Accueil > Services bancaires > Open banking > Comment BPCE utilise Meniga pour analyser les données bancaires de ses clients Comment BPCE utilise Meniga pour analyser les données bancaires de ses clients Trois ans après avoir noué un partenariat technologique avec la start-up spécialisée dans l’analyse des données bancaires Meniga, BPCE déploie la solution dans ses applications. Retour sur le chantier et la mise en production. Par Aude Fredouelle. Publié le 31 mars 2021 à 9h28 - Mis à jour le 26 juillet 2022 à 10h31 Ressources En janvier 2018, le groupe BPCE annonçait avoir choisi la start-up britannique Meniga comme “partenaire technologique pour la construction de ses services digitaux de nouvelle génération. Le groupe BPCE va intégrer la technologie de Meniga afin de renforcer ses canaux digitaux et lancer de nouveaux services personnalisés de coach financier permettant d’accompagner ses clients Caisse d’épargne et Banque Populaire dans la gestion de leurs finances personnelles.” Puis, en mai 2020, le groupe est même entré au capital de la start-up britannique à l’occasion d’une levée de fonds de 8,5 millions d’euros, aux côtés du groupe bancaire portugais Grupo Crédito Agrícola et d’UniCredit (investisseur historique) ; avant de suivre un nouveau tour de table de 10 millions d’euros en mars 2021. Trois ans après la première annonce de collaboration, les déploiements de la solution dans les espaces bancaires des réseaux du groupe sont en cours. “Fin 2017, nous voulions trouver une manière de repenser l’expérience proposée aux clients lors de la consultation des comptes, se rappelle Emmanuel Puga Pereira. Recruté en 2017 chez BPCE en tant que directeur des canaux BtoC, il est depuis octobre 2020 chief digital officer du groupe. Dans la banque à distance, que cela soit sur l’application mobile ou sur le web, la consultation des comptes fait l’objet de 80 % des visites des clients. En janvier 2021, les clients du groupe se sont connectés plus de 200 millions de fois pour consulter leurs comptes. Et les plus de 6 millions de clients actifs mobiles mensuels se connectent en moyenne 18 fois par mois, soit quasiment une fois par jour ouvré.” Supprimer les facteurs irritants Dans un premier temps, le directeur des canaux BtoC, en lien avec le CDO Yves Tyrode (désormais directeur général de l’innovation, de la data et du digital), s’est attaché à “lever les irritants clients” identifiés par une “cocooning team”. Par exemple, en déployant le touch ID ou en proposant un historique plus long des transactions bancaires – il remonte désormais à 26 mois, alors qu’il était auparavant limité à trois mois. En parallèle, le groupe s’est engagé dans des chantiers plus importants de refonte. “Nous voulions travailler la donnée transactionnelle pour proposer une nouvelle expérience de la présentation des comptes ainsi que des services avancés de gestion des finances personnelles”, commente le chief digital officer. BPCE a cherché des fintech pour l’aider, en France et à l’étranger. “Nous avons lancé un appel d’offres, raconte Emmanuel Puga Pereira. À l’époque, Personetics était moins connu et les acteurs français comme Linxo et Bankin’ n’avaient pas encore d’offres BtoB très structurées. Nous avions notamment regardé la fintech espagnole Strands. Mais Meniga nous a séduit par ses services sur étagère mais aussi ses références, parmi lesquelles des clients qui ont de gros volumes de clients, comme BPCE.” Parmi ces clients, le polonais mBank, auprès de qui BPCE a réalisé des dues diligences. “Nous avons ensuite réalisé un PoC pour tester les capacités industrielles de Meniga, poursuit le CDO. Nous avions de fortes exigences en termes de qualité de service, de capacité à supporter de très gros volumes et d’outils de supervision avancés.” La solution de Meniga est alors connectée au core banking de BPCE, pour s’assurer qu’elle puisse absorber et traiter les données en temps réel. Déploiement BPCE avait déjà déployé des outils de catégorisation des transactions, fin 2016, dans les applications Caisse d’Épargne et Banque Populaire. Le groupe affirmait alors vouloir se passer des fintech spécialisées pour développer l’outil en interne. “On a décidé de faire aussi bien et même mieux, grâce à notre histoire et notre proximité avec nos clients”, assurait alors Cédric Mignon, directeur du développement de la Caisse d’Épargne. À son lancement, l’outil ne revendiquait que 70 % des dépenses, et uniquement selon des catégories génériques (dépenses courantes, charges fixes, ressources), mais pas “shopping”, “santé” ou “voyages” par exemple. Ces outils vont être remplacés par la nouvelle version développée avec Meniga. “Les nouvelles analyses sont bien plus précises”, admet Emmanuel Puga Pereira. BPCE a commencé fin 2020 à déployer la solution bâtie avec Meniga sur ses espaces en ligne, à commencer par l’application mobile. “Nous avons commencé par un pilote auprès des collaborateurs puis nous l’avons ouvert à quelques centaines de milliers de clients, et nous accélérons le déploiement, détaille le chief digital officer. La nouvelle version sera à disposition des six millions de clients actifs mobiles cette année.” Plus d’un million de clients du groupe s’en servent déjà sur mobile. “La solution est aussi intégrée au nouvel espace client web que l’on est en train de finaliser et qui commencera à être déployé cette année.” Moteur de recherche, catégorisation et libellés détaillés Le nouvel espace en ligne propose aux clients un moteur de recherche permettant de retrouver facilement une transaction dans son historique. “Par exemple, une recherche “train” sortira tous les achats de billets de train, en calculant le nombre d’opérations et le montant total dépensé”, explique Emmanuel Puga Pereira. Une fonctionnalité notamment permise par le travail de catégorisation effectué sur les libellés. BPCE affiche le libellé du marchand et non pas le libellé original du flux monétique. Et lorsqu’un client clique sur l’une de ses transactions, il voit s’afficher, sur une carte, la localisation du lieu de l’achat, ainsi que les informations du marchand (nom et adresse, ainsi que sa catégorie). BPCE assure que la catégorisation est juste dans 90 % des cas. “Dans le cas où elle n’a pas fonctionné, le client peut la modifier, poursuit Emmanuel Puga Pereira. Nous lui suggérons alors les catégories les plus probables. Après trois recatégorisations, cela s’applique à toutes les nouvelles transactions.” Selon lui, une dizaine de pourcents des clients recatégorisent certaines transactions pour affiner l’analyse. Le nouvel espace bancaire permet aussi de pointer ou dépointer des opérations pour les mettre en avant. “Environ 15 % des clients utilisent cette fonctionnalité”. Autre nouveauté : l’annonce des virements à venir, qu’ils soient sortants ou entrants, puisque le groupe dispose de l’information trois jours avant que l’argent ne soit effectivement sur le compte. Si le client possède une carte à débit différé, l’échéance est aussi annoncée dans ses transactions. Enfin, BPCE propose aux clients d’agréger leurs comptes bancaires d’autres banques, grâce à la plateforme de Budget Insight (Meniga n’assurant pas l’accès aux comptes bancaires via DSP2 et intervenant ensuite, pour l’analyse des données). Mais pour ces comptes, “la catégorisation est moins fine, car nous ne disposons pas du flux monétique, seulement des libellés”, précise Emmanuel Puga Pereira. Par exemple, la localisation ne s’affiche pas. Moins d’une dizaine de pourcents de clients agrègent leurs comptes externes. “Environ 20 % des Français sont multibancarisés, explique le chief digital officer. Et dans la majorité, nos clients actifs mobiles sont des bancarisés principaux.” Bientôt des services avancés de gestion de finances personnelles BPCE veut désormais aller plus loin dans l’analyse et se positionner sur la gestion des finances personnelles. “Nous proposerons bientôt de nouveaux services, annonce le CDO : la visualisation des plus grosses catégories de dépenses, des abonnements récurrents, des entrées et sorties d’argent significatives…”. À terme, “nous voulons aller plus loin avec une démarche plus proactive. Par exemple, détecter des événements importants, comme une dépense importante, l’approche du plafond carte ou le versement du salaire, et envoyer une notification pour le signaler. Nous voulons aussi proposer un prévisionnel de trésorerie pour aider le client à anticiper ses dépenses”. Des éléments que propose déjà AXA Banque, qui utilise de son côté Personetics (lire notre étude de cas). BPCE travaillera sur ces nouveaux outils en 2021. Le cashback et l’initiation de virements en ligne de mire ? L’analyse des transactions bancaires, qu’elle soit réalisée via le flux monétique ou l’accès via DSP2, pourrait aussi permettre à BPCE de proposer des programmes de cashback. Meniga développe ainsi, en complément de sa solution de PFM, une activité de cashback, déjà en production dans les pays nordiques avec trois clients (Sodexo, Collector Bank et Nordea) et plus de 600 commerçants partenaires. Mais cette offre n’est pas encore disponible dans l’Hexagone. En France, ces programmes se développent aussi à vitesse grand V, avec l’entrée de nouveaux acteurs sur le créneau (en BtoB, comme Paylead et CDLK, ou en BtoC, comme Joko, Vivid Money ou les néobanques pour ados Pixpay et Vybe) et le lancement d’offres par les acteurs bancaires (à commencer par LCL, puis Société Générale ou encore le challenger Revolut). De son côté, BPCE n’en propose pas encore. “C’est un sujet que nous étudions, mais rien n’est encore décidé”, glisse Emmanuel Puga Pereira. Autre développement possible : l’initiation de virements dans le cadre de la DSP2, qui pourrait être utilisée pour proposer à des clients de déclencher des virements depuis un compte d’une autre banque, par exemple pour renflouer un compte. “Cela sera la suite logique de l’agrégation, mais ce n’est pas forcément un sujet prioritaire car les usages sont balbutiants”, indique le chief digital officer du groupe BPCE. Meniga propose d’ailleurs plusieurs cas d’usage liés à l’initiation de virements, déjà déployée avec des clients, en partenariat avec des plateformes d’open banking qui gèrent l’initiation. Casse-têtes de la catégorisation et des infrastructures Le déploiement a commencé fin 2020, bien plus tard que prévu. Fin 2018, Yves Tyrode indiquait à mind Fintech à propos du partenariat avec Meniga : “Nous introduirons de nombreuses avancées sur les applications du groupe en 2019, notamment sur la qualité des libellés bancaires, la profondeur de l’historique, des fonctionnalités autour de la data, de la recommandation et de la personnalisation…”. Si l’élaboration de la solution a pris du temps, assure Emmanuel Puga Pereira, c’est qu’il a fallu travailler sur la catégorisation des transactions, Meniga n’étant pas encore déployé dans une grande banque française. Et c’est BPCE qui s’est chargé de l’élaboration des annuaires marchands. “Nous avons travaillé sur la mise en place de bases de données, parmi lesquels trois grands annuaires marchands rassemblant un million de SIRET ainsi que les fichiers ICS de la Banque de France qui identifient 300 000 créanciers, comme des acteurs télécoms par exemple. Enfin, nous avons intégré nos annuaires de DAB pour pouvoir identifier dans quel distributeur le client a fait un retrait.” BPCE a alimenté et nettoyé ces bases de données. “C’est un projet à échelle industrielle, et nous avons eu besoin de fiabiliser les données de marchands récupérées auprès de l’INSEE du fait de notre exigence de qualité. Nous avons dû faire évoluer l’annuaire car nous voulions un très bon niveau de catégorisation, et cela nous a pris plus de temps que prévu.” Meniga a accompagné BPCE avec ses équipes de data analysts. La start-up se charge de réaliser le rapprochement entre les bases de données de BPCE et les données de transactions, et restitue l’information enrichie. Outre la catégorisation, BPCE a dû adresser des questions d’infrastructure. “Meniga est un middleware qu’il a fallu brancher à différents core banking, détaille Emmanuel Puga Pereira : Equinoxe des Banques populaires, MySys pour les Caisses d’épargne, NPS pour Natixis Payment, mais aussi l’agrégateur Budget Insight pour récupérer les données des comptes externes.” BPCE traite environ 25 millions de transactions par jour. “Avec 26 mois d’historique pour les clients, cela nous demande de stocker 20 milliards d’opérations bancaires, et d’alimenter en temps réel des dizaines de millions de transactions par jour. Traiter des volumétries aussi importantes nécessite de mettre en place des infrastructures très impressionnantes.” Le groupe a dû renforcer ses centres d’hébergement. “Comme beaucoup d’acteurs bancaires français, nous stockons les données bancaires de nos clients dans nos propres centres d’hébergement, car elles sont critiques et sensibles, et nous utilisons le cloud public pour d’autres usages comme la refonte de nos portails commerciaux, car il s’agit d’un contenu statique.” Chez Meniga, deux à trois collaborateurs ont accompagné BPCE sur le projet de déploiement. Du côté du groupe, une équipe métier avec un chef de produit et des équipes techniques – une dizaine de personnes – ont été impliquées. Premiers résultats “Les retours des clients sont excellents, assure Emmanuel Puga Pereira. Cela ne fait pas exploser le nombre de visites, qui reste stable, mais les clients passent davantage de temps pour analyser leurs transactions puisqu’ils peuvent accéder au détail.” Georg Ludviksson, le CEO de Meniga assure en effet que “son principal KPI est l’engagement client” : “l’activité des utilisateurs, la fréquence à laquelle ils se connectent, combien de temps il passent sur l’espace bancaire, avec combien de pages ils interagissent, la probabilité qu’ils recommandent leur banque… mais aussi combien d’argent ils déposent dans leur banque en ligne”. Parmi les objectifs de BPCE : augmenter les notes de l’application sur les stores, “même si elles sont déjà élevées”. Fin 2017, l’application Banque Populaire était notée 2,6 sur iOS et 3,6 sur Android ; et celle de Caisse d’Épargne 2,2 sur OS (un an après le lancement de Banxo) et 3,9 sur Android. Grâce aux travaux d’amélioration débutés en 2018, celle de Banque Populaire est désormais notée 4,4 sur iOS et 4,3 sur Android, et celle de Caisse d’Épargne 4,4 sur iOS et 4,3 sur Android (accéder à nos benchmarks sur les applications mobiles de fin 2018, 2019 et 2020). Mais le groupe s’attend aussi à un autre bénéfice : limiter les demandes aux centres d’appels de clients se demandant à quoi correspond l’une de leurs transactions au libellé incompréhensible. “Nous n’avons pas encore de résultats chiffrés mais nous sommes persuadés que cela diminuera les appels à faible valeur ajoutée de ce type vers nos conseillers et centres de relation client”, conclut Emmanuel Puga Pereira. Meniga, 165 clients bancaires dans 30 pays Meniga revendique 165 clients bancaires dans 30 pays. Parmi eux, BPCE, UniCredit, Swedbank, UOB, mBank, Santander et Crédito Agricola. “Nos solutions touchent plus de 90 millions d’utilisateurs en ligne de banques dans le monde”, assure Georg Ludvisson, CEO. Meniga travaille aussi avec des assureurs et d’autres institutions financières ainsi que des fournisseurs IT pour les banques. En France, Meniga “travaille avec d’autres institutions bancaires que BPCE”, assure le CEO, mais ne donne pas davantage de détails à ce stade. Outre les modules utilisés par BPCE, Meniga propose “des notifications automatiques en temps réel, des analyses prédictives, des offres de cashback liées à la carte bancaire (CLO), des outils d’analyse des données clients et le calcul de l’impact carbone à partir de l’analyse des transactions.” Ce dernier outil, baptisé Carbon Insight, “est très demandé par les banques”, assure le CEO. Islandsbanki a déployé la solution et Meniga est en train de préparer la mise en production chez d’autres banques “dans quatre pays en simultané”. Meniga compte 160 collaborateurs dans sept bureaux, à Londres (siège), Reykjavik, Stockholm, Varsovie, Singapour, New York et Barcelone. En parallèle de son activité BtoB, Meniga conserve une application gratuite BtoC en Islande, où la société a été lancée. “Cela nous permet de tester nos solutions”, explique le CEO. Aude Fredouelle agrégateurapplication mobilebanque de détailDSP2open bankingpartenariatPFM Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Meniga, soutenue par BPCE, lève 10 millions d’euros BPCE, Grupo Crédito Agricola et UniCredit investissent dans le PFM Meniga Meniga rachète Wrapp pour accélérer sur le Card-Linked Offer