Accueil > Investissement > Le néo-courtier Public.com change son business model Le néo-courtier Public.com change son business model Face aux controverses auxquelles se heurtent les plateformes de trading sans commission à propos de possibles conflits d’intérêt avec les utilisateurs, l’une d’entre elles, l’américaine Public.com, a décidé de ne plus recourir aux paiements pour flux d’ordre. Par Caroline Soutarson. Publié le 24 février 2021 à 15h29 - Mis à jour le 19 août 2021 à 9h40 Ressources Fin janvier, le trading sans commission, mené par le néo-broker américain Robinhood, a fait parler de lui. En cause, la volatilité de certaines actions (GameStop, AMC, Nokia, BlackBerry…) sur les marchés financiers due à un affrontement entre hedge funds et investisseurs individuels (lire notre article sur le sujet). Mais au-delà d’une bataille idéologique sur la vente à découvert, cet épisode a également mis en lumière la place des acteurs dans le secteur du trading sans commission et fait ressurgir des interrogations quant à leur impartialité vis-à-vis des usagers de leurs plateformes. La pratique controversée du payment for order flow En proposant aux investisseurs individuels d’effectuer des transactions sans payer de commission, les néo-courtiers ont attiré des clients par millions… mais ils ont par conséquent dû revoir la répartition des recettes du business model traditionnel du courtage en placements financiers. Au lieu de faire payer aux clients l’exécution d’un ordre boursier, les sources de revenus des néo-courtiers proviennent essentiellement des compensations des teneurs de marché – principalement des acteurs du trading à haute fréquence (Two Sigma, Citadel, Virtu…) – qui exécutent lesdits ordres. Techniquement, cette rémunération est appelée payment for order flow (PFOF), soit “paiement pour flux d’ordre”. Toutefois, ce système cache des failles, notamment en ce qui concerne la transparence et la bonne transmission des ordres des investisseurs individuels. Les sociétés de courtage sont tenues d’offrir à leurs clients – qu’ils paient ou non – le meilleur service possible (meilleur marché, meilleur prix, rapidité d’exécution…). Or financièrement, les néo-courtiers ont plutôt intérêt à router les ordres vers les exécuteurs qui les rémunèrent le plus. Ce genre de conflit d’intérêt s’est d’ailleurs vérifié pour Robinhood qui n’a pas garanti les critères de qualité de meilleure exécution en 2016 et 2017 et qui a donc écopé d’une amende de 1,25 millions de dollars par la FINRA, l’association nationale américaine des agents de change. Depuis, le cofondateur et co-CEO de la fintech, Vlad Tenev, a déclaré que “tous les market makers avec lesquels nous travaillons offrent le même taux de remise”, soit un gain d’environ 0,00026 dollar par dollar négocié pour Robinhood. Public.com remplace le PFOF par un système de pourboire Ces controverses ont amené un néo-courtier américain, Public.com, à mettre fin aux recettes engendrées par les PFOF. “Afin d’aligner nos motivations avec celles de nos membres, nous cesserons de participer à la pratique du PFOF et introduirons à la place un dispositif de pourboire sur les transactions”, écrit l’entreprise sur son blog le 1er février. Deux semaines plus tard, elle informe dans un post sur Twitter : “Le pourboire facultatif est désormais disponible dans l’application, remplaçant le paiement pour flux d’ordre (PFOF) en tant que canal de revenus pour notre entreprise” et met à jour l’article de son site “Comment nous gagnons de l’argent”. Dans ce dernier, Public.com présente bien sûr son nouveau dispositif, mais aussi la marge réalisée sur les avances et prêts consentis aux clients, ainsi que sur la rémunération des avoirs non investis (au taux de 0,2 % fixé par la Fed), des sources de recettes que l’on retrouve dans les business model de la plupart des acteurs du trading sans commission (voir notre article Comment les “néo-courtiers” se mettent en ordre de bataille pour plus de détails). Enfin, Public.com compte “introduire de nouveaux produits pour lesquels nous pourrions facturer des frais d’abonnement”, soit une évolution vers une offre freemium, une stratégie également proposée par la plupart des entreprises du secteur. Le changement opéré par Public.com est financièrement risqué sur deux points. D’une part, le néo-broker espère que son public (1 million d’investisseurs en février 2021) répondra positivement à cette décision bien que les particuliers aient initialement été attirés (au moins en partie) par la gratuité du service. D’autre part, en ne passant plus par les intermédiaires que sont les teneurs de marché, ce ne sont pas seulement des revenus qui disparaissent : “le routage direct vers les Bourses est plus cher, et par conséquent, nous transformons ce qui était autrefois un flux de revenus (PFOF) en un centre de coûts”. Essentiel : Les néo-courtiers démocratisent l’investissement Un modèle économique qui se rapproche de celui des néo-courtiers européens Malgré cette évolution, cela n’a pas empêché Public.com de lever “220 millions de dollars supplémentaires de financement auprès de nos investisseurs existants Accel, Greycroft et Lakestar, ainsi que d’Intuition Capital, Tiger Global, The Chainsmokers ‘Mantis VC, Will Smith’s Dreamers VC, Inspired Capital, Vine Capital, Aglaé Ventures et la légende de YouTube Phil DeFranco”, peut-on lire sur le blog à la mi-février. En ne souscrivant plus à une pratique essentiellement américaine, le modèle économique de Public.com se rapproche de ses homologues européens pour lesquels la pratique du PFOF est illégale, comme le rappelle Christian Hecker, cofondateur du néo-broker allemand Trade Republic, dans une interview accordée à L’Agefi : “Les brokers européens ne peuvent pas se rémunérer comme le fait Robinhood car ils ne peuvent recevoir de paiements en provenance des plateformes d’exécution qui seraient en violation des exigences relatives aux conflits d’intérêt ou aux incitations de la réglementation MIF 2”. C’est d’ailleurs pourquoi peu d’acteurs présents en Europe proposent un service entièrement gratuit à leurs utilisateurs. Par exemple, la société BUX, via son application de trading sans commission BUX Zero, permet à ses clients d’investir gratuitement en passant leurs ordres boursiers en fin de séance. La gratuité peut également se faire sur certains produits financiers seulement (Freetrade, Trade Republic) ou zones géographiques (eToro). Caroline Soutarson courtagetrading Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Tiger Global investit chez deux rivaux : Robinhood et Public.com Robinhood, dommage collatéral dans l’affaire GameStop Robinhood lève 3,4 milliards de dollars en moins d’une semaine Robinhood s'explique sur des restrictions à l'achat Comment les "néo-courtiers" se mettent en ordre de bataille