Accueil > Médias & Audiovisuel > Audiovisuel & vidéo > Vidéo : comment les éditeurs expérimentent la réalité virtuelle Vidéo : comment les éditeurs expérimentent la réalité virtuelle Encore au stade de l’expérimentation, la réalité virtuelle (“VR”), qui peut prendre la forme d’une “simple” vidéo à 360° ou d’une expérience immersive très interactive, est peu à peu utilisée par les médias. De plus en plus d’éditeurs s’équipent de caméras 360°, dont les prix varient de 500 à 15 000 euros selon le nombre de focales et la qualité de l’image, dans l’objectif de proposer de nouvelles formes narratives. Quelles sont leurs ambitions ? Quelles sont les difficultés de la réalisation d’une vidéo 360° ? Quelle audience attire-t-elle ? Tour d’horizon de ces initiatives avec Arte, Le Monde, CNN, Paris Match, Eurosport et la société de production Emissive. Par . Publié le 29 janvier 2016 à 13h19 - Mis à jour le 29 janvier 2016 à 13h19 Ressources Gadget ou révolution éditoriale ? La réalité virtuelle, investie par les marques depuis plusieurs années sous la forme d’expériences évenementielles, permet l’immersion dans un lieu ou un univers grâce à une vidéo à 360° et, parfois, une interactivité avec les éléments de l’image. Accessible via un ordinateur ou un mobile, des supports qui permettent de se mouvoir au sein d’une vidéo grâce au mouvement du téléphone ou aux clics de la souris, la “VR” (pour “Virtual Reality”) devrait bientôt faire son entrée dans les foyers sous une forme plus immersive grâce au développement de plusieurs casques destinés au grand public : le Gear VR de Samsung, l’Oculus Rift de Facebook, le PlayStation VR de Sony et le HTC Vive. Il s’agit de modèles plus développés que le “Google Cardboard”, casque en carton où l’utilisateur insère son smartphone, lancé en juin 2014 et envoyé depuis à cinq millions de personnes, selon Google. Les médias n’ont toutefois pas attendu la démocratisation des casques VR pour développer des formats journalistiques autour de cette technologie. Arte a par exemple créé dès novembre 2014 “Polar sea”, une vidéo 360 qui emmène l’internaute à travers un périple de l’Islande à l’Alaska, et a lancé fin décembre Arte 360, une application regroupant toutes ses vidéos 360. Aux Etats-Unis, le New York Times est allé jusqu’à distribuer à ses abonnés un million de Google cardboards pour le lancement de son application “NYT VR” en novembre 2015 (lire encadré). Plus récemment, Paris Match a lancé le 21 janvier avec Google un dispositif de réalité virtuelle présentant une ascension du Mont Blanc. La vidéo 360 est disponible sur l’application mobile de Paris Match et cette initiative s’accompagne d’une distribution de 40 000 carboards. 20 000 sont envoyées par La Poste à des internautes qui se sont inscrits auparavant via le site parismatch.com et 20 000 sont distribuées gratuitement avec le journal pendant deux semaines, dans les plus gros points de vente de France. L’ensemble des coûts de production des contenus est assumé par Google. Le New York Times a distribué un million de Google Cardboards à ses lecteurs, Paris Match 40 000. Six personnes consacrées à la VR chez CNN Que visent les médias en développant ce nouveau format ? “CNN a toujours amené son public au plus près de l’action, la réalité virtuelle propose un autre niveau d’intensité. Quand vous êtes immergés dans l’expérience, vous êtes complètement transportés au premier rang de l’action, sur la ligne de front”, affirme Jason Farkas, Executive Producer chez CNN, qui dispose d’une équipe de six personnes consacrées à la VR. La chaîne américaine a diffusé plusieurs vidéo 360, dont, en octobre 2015, le débat des primaires démocrates américaines, premier événement retransmis en direct en VR, uniquement disponible via le casque Samsung Gear VR. La chaîne a depuis produit plusieurs vidéos 360, dont une de la Place de la République après les attentats, une autre de la cathédrale Notre Dame ou encore depuis le Capitole pendant le discours sur l’Etat de l’Union de Barack Obama. Le New York Times vise la rentabilité de sa VR dès 2016 Le New York Times, qui a distribué près d’un million de cardboards à ses lecteurs en novembre, est l’un des rares médias à monétiser ses contenus 360, sous formes de vidéos 360 sponsorisées. Sur l’application “NYT VR”, quatres vidéos 360 sur neuf sont ainsi sponsorisées. Les marques présentes sont General Electric, Mini, Lufthansa et le film Carol. Le groupe de média prévoit d’ailleurs de faire de la VR un produit rentable dès 2016, indiquait son CEO Mark Thompson à Beet.tv début janvier. De grandes ambitions Pour Edouard Minc, éditeur de Paris Match, Le Journal du Dimanche et Version Femina, la VR, en plus d’être une nouvelle façon de raconter des histoires, permet de mettre en avant l’application mobile : “Nous avons énormément investi la partie mobile et la réalité virtuelle fait pleinement partie de la recherche d’innovation autour la mobilité. Plus largement, elle est l’un des éléments structurants des années à venir et l’on souhaite que toute la rédaction monte en compétence sur ces sujets”. Après cette première expérience, Paris Match souhaite produire des vidéos 360 indépendamment de Google. Eurosport aussi prévoit d’investir dans ce qu’il considère comme une rupture technologique. Le groupe international d’information sportive prépare le recrutement d’une équipe dédiée à la réalité virtuelle, avec l’objectif de produire un à deux nouveaux contenus 360° par mois, comme elle l’a par exemple fait pour deux descentes de ski en décembre et janvier. L’ouverture d’une rubrique consacrée à ces formats sur son application mobile est prévue au premier trimestre 2016. “Le champ des possibles est énorme, et ce dans quasiment tous les sports”, explique Arnaud Maillard, vice-président d’Eurosport en charge des activités digitales. Cet enthousiasme n’est toutefois pas partagé par tous les éditeurs. Le Monde, qui a posté une dizaine de vidéos 360 depuis l’acquisition d’un équipement adapté en mars 2015, ne prévoit par exemple pas de développer intensément ce format. “Dans la VR, nous sommes encore dans une phase où il faut convaincre, son succès n’est pas acquis. Nous sommes enthousiastes mais attentifs à ne pas faire n’importe quoi. Pour le moment, avec les technologies existantes, la VR peut vous faire balader sur un écran magnifique… mais cela reste moins confortable qu’une vidéo normale”, tempère Bernard Monasterolo, directeur artistique en charge des grands formats au Monde. Le journal français aurait d’ailleurs été l’un des premiers médias approchés par Google pour distribuer, comme le New York Times et Paris Match l’ont fait, des cardboards en France, mais le projet ne s’est pas concrétisé. De nombreuses contraintes Les contraintes de ce format sont en effet nombreuses. Pour la réalisation d’abord, il nécessite l’achat d’un “ring” (assemblage) de plusieurs caméras, la plupart du temps de la marque GoPro (qui a beaucoup investi ce secteur), et donc un éclairage adapté à l’ensemble des focales et surtout à la qualité des caméras GoPro, pas optimales dans l’obscurité. Pour les documentaires, l’écriture est particulière “il ne faut pas que le “spectateur” rate une action importante et sur le tournage la contrainte est qu’il faut cacher beaucoup de choses”, détaille Fabien Barati, CEO d’Emmissive, société de production spécialisée dans les formats interactifs, notamment pour des marques, et qui emploie 25 collaborateurs. Depuis un an et demi, elle coproduit avec France Télévisions Nouvelles Ecritures “The Enemy”, un documentaire en réalité virtuelle interactive autour des combattants sur plusieurs fronts de guerre. Emissive a investi 300 000 euros dans ce projet, dont le coût total s’élève à environ 500 000 euros. Ce coût comprend les frais de tournage et de déplacement, ainsi que la reconstitution en 3D des “personnages” interviewés, la vidéo 360 n’étant pas assez qualitative pour reconstituer un environnement entier de manière réaliste, et une post-production de plusieurs mois. “Dans la réalité virtuelle, nous sommes encore dans une phase où il faut convaincre, son succès n’est pas acquis.” Bernard Monasterolo, Le Monde Quelques dispositifs évoqués dans ce dossier sont à retrouver à ces adresses : Polar sea (Arte) The Enemy (Emissive et France Télévisions Nouvelles Ecritures) Descente de Bode Miller (Eurosport) L’escalade du Mont Blanc (Paris Match) Le mémorial de la Place de la République Plusieurs milliers d’euros pour une caméra Mais même pour des projets moins ambitieux, la post-production d’une vidéo 360 est exigente. Elle demande au minimum de “stitcher” les différentes images entre elles, c’est-à-dire recoller les images des différentes caméras le plus précisément possible, avec un logiciel dédié. L’ajout d’interactivité entraîne une complexité supplémentaire. “Toutes les nouvelles technologies paraissent au départ avoir un coût prohibitif, mais la réalité virtuelle devient de plus en plus accessible. Les caméras spécialisées sont de moins en moins chères et de plus en plus fiables”, affirme toutefois Jason Farkas, de CNN. Le coût de ces “rings” de caméras varie aujourd’hui entre 500 et 15 000 euros, en fonction du nombre d’angles de vue et de la qualité de l’image. La difficulté est aussi de rendre compatibles les expériences de réalité virtuelle avec l’ensemble des casques qui existent et existeront sur le marché. Oculus permet ainsi de jouer avec la profondeur, et donc de prendre en compte les mouvements en avant et en arrière de l’utilisateur, ce qui n’est pas le cas de la Google Cardboard, dont la qualité varie selon le smartphone qui y est inséré. “Il faut imaginer pour chaque casque une adaptation du jeu documentaire”, explique Gilles Freissinier,, directeur du développement numérique d’Arte France, coproducteur de plusieurs jeux documentaires sous forme de réalité virtuelle à venir, parmi lesquels “Sens”, l’adaptation d’une bande dessinée de Marc-Antoine Mathieu, ou encore “de l’obscurité”, sur le passage à la cécité racontée par l’écrivain John Hull, nommé au Sundance Film Festival. “On se rapproche là des complexités narratives et techniques que l’on a dans les webdocs ou les jeux vidéo. Les projets bénéficient d’un soutien important du CNC (Centre national du Cinéma et de l’image animée), ce qui nous permet d’être dans des niveaux d’investissements similaires aux autres webproductions”, indique Gilles Freissinier. Enfin, l’une des critiques, côté utilisateur, est le sentiment de nausée que peut créer la réalité virtuelle dans un casque, qui pourrait être un frein à son adoption par un large public, en plus du prix élevé des équipements : de 25 euros pour un équipement type Google Cardboard à près de 700 euros pour l’Oculus Rift. Des audiences pas forcément au rendez-vous En attendant la démocratisation des casques VR, en termes d’audience, il est difficile de savoir si ces formats performent mieux que d’autres. Polar Sea (Arte) a enregistré depuis 2014 près d’un million de visites, dont une majorité des visites vers les vidéos 360. “D’une manière générale, l’audience des dispositifs en vidéo 360 est très variable en fonction du projet”, indique Gilles Freissinier, selon qui il est trop tôt pour tirer un bilan du nombre de téléchargements de l’application “Arte360” (“plus de 5 000” sur Androïd, indique Google Play Store). Au Monde, on n’observe pas non plus de pics d’audience particuliers sur les vidéos 360. Pour sa part, CNN ne précise pas les chiffres d’audience. La chaîne américaine indique seulement que son premier événènement VR en direct a rassemblé une audience venue de 100 pays dans le monde, représentant une “part significative” des propriétaires du casque Gear VR. Paris Match vient de déployer son dispositif en réalité virtuelle mais a déjà constaté une vraie curiosité pour le format. “Pour recevoir la Google Cardboard, les internautes devaient s’inscrire sur notre site. Nous avions prévu un plan de communication sur plusieurs semaines mais tout a été épuisé en 24 heures”, indique Edouard Minc. Seul Eurosport indique constater un vrai apport d’audience grâce à la vidéo 360. La vidéo postée en décembre 2015 qui suivait une descente de Bode Miller à Bevar Creek a ainsi rassemblé 600 000 vues. En quelques jours, la seconde vidéo 360 de ski, postée le 23 janvier, a généré plus de 180 000 vues, quand les vidéos d’Eurosport dépassent rarement les 100 000 vues. Des audiences dopées par l’hébergeur de ces vidéos : Facebook. Le propriétaire d’Oculus Rift met volontairement en avant les formats 360 dans le fil d’actualité de ses utilisateurs. “””L’audience des dispositifs en vidéo 360 est très variable selon les projets” Gilles Freissinier, Arte” Réalité virtuelleStreaming vidéo Besoin d’informations complémentaires ? 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