Accueil > Financement > Crowdfunding : le profil des 216 plateformes françaises Crowdfunding : le profil des 216 plateformes françaises Près de 300 plateformes de crowdfunding et cagnottes en ligne ont vu le jour en France ces dernières années. mind Fintech a analysé les positionnements, les instruments de financement et les différences de statuts des 216 plateformes inscrites à l’Orias en juillet 2020. Par Sara Chaouki et Aymeric Marolleau. Publié le 20 octobre 2020 à 16h02 - Mis à jour le 10 mars 2021 à 16h31 Ressources Article mis jour le 13 novembre 2020 pour ajouter au graphique “crowdfunding immobiler” Wiseed et Upstone, que nous avions initialement omis. Pour avoir une meilleur compréhension du paysage du crowdfunding en France, mind Fintech a recensé, pour la deuxième année, les plateformes enregistrées comme Intermédiaire en financement participatif (IFP), comme Conseiller en investissement participatif (CIP) et Prestataires de services d’investissement (PSI) depuis 2014 auprès de l’Orias, l’association chargée de délivrer leur “permis de travail”, sous la tutelle de la Direction du Trésor. Quels statuts adoptent les plateformes ? Quelles sont leurs spécialités ? Quels sont les instruments utilisés ? A qui profitent les financements ? Quelle est la répartition des plateformes sur le territoire ? 629 millions d’euros collectés en 2019 La finance alternative (financement participatif, fonds de prêts aux entreprises, cagnottes en ligne, etc.) a permis de collecter un total de 1,4 milliard d’euros sur l’année 2019, soit 33 % de plus que l’année précédente, selon le Baromètre du crowdfunding en France réalisé par Financement Participatif France et Mazars. Le financement participatif stricto sensu (hors fonds de prêt aux entreprises, affacturage, cagnottes, etc.) a permis de réunir 629 millions d’euros (+ 56 % par rapport à 2018). En juillet 2020, 216 plateformes de crowdfunding étaient enregistrées auprès de l’Orias, soit 28 de plus qu’en mars 2019. Parmi elles, 80 précisent les montants qu’elles ont levé depuis leur création : elles ont collecté en moyenne 29,23 millions d’euros, et 28 plateformes ont collecté au moins 10 millions d’euros. 45 plateformes jouent la transparence jusqu’à préciser les montants qu’elles ont prêté, investi ou collecté au cours de l’année 2019, avec une moyenne de 14,4 millions d’euros chacune. C’est la plateforme de prêts October qui arrive de nouveau en tête du classement, grâce à une collecte de 130,6 millions d’euros en 2019. Il est à noter que 51 % du financement des projets retenus par le comité de prêt de l’entreprise provient automatiquement d’investisseurs institutionnels, une proportion qui peut augmenter si les investisseurs privés ne financent pas la totalité des 49 % restants. Elle est à ce jour la seule plateforme à dépasser le palier des 100 millions d’euros annuels. Viennent ensuite deux plateformes leaders du crowdfunding immobilier, qui ont toutes les deux réalisé une croissance d’environs 300 % par rapport à l’année 2018 : Clubfunding, qui a collecté un total de 76,8 millions d’euros pour le financement de 79 projets en 2019, et Homunity, qui a triplé sa collecte annuelle en passant de 23,1 millions d’euros en 2018 (pour 55 projets) à 68 millions d’euros en 2019 (pour 89 projets). “Pour cela, nous-nous sommes mis en capacité d’accompagner des acteurs d’une taille de plus en plus importante, explique le président d’Homunity, Quentin Romet. Les sociétés de promotion immobilière que nous attirions il y a quelques années étaient de taille petite et moyenne, tandis que nous séduisons aujourd’hui les leaders régionaux voire nationaux de la promotion immobilière.” La plateforme a été rachetée par Credit.fr. Selon le dernier rapport annuel de la plateforme de crowdlending, cette acquisition a eu lieu pour un prix initial provisoire de 4 millions d’euros, augmenté d’une trésorerie nette d’un peu plus de 98 000 euros. Un complément de prix basé sur le chiffre d’affaires et l’Ebitda d’Homunity en 2019 a aussi été prévu, pour un montant de 6,5 millions d’euros. Le rachat dépasse donc au total les 10 millions d’euros. La plateforme de dons généraliste Ulule, qui était classée à la troisième position en 2018, recule de quatre places et se retrouve à la sixième position en 2019. Avec une collecte de 28,9 millions d’euros cette année, contre 31 millions d’euros en 2018, elle est la seule plateforme du top 10 à enregistrer une décroissance par rapport à l’année précédente. Arrive à la huitième position la plateforme Lendopolis, filiale de finance participative de la Banque Postale, qui s’est recentrée sur le financement des énergies renouvelables et de l’immobilier. La plateforme a collecté un total de 66,8 millions d’euros depuis sa création en 2014, dont 25,8 millions en 2019 qui lui ont permis d’intégrer le top 10 en 2019. Pour aller plus loin Pour le détail plateforme par plateforme, consultez notre base de données en cliquant ici. Quelles sont les cibles des investissements ? Les données que nous avons rassemblées et analysées témoignent de la grande diversité du crowdfunding en France. Ces plateformes se distinguent par leurs spécialités, leurs cibles et les instruments qu’elles proposent. Certaines ne collectent que pour un seul type d’acteurs (entreprises, associations, particuliers, promoteurs immobiliers ou collectivités locales), d’autres pour plusieurs à la fois. En 2020, avec la puissance des plateformes de dons, les projets portés par des particuliers représentent la première cible des plateformes, contrairement à l’année précédente où plus de la moitié d’entre elles collectaient pour les entreprises. Sur les 216 plateformes inscrites à l’Orias en juillet 2020, 85 collectent pour des particuliers, 81 pour des entreprises, 73 pour des associations et 25 pour des promoteurs immobiliers. Quatre plateformes soutiennent les projets des collectivité locales : Civis Finance, Cofonder, Collecticity et La Financière du Sport. A côté des plateformes généralistes, de nombreuses spécialités Une plateforme sur trois est généraliste, c’est-à-dire qu’elle accepte de présenter à ses clients tous types de projets. Ainsi, une plateforme dont les cibles des dons ou des prêts sont des entreprises est considérée comme généraliste lorsqu’elle soumet à ses utilisateurs les projets portés par des entreprises de tous secteurs ou de toutes tailles. C’est le cas de 32 % d’entre elles. Parmi les 216 plateformes inscrites au registre de l’Orias en juillet 2020, la deuxième catégorie la plus représentée est l’immobilier, avec 26 sociétés, suivie de de la solidarité avec 19 plateformes et de l’Écologie / Infrastructures renouvelables et de la culture avec 16 plateformes chacune. Cinq plateformes sont spécialisées dans la santé, dont la plateforme créée et gérée par la Fondation AGES pour répondre aux enjeux et aux conséquences du vieillissement de la population. L’immobilier est la spécialité la plus fructueuse du crowdfunding français Avec 373 millions d’euros collectés en 2019 (59 % de la collecte totale), le crowdfunding immobilier s’impose comme la branche la plus dynamique de la finance participative. Selon les données du Baromètre annuel 2019 du crowdfunding immobilier en France, réalisé par Fundimmo en collaboration avec Hello Crowdfunding, la collecte pour les projets immobiliers a augmenté de 102 % par rapport à 2018 et a permis d’en financer 544 (59 % de plus qu’en 2018), avec un montant moyen de 689 150 euros par collecte. Une tendance croissante favorisée par deux nouvelles transformations dont le secteur immobilier bénéficie depuis 2019. La première est la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises), qui a permis la mise en place de deux mesures en faveur de la finance participative. D’abord, l’ouverture du dispositif PEA-PME (Plan Epargne Action spécialement destiné au financement des PME et ETI) aux titres financés via des plateformes de crowdfunding (titres participatifs, obligations à taux fixes et minibons). Ensuite, le rehaussement du plafond de collecte des CIP (conseillers en investissement participatif) à 8 millions d’euros, au lieu de 2,5 millions. Au 31 octobre 2019, le lendemain même de la publication de cette mesure au Journal Officiel, la plateforme Homunity a proposé un projet au-delà du seuil précédemment en vigueur. Elle a collecté 4,4 millions d’euros en seulement 20 jours pour financer l’opération d’achat / revente d’une galerie commerciale en Île-de-France. “Le rehaussement de ce seuil nous permet d’accompagner de plus gros promoteurs immobiliers, et de collecter des fonds de plus en plus importants,” souligne Quentin Romet. La deuxième transformation dont le secteur immobilier a bénéficié est la possibilité d’élargir le statut CIP auprès de l’AMF pour proposer l’investissement locatif. Homunity a été la première plateforme à bénéficier du statut “CIP élargi”, qui lui permet de proposer aux épargnants d’investir dans des projets de locations immobilières via le financement participatif. Le président d’Homunity explique à mind Fintech que “cette évolution a été obtenue grâce à une collaboration avec FPF (Financement participatif France) et l’AFCIM (Association française du crowdfunding immobilier) afin de mettre en avant le concept d’investissement locatif à plusieurs auprès de l’AMF.” Des plateformes comme Fundimmo ou My Korner Shop ont elles aussi obtenu le statut “CIP élargi” par la suite. Parmi les plateformes de crowdfunding spécialisées dans l’écologie/ énergies renouvelables, Lendosphere se distingue par ses 71 millions d’euros collectés qui ont permis de financer 202 projets depuis sa création. Lendopolis, rachetée en 2017 par La Banque Postale, a levé 25,8 millions d’euros en 2019, plus du double des montants collectés en 2018. Enerfip, plateforme dédiée au financement d’installations d’énergies renouvelables, a elle aussi progressé en 2019 grâce à ses 18 millions d’euros collectés, deux fois plus que l’année précédente. Avec cinq plateformes dédiées, l’agriculture arrive à la cinquième position des catégories les plus représentées, au coude à coude avec la santé. Le Groupe Miimosa, spécialisé également dans l’alimentation est, grâce à ses 30 millions d’euros collectés, la plateforme qui a levé le plus de fonds depuis sa création. Arrive ensuite Bluebees ( 91 200 euros de chiffre d’affaires en 2019, pour 104 900 euros de perte), qui investit dans la transition écologique, avec 7,4 millions d’euros collectés pour 413 projets depuis sa création. 33 plateformes à vocation régionale Parmi les 216 plateformes inscrites à l’Orias, 33 ont une vocation régionale, qui représentent 21 régions ou départements différents. La région la plus représentée est l’Auvergne-Rhône-Alpes, avec quatre plateformes dont Monego, spécialisée dans le crowdfunding immobilier et qui a prêté 8,2 millions d’euros en 2019 et Kocorico ( 38 200 euros de chiffre d’affaires en 2019) qui a financé 349 projets de start-ups et associations et a permis la levée de 1,5 million d’euros depuis sa création. Trois plateformes financent des projets en Afrique : Fiatope, Ninatoa et MySolarLending qui soutiennent des projets liés à l’énergie solaire en Afrique. Avec 115 plateformes inscrites au registre de l’Orias, c’est l’Île-de-France qui concentre plus de la moitié de l’écosystème du crowdfunding français, suivie par Auvergne-Rhône-Alpes (21 plateformes) et de la Nouvelle-Aquitaine, qui en regroupe 16. Quel statut réglementaire ? Parmi les 216 plateformes de crowdfunding étaient enregistrées auprès de l’Orias, 152 l’étaient comme Intermédiaire en financement participatif (IFP : October, Ulule, KissKissBankBank, Tipeee…), 39 comme Conseiller en investissement participatif (CIP : Homunity, Fundimmo, Koregraf…) et 23 à la fois comme IFP et CIP (Clubfunding, Lendopolis, Credit.fr…). Deux plateformes avaient le statut de Prestataires de service d’investissement (PSI) : Tylia, qui a été racheté en 2017 par EOS Venture (4,9 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), et Wiseed, qui a permis le financement de 543 projets depuis sa création à Toulouse en 2008, pour un montant total de 226 millions d’euros. (Pour le détail plateforme par plateforme, consultez notre base de données). S’il y a près de trois fois plus d’IFP en France que de CIP, c’est parce que les obligations liées au second statut sont plus lourdes. Les CIP conseillent leurs utilisateurs dans la souscription de titres financiers (actions, obligations, minibons et titres participatifs), tandis que les IFP proposent de contribuer à des projets sous la forme de prêts ou de dons (voir encadré). QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CONSEILLER EN INVESTISSEMENT PARTICIPATIF (CIP), INTERMÉDIAIRE EN FINANCEMENT PARTICIPATIF (IFP) ET PRESTATAIRE EN SERVICES D’INVESTISSEMENT (PSI) ? En France, le statut juridique des plateformes de crowdfunding dépend de la nature du financement qu’elles proposent. CIP : Si elles permettent aux internautes de souscrire des titres financiers (actions, obligations, minibons, titres participatifs) émis par une société non cotée, elles doivent alors s’inscrire auprès du registre de l’Orias en tant que Conseiller en investissement participatif (CIP). Parmi leurs obligations figure par exemple le fait que leur site internet doit être d’accès progressif, c’est-à-dire qu’il doit comprendre plusieurs étapes avant de permettre à l’investisseur potentiel de souscrire à l’offre. Ces sociétés doivent par exemple s’assurer que l’internaute comprend la nature de son investissement et les risques et lui faire passer un test d’adéquation. L’Orias vérifie notamment que ces plateformes remplissent des conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle. Une minorité d’acteurs ont ce statut. IFP : Si les plateformes permettent de financer des projets sous la forme d’un prêt (avec ou sans intérêt), ou d’un don (avec ou sans contrepartie), elles doivent s’immatriculer auprès du même organisme en tant qu’Intermédiaire en financement participatif (IFP). Comme pour les CIP, l’Orias vérifie que ces plateformes remplissent des conditions d’honorabilité et de compétence professionnelle. Ce statut, moins contraignant que les deux autres, a été choisi la grande majorité des plateformes de crowdfunding. PSI : Les plateformes qui souhaitent permettre aux internautes de souscrire des titres financiers émis par une société non cotée peuvent également opter pour le statut de Prestataire de services d’investissement (PSI), qui leur permet de proposer toutes les catégories de titres financiers, des minibons, et d’obtenir un passeport pour fournir leurs services d’investissement dans l’espace économique européen. Seules deux plateformes inscrites à l’Orias on ce statut : Tylia et Wiseed. Plus de détails sur le site de l’Orias. Quels instruments proposés ? Sans surprise, les CIP proposent majoritairement des obligations et des actions. Neuf acteurs proposent des minibons, dont Raizers et Monego, 15 proposent des prêts et seulement un acteur, Bolden, propose des titres participatifs (valeurs immobilières qui n’octroient ni droit de vote ni part dans le capital). Cette société, qui permet aux particuliers de prêter directement aux entreprises et PME et qui avait collecté 10,8 millions d’euros en 2018, n’a pu en réunir que 2,3 millions en 2019 et n’affiche aucun bilan d’activité pour 2020. Selon les informations de mind Fintech, la plateforme a été discrètement rachetée par RiverBank, un prêteur spécialisé basé au Luxembourg Du côté des IFP, plus d’un sur deux propose des dons avec ou sans contreparties et/ou préventes et environs un sur cinq des prêts. Seulement 4 acteurs proposent des royalties : My Pharma Company, Iwimo, Freelendease et We Do Good. Pour rappel, le Baromètre du crowdfunding, publié début 2020, soulignait que les obligations, qui sont justement l’instrument le plus répandu selon nos constats, ont permis aux plateformes du secteur de collecter 453,1 millions d’euros en 2019, contre moins de 80 millions pour les dons et 41,5 millions pour les investissements en capital et en royalties. Forte hausse du nombre de Cagnottes en ligne Le nombre de cagnottes en ligne recensées à l’Orias a plus que doublé par rapport à l’an dernier, puisqu’elles étaient 16 à être en activité en juillet 2020 contre seulement 7 en mars 2019. Parmi les cagnottes recensées figurent bien sûr Lydia Solutions, qui permet aux utilisateurs de l’application de paiement mobile Lydia de créer ou de participer à des cagnottes en ligne depuis leur mobile, Leetchi (Crédit Mutuel Arkéa), qui compte 12 millions d’utilisateurs dans le monde et qui a collecté 700 millions d’euros depuis sa création en 2009, ou encore On Participe (La French Web Factory), qui déclare avoir collecté 0,6 million d’euros en 2019. Méthodologie Notre étude se fonde sur la liste des sociétés enregistrées à l’Orias en juillet 2020 en tant qu’IFP ou CIP, auxquelles nous avons ajouté les plateformes qui ont le statut de PSI. mind Fintech a ensuite qualifié ces plateformes selon plusieurs critères : – La cible des dons / prêts / investissement (entreprises, promoteurs immobiliers, particuliers, associations, collectivités locales, ONG).– La spécialité (types de projets soutenus) : immobilier, solidarité, culturel, etc. Ou bien généraliste lorsque la plateforme n’est pas ouvertement spécialisée.– La plateforme finance-t-elle des produits régionaux, et quelle région ? – Les instruments financiers proposés : prêt, dons avec ou sans contreparties / préventes, royalties, cagnotte, etc. Nous avons également relevé les montants financés par les plateformes en 2019 et depuis leur création, lorsqu’elles l’indiquent sur leur site web, par exemple dans une page “Statistiques”. Pour toute remarque ou question, contactez-nous : datalab@mind.eu.com Sara Chaouki et Aymeric Marolleau crowdfundingcrowdfunding immobiliercrowdlending Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind