Accueil > Médias & Audiovisuel > Transformation & Innovations > Matthieu Aubusson (PwC) : « En ligne, le salut des éditeurs médias ne passe plus par un modèle publicitaire » Matthieu Aubusson (PwC) : « En ligne, le salut des éditeurs médias ne passe plus par un modèle publicitaire » L’IDATE, l’Institut de l’audiovisuel et des télécommunications en Europe, organisait, du 18 au 20 novembre, le DigiWorld Summit, dédié aux secteurs télécoms, internet et médias. Dans le cadre de cet événement, dont Satellinet était partenaire, Matthieu Aubusson, associé au cabinet PwC, qui présidait une conférence sur la publicité mobile, nous a accordé un entretien pour évoquer les estimations des investissements publicitaires en 2014 en France, et les raisons du retard du marché hexagonal. Il livre également son regard sur les perspectives des éditeurs français et la façon dont ils peuvent se positionner face aux “Gafa”, ainsi que sur la transformation numérique des entreprises. Par . Publié le 24 novembre 2014 à 6h56 - Mis à jour le 24 novembre 2014 à 6h56 Ressources PwC travaille notamment sur des études portant sur les investissements publicitaires en ligne. Quel bilan faites-vous pour le marché en 2014 ? Les chiffres du second semestre ne sont pas encore consolidés, mais le secteur de la publicité en ligne devrait de nouveau afficher une croissance d’un peu moins 5 % sur l’ensemble de l’année, sans doute entre 3 et 4 %. Il y a deux façons de voir ce chiffre. La façon positive, c’est que le secteur continue de progresser, après une croissance de 3 % au 1er semestre, comme l’indiquait le baromètre de l’e-Pub au 1er semestre que PwC réalise pour le SRI et l’Udecam. Le numérique est l’unique segment en croissance dans un marché publicitaire global en baisse. Néanmoins, le regard critique que l’on peut avoir porte sur ce niveau de croissance : 3 %, cela demeure une progression faible, comparé aux usages digitaux en France, très importants, et aux investissements publicitaires en ligne dans les pays comparables, où la part du digital dans les investissements globaux est plus élevée. On présente effectivement les Français comme particulièrement « connectés ». Comment, dans cette situation, expliquez-vous le retard des investissements publicitaires en ligne en France par rapport à nos voisins ? C’est ce qu’on appelle le « French paradoxe » : le taux d’équipement numérique par habitant, en France, est parmi les plus élevés au monde, les infrastructures sont très fortes, le très haut débit est très développé. Bref, les usages digitaux sont très ancrés dans la société française et il n’y a pas de blocage technologique. Pourtant, le taux de pénétration des investissements digitaux et leurs volumes restent modérés. En tout cas, il y a une nette disproportion. En Angleterre, 35 % des investissements publicitaires étaient réalisés sur le digital au premier semestre ! C’est 30 % en Allemagne. En France, c’est seulement 24 %. Je vois comme premier facteur d’explication une approche culturelle particulière des annonceurs français. Les annonceurs étrangers, notamment les Anglo-Saxons, mettent en place plus facilement et plus rapidement leurs campagnes de publicité, avec des tests en temps réel et si besoin des ajustements. En France, les annonceurs sont beaucoup plus frileux. Ils veulent tout chiffrer et tout mesurer avant d’investir des budgets plus importants dans des campagnes. Qui est responsable, les annonceurs ou leurs agences médias ? C’est un écosystème complexe, où il est difficile de définir une seule responsabilité. Néanmoins, les agences médias se rémunèrent via des commissions sur les montants investis. Ce n’est pas dans leur intérêt d’être trop frileux. J’ai plutôt tendance à penser que ce sont les annonceurs qui ne sont pas assez ambitieux en ligne. En revanche, les revenus publicitaires sur mobile progressent avec une croissance à deux chiffres… Certes, mais le mobile reste largement sous-investi en France. Il y a le même décalage entre les parts d’audience et les investissements publicitaires que sur le web : le mobile représente environ 36 % de l’audience internet, mais seulement 8 % des investissements digitaux display et search, contre 17 % au Royaume-Uni et 15 % aux Etats-Unis. Cela peut se corriger dans la durée – la croissance des investissements sur mobile était d’ailleurs de 60 % en France au premier semestre, soit plus que la moyenne de l’Europe de l’Ouest – mais il sera très difficile de rattraper ce retard. Les achats sur les adexchanges se sont encore développés en 2014. Les prix des espaces publicitaires sont-ils tirés vers le haut ou vers le bas par le RTB ? C’est difficile d’avoir une opinion uniforme sur ce sujet. A l’origine, on pouvait craindre une baisse du CPM moyen, mais nos discussions avec les responsables des régies, des places de marché et des plateformes technologiques semblent indiquer que le RTB a permis globalement de revaloriser les inventaires grâce à une optimisation accrue. Je pense que c’est vrai. En témoigne ces derniers mois l’apparition des deals programmatiques avec la commercialisation d’espaces premium garantis ou privés. Les adexchanges n’ont dont pas tiré le marché vers le bas. En revanche, certains acteurs ont été très affectés, notamment les adnetworks qui commercialisaient des espaces au volume et en aveugle. Les GAFA préemptent une grande partie du marché de la publicité en ligne. Quelle stratégie doivent adopter les acteurs français pour survivre selon vous ? On a un monde publicitaire de l’internet fixe largement dominé par Google, avec environ 50 % de parts de marché, et par les autres grands groupes internationaux, comme Facebook, Amazon, Twitter, etc. qui détiennent environ 30 % du marché. Dans l’univers mobile, le marché est encore plus concentré avec Facebook qui est sur le point d’atteindre les 50 % de parts de marché du display. Il reste donc un espace relativement étroit pour les acteurs locaux, mais tous n’ont pas les mêmes difficultés ou opportunités, et il y a des différences de plus en plus grandes y compris entre ces acteurs locaux. Cependant il y a une place à prendre pour des nouveaux acteurs issus d’internet, que ce soient des régies publicitaires, des plateformes technologiques, etc. Je pense par exemple à des acteurs de l’intermédiation sur le marché publicitaire, comme Criteo et Ezakus. En revanche, pour les éditeurs médias traditionnels, c’est beaucoup plus compliqué… Oui et ces dernières années ont apporté plusieurs enseignements. On avait prédit un « écrémage » du marché, entre d’un côté les contenus premium des grands éditeurs, qui seraient revalorisés, et de l’autre côté le reste des inventaires, proposés par exemple par des Buzzfeed, melty, etc. Leurs résultats montrent en fait que l’innovation permet d’obtenir des bons résultats, même sans contenus dits « premium ». Certes les médias traditionnels ont encore des contenus de qualité à mettre en avant, mais la publicité en ligne ne suffira pas à les faire vivre correctement. D’où des diversifications, des nouvelles offres, etc. Il faut cependant éviter de considérer les médias traditionnels comme un bloc uniforme. Il y a plusieurs marchés différents : la radio, la télévision, la presse papier. Et ils ne subissent pas tous le numérique de la même façon. Les grands groupes de télévision sont encore relativement épargnés par exemple par le digital, ils continuent de développer correctement leur chiffre d’affaires et leur profitabilité – certes en baisse – sur leur coeur de métier – Le secteur le plus en difficulté est celui de la presse. Pour les éditeurs papier, c’est plus compliqué et ils sont touchés de plein fouet par le numérique. Ils jouent leur survie. Cette année a été marquée par le développement des offres payantes, avec plus de paywalls au compteur, de freemium. Les éditeurs médias font-ils le bon choix ? Ce n’est pas vraiment un choix. En ligne, leur salut ne passe plus par un modèle publicitaire. On revient simplement aux logiques traditionnelles des éditeurs, qui s’appuient déjà, pour leurs activités papier, sur deux types de revenus, gratuits et payants : la publicité et l’abonnement ou l’achat en kiosque. Le payant en ligne fonctionne, mais beaucoup de questions se posent sur les contenus proposés, les tarifs, les outils à mettre en place… Et même cela, ça ne compensera pas la perte des revenus publicitaires. Il y a encore de la marge pour les éditeurs de radios et de télévision. Pour la presse écrite, en revanche, il est vital de faire des expérimentations, d’innover, et d’arrêter si cela ne fonctionne pas. On voit donc le développement de paywalls, des accords de licence de marques, des conférences, du e-commerce, etc., avec plus ou moins de réussite. L’erreur, pour les éditeurs médias, serait d’hésiter et finalement ne pas essayer. Les acteurs français sont petits, détenus par des familles avec peu de capacités d’investissement ou qui sont parfois des outils d’influence et de pouvoir. Il manque des grands projets industriels. En Allemagne, Axel Springer se repositionne sur le numérique en investissant des centaines de millions d’euros. En France, on a parfois l’impression que les groupes médias veulent mourir en bonne santé. Trois types de besoins émergent pour les groupes en matière de numérique : d’abord du conseil en stratégie et en business models autour de nouvelles offres à créer, de nouveaux marchés géographiques à explorer, etc. Ce sont donc des besoins concernant le développement d’activités numériques. Les entreprises ont également des nouveaux besoins dans la relation client : quel parcours client mettre en place ? Quelle expérience proposer et comment adresser mes contenus (via une application mobile, un site web, des objets connectés, etc.). Enfin, un troisième besoin exprimé par les entreprises concerne leur organisation interne. Elles doivent faire évoluer leur process et leurs équipes pour les adapter au digital. Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Les cabinets Roland Berger et PwC enrichissent leurs offres de conseil en numérique avec des stratégies différentes essentiels Nos synthèses et chiffres sur les principales thématiques du marché Les mutations du search à l'ère de l'IA générative L'application inaboutie de la loi sur les droits voisins Google vs DOJ : tout ce qu'il faut savoir sur le procès qui pourrait redéfinir l'adtech L’essentiel sur les identifiants publicitaires La transformation du marché publicitaire en 2024 2023 : le marché publicitaire doit se préparer à la fin du tracking utilisateur Comment l’intelligence artificielle générative bouleverse les médias Les enjeux réglementaires des médias en 2023 analyses Les articles d'approfondissement réalisés par la rédaction Adtech : pourquoi la Commission européenne sanctionne Google de près de 3 milliards d’euros Retail media : une consolidation indispensable des régies pour répondre aux attentes des acheteurs publicitaires IA et monétisation des contenus : comment l’IAB Tech Lab veut contrôler les robots crawlers Droits voisins : l’Apig veut introduire une plainte contre Meta devant l'Autorité de la concurrence Paul Boulangé (Starcom France) : "Nous sommes en train de déployer Captiv8 en France, notre solution d'automatisation du marketing d'influence" Claire Léost devient DG de CMA Média, WPP Media promeut Stéphanie Robelus… Comment les SSP généralistes investissent le secteur du retail media Bénédicte Wautelet (Le Figaro) : “Toute solution qui utilise de l’IA en rapport avec nos contenus doit y être autorisée et nous rémunérer” Aides à la presse : combien les éditeurs ont-ils perçu en 2024 ? Le New York Times affiche toujours une croissance très robuste portée par le numérique data Les baromètres, panoramas et chiffres sur l'évolution du marché Le classement des éditeurs français qui ont le plus d'abonnés purs numériques Les données récoltées par les acteurs de la publicité en ligne La liste des sociétés présentes dans les fichiers ads.txt des éditeurs français Les gains de budget des agences médias Opt-out : quels éditeurs français interdisent les robots crawlers de l'IA générative ? Le panorama des sociétés spécialisées dans les technologies de l’e-retail media La liste des outils utilisés par les équipes éditoriales, marketing et techniques des éditeurs français Le détail des aides à la presse, année par année La liste des CMP choisies par les principaux médias en France Digital Ad Trust : quels sites ont été labellisés, pour quelles vagues et sur quel périmètre ?