Pourquoi AccorHotels investit dans meltygroup

Mardi 10 novembre, meltygroup a annoncé une levée de fonds de 10,5 millions d’euros. L’un de ses principaux annonceurs, AccorHotels, figure parmi ses nouveaux investisseurs. BPiFrance a également participé à cette opérationen accordant à meltygroup un « prêt innovation » de 1,5 million d’euros.

L’acteur le plus inattendu de cette levée de fonds est AccorHotels, troisième investisseur dans cette opération derrière Jaïna Capital et Serena Capital. « En France, il est encore assez rare que des acteurs industriels investissent dans des médias en ligne », observe Nicolas Von Bülow, partner chez Clipperton, qui est intervenu auprès de meltygroup en tant que leveur de fonds.

Comment expliquer cet intérêt ? Avec la désintermédiation du secteur, l’essor d’Airbnb et des plateformes de réservation en ligne, le groupe hôtelier français « est impacté au premier plan par la digitalisation de l’économie.

Investir dans Melty qui, au-delà du contenu, investit beaucoup dans l’innovation technologique, notamment avec son algorithme Shape, lui permet de s’adapter à ce mouvement », analyse Nicolas Von Bülow. AccorHotels avait annoncé en octobre 2014 un plan de transformation numérique doté de 225 millions d’euros pour la période 2015-2018.

Se rapprocher de la génération Y

De manière plus concrète, l’objectif est de cet investissement réside dans le rapprochement avec la « génération Y », à laquelle Melty (36,2 millions de visites sur l’ensemble de ses sites selon comScore DAX en octobre, contre 23 millions en janvier) s’adresse depuis 2008.

Dans un communiqué, le président du groupe hôtelier Sébastien Bazin affirmait que « pour AccorHotels, il est primordial de comprendre les Millennials, cette génération ”digital native” qui a entre 18 et 34 ans et qui représente déjà 20 à 45 % de notre clientèle. Pour rester en contact avec eux, nous devons sortir des canaux traditionnels de communication ».

Le groupe hôtelier, propriétaire des marques Sofitel, Novotel, Mercure et Ibis, espère notamment multiplier les opérations de brand content auprès de cette cible adepte des adblockers et qui s’éloigne des médias traditionnels.

Il est déjà un annonceur important de Melty. En mars dernier, le média cofondé par Alexandre Malsch avait créé SnapTrip, sponsorisé par ibis. Cette série, diffusée sur l’application de messagerie Snapchat, propose aux lecteurs de Melty de suivre pendant un week-end la virée dans une capitale européenne d’une poignée de YouTubeurs.

La première édition, à Londres, avait généré 8 millions de « snaps » vus en trois jours (lire nos détails chiffrés sur Satellinet.fr). Les suivantes, à Barcelone et Lisbonne, avaient obtenu respectivement 23 millions et 52 millions de vues.

Chez Melty (6,5 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2014 et 9,5 millions en 2015, avec des pertes, pour une centaine d’employés), on se réjouit donc des prochaines opportunités offertes par ce nouveau partenaire : « Nouer un accord avec un acteur hors-média nous permet d’envisager des synergies intéressantes, par exemple dans l’organisation d’événements », souligne Rodolphe Pelosse, directeur général adjoint de meltygroup.

Les groupes industriels et leurs cadres s’intéressent de plus en plus à meltygroup. La directrice générale France de Coca-Cola, Véronique Bourez, a ainsi investi à titre personnel dans le média et fait partie de son « advisory board ». La marque de soda sponsorise sa plateforme de jeux vidéo, Hapiness Gaming Club.

La BPi prête 1,5 million d’euros

Outre AccorHotels, meltygroup a réalisé cette nouvelle levée auprès plusieurs acteurs : Marc Simoncini (fondateur de Meetic et Sensee), qui avait déjà investi dans l’entreprise à titre privé en septembre 2012, opère cette fois par l’intermédiaire de son fonds d’investissement Jaïna Capital, qui a le lead de l’opération ; deux actionnaires historiques, Serena Capital et Bouygues Telecom Initiatives ; la femme d’affaires Patricia Barbizet (directrice générale d’Artemis et vice-présidente de Kering), qui rejoint l’advisory board de meltygroup. Les modalités de l’opération n’ont pas été précisées.

Ces 10,5 millions d’euros comprennent aussi un « prêt innovation » de 1,5 million d’euros, accordé à des conditions avantageuses par BPiFrance.

 Des recrutements pour mieux monétiser l’international

Fondé en 2008 par Alexandre Malsch et Jérémy Nicolas, qui ont perdu la majorité absolue du capital mais restent les principaux décisionnaires, meltygroup espère, grâce à ces nouveaux financements, mieux monétiser son développement international, en particulier en Espagne, en Italie, au Royaume-Uni, et à terme en Allemagne.

Pour l’heure, les revenus issus de ses plateformes étrangères ne suffisent pas à rentabiliser ses investissements (nos détails sur Satellinet.fr). Cette levée doit aussi permettre à Melty de mieux rentabiliser la diversification qu’il a entrepris ces dernières années, avec la production de nouveaux contenus qui doivent encore le rapprocher de la génération Y.

 Quelle gouvernance pour Melty ?

La gouvernance de meltygroup est toujours répartie en deux. D’un côté, le « board financier », qui comptait déjà Serena Capital et Bouygues Telecom, rejoints par AccorHotel et Jaïna Capital.

De l’autre, un « advisory board », sorte de conseil des sages composé de business angels très en vue , qui conseille la direction opérationnelle, Alexandre Malsch et Rodolphe Pelosse : Pierre Chappaz (fondateur de Kelkoo et Ebuzzing), Fred Raillard et Farid Mokart (fondateurs de l’agence Fred & Farid), Nicolas Plisson (producteur TV), Véronique Bourez (présidente de Coca-Cola France) ; Manuel Diaz (fondateur de l’agence Emakina) et Mathieu Pigasse (coactionnaire du groupe Le Monde) l’ont rejoint en décembre 2013 ; Patricia Barbizet (Artemis, Kering) depuis novembre, via son fonds d’investissement ZOE.