Accueil > Médias & Audiovisuel > Abonnements en ligne > Quel impact aura la fusion de Taboola et Outbrain sur les éditeurs médias ? Quel impact aura la fusion de Taboola et Outbrain sur les éditeurs médias ? Le rachat d'Outbrain par Taboola marque l'aboutissement de la recomposition du secteur de la recommandation de contenus. Il devrait aussi remettre en cause la pratique des revenus minimum garantis jusqu'ici accordés aux éditeurs de presse. Par Jean-Michel De Marchi. Publié le 03 octobre 2019 à 18h49 - Mis à jour le 03 octobre 2019 à 18h49 Ressources L’annonce par Taboola, jeudi 3 octobre, de l’acquisition d’Outbrain – pour 250 millions de dollars en numéraire et 30 % du capital du nouvel ensemble – n’est pas vraiment une surprise. D’abord parce que les deux sociétés de recommandation de contenus en ligne ont plusieurs fois discuté d’un rapprochement ces trois dernières années. Ensuite parce qu’il répond à une nécessité economique, tant le modèle de developpement de ces acteurs a atteint ses limites. Un marché jusqu’ici très favorable aux éditeurs Ces prestataires, qui offrent certes aux médias des outils complémentaires de gestion et d’optimisation des contenus, font surtout office de régie publicitaire et placent sous les articles d’information en ligne leurs petits modules textuels et photo (parfois des vidéos) qui renvoient vers des sites de marque, ou, plus rarement, vers des sites médias. La vive concurrence que se livraient ces dernières années les trois principales sociétés spécialisées (Taboola, Outbrain et Ligatus) pour se positionner sur les mêmes emplacements publicitaires, a largement profité aux éditeurs, notamment les plus prestigieux qui ont pu imposer d’importants revenus minimum garantis comme critère de sélection dans les appels d’offres. Toutes deux fondées à Tel Aviv en 2006 et ayant desormais leurs sièges à New York, Taboola et Outbrain se sont ainsi appuyées sur leurs levées de fonds (150 millions d’euros chacune) pour s’engager ces dernières années dans une surenchère financière afin de remporter les faveurs des marques médias premium, très valorisées comme références commerciales pour à la fois séduire les éditeurs plus petits et donner des gages de qualité contextuelle et de trafic qualifié aux annonceurs. Plusieurs millions d’euros garantis pour les éditeurs Ces revenus garantis – versés sous conditions – peuvent atteindre plusieurs millions d’euros par an pour les principaux sites d’information en France, soit une dizaine de millions d’euros par an pour les groupes médias les plus importants. Selon nos informations, Taboola s’est ainsi engagé sur un montant garanti de 23 millions d’euros sur trois ans (mi-2018-mi 2021) aupres du groupe Figaro pour apparaitre en exclusivité sur ses médias historiques (donc hors CCM Benchmark et Figaro Classifieds). De même, lors de l’appel d’offres réalisé par le groupe Altice mi-2018 – auquel ont participé les trois principaux prestataires – la proposition d’Outbrain comportait par exemple un revenu minimum garanti de 31 millions d’euros versés à l’éditeur sur trois ans (fin 2018-fin 2021). Les conditions au versement de ces montants (un certain volume de pages vues, notamment) ne sont parfois pas appliquées. Pour verser ces revenus garantis, ces sociétés ont sacrifié leurs marges. C’était particulièrement le cas d’Outbrain, qui avait utilisé ce levier pour séduire les marques médias premium. De son coté, Taboola a aussi utilisé cette pratique pour afficher sa présence sur les sites de groupes médias référents (les groupes Figaro et Marie Claire en France, par exemple) mais dans une moindre mesure, sa stratégie étant de se positionner plutôt sur les marques médias de niveau intermédiaire (“mid tail”), qui nécessitent moins de revenus garantis et permettent de générer des marges supérieures. Taboola pourra imposer ses conditions Les difficultés autour de cette activité avaient fait une première victime début 2019 avec l’absorption par Outbrain de Ligatus, le plus petit des acteurs, alors détenu par Gruner+Jahr. Si le passage de trois acteurs à deux offrait encore un levier de négociation aux médias, la présence du seul Taboola va changer les règles du jeu. “Il devrait logiquement y avoir une pression pour nous offrir des conditions moins avantageuses”, estime ainsi le responsable numérique d’un grand éditeur national. Les éditeurs ayant signé leurs nouveaux contrats ces 12 ou 18 derniers mois sont les mieux lotis puisqu’ils sont conclus pour deux ou trois ans. “Cette opération est évidemment réalisée pour des raisons économiques et pour arréter de subir la pression des éditeurs”, nous confie un ancien responsable de l’un des deux acteurs. Plusieurs éditeurs interrogés ne se font pas d’illusion : il faut s’attendre à une baisse des revenus issus de ce levier ces prochaines années et un respect plus strict des clauses conditionnelles. A moins qu’un acteur publicitaire déjà installé ne profite de ce nouveau vide pour se positionner sur ce segment et concurrencer Taboola ? Adam Singolda, le PDG de Taboola, a beau se montrer rassurant en déclarant que le nouvel ensemble offrira aux annonceurs une meilleure alternative à Google et Facebook et permettra même de “doubler ou tripler” les revenus des éditeurs, la facon d’y parvenir reste à démontrer. Jean-Michel De Marchi Modèles économiquesRecommandation de contenus Besoin d’informations complémentaires ? 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