Accueil > Investissement > M. Lucchesi et F. Guiader (Gide 255) : “Il faut trouver un équilibre entre attractivité et réglementation des activités liées aux cryptoactifs” M. Lucchesi et F. Guiader (Gide 255) : “Il faut trouver un équilibre entre attractivité et réglementation des activités liées aux cryptoactifs” Les incertitudes réglementaires liées à la future réglementation européenne MiCA peuvent réfréner les ardeurs de certains acteurs dans l’obtention d’un statut de PSAN en France. Franck Guiader, head of innovation & fintech, et Matthieu Lucchesi, spécialiste en matière de stratégie juridique et réglementaire dans le domaine de l’innovation et des fintech, au sein de l’équipe Gide 255, décryptent le contexte législatif en matière de cryptoactifs pour mind Fintech. Par Caroline Soutarson et Antoine Duroyon. Publié le 24 janvier 2022 à 16h55 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h51 Ressources Le 18 janvier 2022, Kriptown et Cartezi Technology ont obtenu leur enregistrement en tant que prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), rejoignant ainsi 28 autres acteurs au registre de l’AMF. Coinbase, Kraken ou encore Binance, des acteurs majeurs du secteur, n’y sont pas. À quoi sert l’enregistrement ? Matthieu Lucchesi : Sans enregistrement PSAN, un acteur ne peut pas fournir les principaux services sur actifs numériques en France. Les acteurs qui en délivraient avant la réglementation ont dû cesser de s’adresser à une clientèle française. Aujourd’hui, beaucoup sont en cours d’enregistrement par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Franck Guiader : Il s’agit d’un processus long et minutieux pour de grands acteurs internationaux dans la mesure où les règles anti-blanchiment peuvent varier d’une juridiction à une autre. Cela nécessite une harmonisation et une clarification des procédures opérationnelles internes, qui doivent ensuite être validées par les autorités. L’AMF propose également un agrément PSAN optionnel, qui n’a pour l’instant été attribué à aucune personne morale. Qu’est-ce qui explique ce résultat ? ML : Les organisations attendent la finalisation du règlement européen MiCA [“Markets in cryptoassets”, ndlr] pour que la marche entre les deux ne soit pas trop grande. L’obtention des agréments demande des moyens et du temps. Que permet l’agrément PSAN par rapport à l’enregistrement ? ML : L’agrément autorise une plus grande agressivité dans la manière de s’adresser à la clientèle et de nouer des partenariats commerciaux avec d’autres acteurs. À quoi va ressembler la réglementation européenne sur les cryptoactifs ? ML : MiCA s’inspire de l’agrément PSAN français combiné à la directive MIF. Comme dans la réglementation française, MiCA comprend un cadre sur l’offre au public de cryptoactifs et une autre sur les services sur actifs numériques, même si MiCA couvre aussi des thèmes qui ne sont pas visés spécifiquement par le droit français, comme les stablecoins. Cela montre que le droit français était précurseur et a su faire référence dans l’encadrement de ce nouvel écosystème. Aucun autre pays n’a créé de système identique. Le Luxembourg et l’Allemagne ont fait évoluer le droit concernant la blockchain, la Suisse également. Mais seule la France s’est dotée aussi vite d’un cadre global sur les cryptoactifs, dans le domaine financier et en dehors. Où en est le calendrier de la réglementation MiCA ? FG : La proposition initiale date du 24 septembre 2020. Il a fallu approximativement un an pour aboutir à une approche générale. Je souligne qu’on a eu la chance en France d’avoir un marché qui s’est organisé d’un point de vue réglementaire très en amont des autres, avec des autorités expertes. Il est extrêmement important que les institutions françaises permettent le développement du marché des cryptoactifs dans le bon tempo au regard des dates du règlement MiCA. ML : L’approche du Conseil européen sur MiCA a été votée le 24 novembre 2021. Ensuite, le relai est passé au Parlement pour le trilogue. Parmi les sujets clés à venir, l’intégration ou non d’instruments de certains cryptoactifs va être également discutée. Les NFT [jetons non fongibles, ndlr] pourraient être explicitement par exemple exclus du champ de la réglementation. En revanche, les stablecoins, intimement liés à la monnaie, seront a priori dans le champ du texte et feront l’objet d’un cadre spécifique. FG : Concernant les plateformes étrangères à l’Union européenne, il faut trouver un équilibre entre attractivité et réglementation des activités liées aux cryptoactifs. Comment est prévue la régulation à l’échelle européenne ? FG : Les autorités nationales seront les interlocuteurs de premier plan. C’est une volonté que les autorités compétentes soient au plus proche de ce marché en construction. En outre, la proposition initiale donnait la possibilité aux porteurs de l’agrément européen de se développer dans les pays de l’Union européenne mais sans système de notification entre autorités, dans le but de rendre plus facile le développement à l’international. Quelles problématiques ce système pose-t-il ? FG : Cela pose l’enjeu de savoir qui est habilité d’une part. Et cela engendre un risque de “forum shopping” [pratique consistant à choisir la juridiction nationale qui est le plus en faveur de ses intérêts, ndlr]. Pourquoi les NFT ne figureraient pas dans la future réglementation européenne ? FG : Les NFT peuvent être considérés comme des actifs numériques, ou des biens, mais ils interviennent aussi dans les secteurs du luxe, du jeu, des médias, de la distribution… Notre équipe travaille d’ailleurs avec un nombre croissant d’acteurs de ces industries sur ce sujet. Mais il faut d’abord comprendre à quelle catégorie les NFT sont rattachés avant de les réguler. ML : Ce sont des instruments numériques qui ont une telle pluralité de cas d’usage. Le risque en les soumettant à MiCA est d’imposer à ce nouveau marché des contraintes inadaptées alors que les acteurs sont encore en train de se structurer. Ce qui n’est pas le cas des stablecoins, visés par la réglementation MiCA… FG : L’initiative de Facebook (aujourd’hui Meta), Diem (ex-Libra), a eu un effet de détonateur car le projet de stablecoin pouvait avoir un impact sur l’économie. De manière générale, MiCA se nourrit de ce qui existe sur le marché tout en essayant de prévoir les nouveaux actifs à venir. Caroline Soutarson et Antoine Duroyon cryptoactifNFTrégulationstablecoin Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Tribune gratuit LCB-FT et cryptos : un nouvel exercice d'équilibriste Tribune Réforme française sur les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) : enjeux et perspectives économiques Tribune gratuit Monnaie digitale de banque centrale : une piste pour relancer le moteur économique de la zone euro ?