Accueil > Financement > Mathilde Iclanzan (WiSEED) : “Nous réfléchissons à un marché secondaire” Mathilde Iclanzan (WiSEED) : “Nous réfléchissons à un marché secondaire” Dans un entretien accordé à mind Fintech, la nouvelle directrice générale de la plateforme de crowdfunding WiSEED, Mathilde Iclanzan, aborde de nombreux sujets : impact de la crise sanitaire, diversification sectorielle et produit, tendances du crowdfunding immobilier, investissements technologiques, évolution de la réglementation européenne... Par Antoine Duroyon. Publié le 27 octobre 2021 à 16h40 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h51 Ressources Quel a été l’impact de la crise du Covid-19 sur l’activité de WiSEED ? 2020 n’a pas été une année facile. Nous avons pris des mesures fortes mais nécessaires pour préserver la confiance de nos investisseurs. Et nous avons délibérément choisi de ne pas s’engager dans une course aux volumes. Ainsi, le comité d’engagement a préféré renoncer à 20 millions d’euros de projets plutôt que de sélectionner des dossiers dont nous n’étions pas pleinement convaincus de la fiabilité. Le financement des PME en dette a également été suspendu, le temps que nous comprenions les effets de la crise. Nous ne voulions pas être la plateforme à laquelle on s’adresse faute d’obtention d’un PGE [prêt garanti par l’Etat, ndlr]. Comment l’activité se porte-t-elle aujourd’hui ? Nous sommes très surpris par le rebond de l’activité. Le volume de collecte devrait atteindre 70 millions d’euros cette année, contre 45 millions en 2020. Au total, la plateforme a dépassé les 310 millions d’euros collectés depuis son lancement. En termes de chiffre d’affaires, nous prévoyons un atterrissage à 6 millions d’euros en 2021, contre 4 millions l’an dernier. Et la société devrait renouer avec la rentabilité, après une perte en 2020 due à la crise mais aussi à des choix d’investissement. Enfin, on devrait totaliser sur 2021 une dizaine de sorties. Certaines sont largement positives, comme le concepteur de chaufferies biomasse Agroenergy qui a réalisé un multiple net de 3,7. Quels sont ces choix d’investissement ? Nous avons refondu notre système, mis en place des outils de business intelligence et déployé un CRM encore plus performant. Nous avons aussi engagé une collaboration avec Neuroprofiler dans le domaine de la finance comportementale et nous avons internalisé nos processus de LCB/FT et d’entrée en relation avec le client. Enfin, une application mobile investisseur va sortir dans les prochaines semaines. Par ailleurs, nous réfléchissons à un marché secondaire. Cela devient une nécessité, mais nous voulons le faire avec des partenaires de très haut niveau. La réflexion touche à sa fin et ce projet pourrait voir le jour en 2022. Ce marché doit produire un effet de levier pour convertir le maximum d’investisseurs au crowdfunding et lever des blocages sur le manque de liquidité, mais il ne s’agira jamais d’une activité à part entière. WiSEED a créé une filiale dédiée à la transition énergétique. Pourquoi ce choix ? 70 % de notre activité concerne l’immobilier, mais une forme de rééquilibrage va s’accélérer avec le segment de la transition énergétique. C’est un domaine que nous couvrions déjà via du financement en equity, mais nous avons voulu mieux le structurer avec la création de WiSEED Transitions. Le financement de ce type de projet au travers d’obligations simples se développe et nous avons recruté des experts qui ont une capacité à sourcer des projets créateurs de valeur en termes de transition et de rentabilité financière pour les investisseurs. Vous ciblez également le secteur de la santé… Les investisseurs manifestent un fort intérêt pour ce secteur. Il est probable que nous mettrons en place à l’avenir une filiale dédiée à la santé, avec le recrutement d’experts (médecins, chercheurs) en mesure d’opérer une sélection rigoureuse des projets. Nous recevons aussi des demandes de biotech et de medtech pour du financement pré-IPO. Le principe est simple : les investisseurs souscrivent des obligations convertibles et les convertissent en actions au moment de l’introduction en Bourse. Une autre initiative menée dans le domaine de la santé est le club deal avec l’incubateur healthtech Semia. Cela permet d’investir en equity, à partir de 1 000 euros, dans 5 à 10 projets qui lèvent de 250 000 à 300 000 euros individuellement. Une première société a été financée mi-octobre : la biotech Spartha Medical [qui développe des revêtements spéciaux aux propriétés anti-infectieuses et anti-inflammatoires, ndlr]. Deux autres sociétés seront financées prochainement. Outre la dilution du risque, l’avantage du club deal est de pouvoir bénéficier du sourcing de l’incubateur et de son accompagnement. Quelle est la stratégie derrière cette diversification ? WiSEED est multi-secteur et multi-produit. Ce qui va permettre au crowdfunding de se démocratiser, c’est d’expliquer à l’investisseur que c’est en diversifiant son portefeuille par différents produits et secteurs, qu’il trouvera de la rentabilité. Nous assumons ce positionnement et nous le développons. Il nous différencie par ailleurs de nos concurrents qui sont plutôt des pure players. En termes de produits précisément, WiSEED se lance dans la distribution de fonds. Quel est votre objectif ? Nous distribuons actuellement six organismes de placement collectif (SCPI, FIP, groupement forestier…, ndlr) et d’autres vont arriver dans les prochaines semaines. Nous observons que l’intérêt des investisseurs est plus fort pour les fonds dont le ticket d’entrée est bas. Par exemple, sur la SCPI Activimmo gérée par Alderan, dont le ticket minimum est de 600 euros, la collecte atteint déjà les 700 000 euros, ce qui est très intéressant pour un démarrage. Avec ces parts d’OPC, nous voulons répondre à une demande des investisseurs. Ils souhaitent faire du stock picking, mais aussi de la diversification sur des produits moins risqués et avec des rendements réguliers [pour pouvoir proposer ce type de placement, la société a adapté son agrément PSI auprès de l’ACPR, ndlr]. Votre concurrent Anaxago a créé une société de gestion en 2019 pour mieux adresser les institutionnels. Est-ce une mesure que vous envisagez ? Nous sommes un acteur tourné vers le retail et c’est notre force. Mais nous réfléchissons effectivement à la création d’une société de gestion, dans la mesure où une part croissante de CGP [conseiller en gestion de patrimoine, ndlr] et d’institutionnels s’intéressent à ce que nous faisons. Nous pouvons leur démontrer notre expertise et notre gestion du risque. Sur le segment de l’immobilier, vous avez aussi noué un partenariat avec le réseau de CGP Theseis. En quoi consiste-t-il ? C’est une offre liée à notre écoute des promoteurs et des marchands de biens. Theseis s’occupe de la commercialisation (investissement locatif, achat de lots, négociations avec les collectivités…), qui est souvent la clé pour le succès d’un projet, et WiSEED du financement. Associer la commercialisation et le financement permet d’aligner les intérêts de tous. La pression concurrentielle est forte dans le crowdfunding immobilier. Quel en est l’impact ? C’est vrai qu’il y une pression sur les marges, mais aujourd’hui seul un promoteur sur quatre se finance en crowdfunding. Le marché est porteur, la demande est présente et les volumes augmentent. On relève une tendance intéressante : alors qu’il y avait beaucoup de promoteurs avec de nouveaux programmes, une conversion progressive s’effectue vers les marchands de biens, qui réhabilitent notamment des cœurs de villes. Vous avez lancé la plateforme Épargne Occitanie, en partenariat avec la région Occitanie. De quoi s’agit-il ? En sortie de crise et en période de restrictions budgétaires pour les régions, nous avons trouvé ce modèle de partenariat pertinent et nous souhaitons le répliquer auprès d’autres collectivités. Notre objectif est de rassembler des communautés de citoyens autour d’entreprises qui bénéficient d’un accompagnement spécifique des régions. Cette coentreprise a déjà généré 2 millions d’euros de financements en equity. Nous avons par ailleurs obtenu le statut d’intermédiaire en financement participatif auprès de l’Orias, car nous n’excluons pas de proposer des opérations de don. 195 plateformes de financement participatif sont immatriculées en France Le règlement européen relatif aux prestataires européens de services de financement participatif (PSFP) entre en application le 10 novembre 2021. Que va-t-il changer ? En tant que PSI, nous sommes aujourd’hui au plus haut niveau de l’agrément. Nous avons eu des discussions avec la direction générale du Trésor pour savoir si les PSI devaient aller chercher un agrément européen qui est moins contraignant. Pour l’instant, la réponse est de demander cet agrément. Nous allons donc le faire, même si cet agrément plafonnera les projets à 5 millions d’euros, contre 8 millions avec la réglementation actuelle. Dans les faits, lorsque les projets sont purement tournés vers le retail, nos collectes ont pu atteindre jusqu’à 3 millions d’euros. Antoine Duroyon crowdequitycrowdfundingcrowdfunding immobilier Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire La liste des plateformes de crowdfunding européennes agréées comme prestataires de services de financement participatif (PSFP) L'évolution des agréments IFP et CIP à l'Orias Equity crowdfunding : Seedrs et Crowdcube renoncent à leur fusion La plateforme de crowdfunding agricole Miimosa lève 7,5 millions d’euros WiSEED crée une filiale dédiée au financement de la transition énergétique