique probabiliste” va devenir un euphémisme pour “pas de consentement”. Et les gagnants sont… Il y aura de vrais gagnants du RGPD. Les voici, classés par ordre croissant d’opportunité. Fournisseurs de blockchain En réalité, je ne sais pas vraiment si la blockchain est pertinente ici, mais si vous m’avez lu jusqu’ici, je suis sûr que vous souscrirez à mon offre ; je l’ai baptisée ICOnsent. Fournisseurs de consentement Aucun secteur ne fait apparaître de nouveaux acteurs avec la facilité de l’adtech. Il y a évidemment une occasion à saisir pour les acteurs qui gèrent le partage du consentement dans la chaîne de valeur, mais s’ils apparaissent si tôt dans ce classement, c’est parce que l’opportunité n’est pas si formidable que cela. Fournisseurs de ciblage contextuel Pas besoin du moindre consentement pour me dire que je suis sur un site qui parle de trucs cool. A mesure que les données utilisateurs se feront plus rares, la donnée de site gagne en valeur. C’est une évidence. Google, Facebook et Amazon Alors que le mouvement RGPD était en grande partie destiné à limiter le pouvoir des géants technologiques américains, il aura probablement l’effet contraire parce que les relations directes qu’ils ont avec leurs utilisateurs leur permettront d’avoir un vrai dialogue sur l’obtention du consentement. Les avocats Je parie que vous attendez avec impatience l’ouverture du premier procès à 10 chiffres pour une violation du RGPD. Eux aussi. Ari Paparo Tribune publiée pour la première fois en anglais sur AdExchanger le 30 janvier 2018. Données personnellesDSPe-privacyRGPD Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les éditeurs se préparent au RGPD Dossiers RGPD : le consentement internaute en questions Hors-séries Hors-série RGPD : comprendre, s’adapter, agir essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? 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