Accueil > Assurance > Comment Akur8 automatise la modélisation des risques IARD et santé Comment Akur8 automatise la modélisation des risques IARD et santé La start-up Akur8 propose une plateforme SaaS qui entend couvrir la chaîne de valeur de la tarification des risques non vie pour les activités d’assurance. L’insurtech française compte l’assureur AXA, le groupe mutualiste Matmut, le néoassureur Luko ou encore l’éditeur américain de logiciels Duck Creek dans son portefeuille de clients. Par Caroline Soutarson. Publié le 09 février 2022 à 16h00 - Mis à jour le 09 février 2022 à 16h18 Ressources Créée en 2018, la société française Akur8 édite une plateforme Software-as-a-Service à destination des acteurs de l’assurance couvrant les segments IARD (incendies, accidents et risques divers) et santé. Plus particulièrement, la solution vise les actuaires et apporte de l’automatisation à leur activité de tarification, restée jusque-là assez manuelle, grâce à des ressources de machine learning. Ambition : couvrir tout le processus de la tarification La start-up a commencé par la modélisation des risques. Mais après “4 ans de R&D”, Akur8 n’a pas fini d’ajouter des pièces à son catalogue de produits, apprend à mind Fintech Anne-Laure Klein, COO. “Notre solution est modulaire et suit le processus métier de la tarification, c’est-à-dire la manière dont les actuaires tarifient. Le premier module, “RISK”, correspond à la modélisation de la prime technique. Par exemple, quel est le risque qu’un conducteur présentant des caractéristiques données ait un, deux ou trois sinistre(s) durant l’année qui vient ?”, illustre la responsable des opérations. Ce morceau de solution est le premier à avoir été commercialisé, “à partir de mi-2019”, précise Anne Laure Klein. “Puis l’an dernier [2021, ndlr], nous avons lancé notre module “DEMAND” qui est un premier élément de modélisation de la prime commerciale, car nous modélisons la propension à acheter (propensity to buy) d’un souscripteur et l’évolution de cette probabilité par rapport à son élasticité ou sa sensibilité au prix”, explique la COO. Si la première brique est plébiscitée par une majorité d’assureurs, la seconde est sur un segment plus étroit : “tous les assureurs ne modélisent pas la demande, selon leur marché, leur typologie, leur niveau de sophistication…” Ce n’est pas une question de taille de l’acteur mais plutôt du rapport à la donnée, selon Anne-Laure Klein. De ce fait, les insurtech, bien que relativement nouvelles sur le marché, peuvent être amenées à utiliser cet outil comme des acteurs plus historiques. Néanmoins, les acteurs multiséculaires et/ou multi-décennaux ont l’avantage d’avoir un historique de données plus long et peuvent donc espérer des modélisations plus aiguisées. D’ici quelques semaines, c’est une troisième brique qui viendra s’ajouter au puzzle. “Akur8 poursuit la sophistication du pricing avec “RATE” qui va permettre d’ajuster les primes, de faire des “dislocation analysis”, c’est-à-dire de connaître l’impact d’un changement de tarif sur le portefeuille client, de faire des reportings de performance…”, décrit Anne-Laure Klein. “Nous sommes en attente des nouvelles briques car elles composent les éléments de la stratégie de pricing, qui est au cœur de notre métier. Akur8 a sorti au début du mois [de février 2022, ndlr] une fonctionnalité d’API. Nous allons la tester”, indique à mind Fintech Joanna Chardon, chief product and pricing officer chez Wakam (anciennement La Parisienne Assurances) qui dispose d’un contrat pluriannuel avec Akur8. La responsable de Wakam est convaincue de l’utilité de la solution puisqu’elle l’a découverte chez AXA France dans un premier temps avant de la privilégier à son arrivée chez l’assureur 100 % digital Wakam. “Nous nous en servons pour la création de nouveaux produits et leur amélioration grâce au calibrage des modèles en mode continu, mais aussi pour la refonte d’anciens modèles de risque en y ajoutant des informations sur les sinistres”, évoque Joanna Chardon. De l’intelligence artificielle “transparente” Akur8 estime être la seule solution entièrement focalisée sur l’automatisation des tâches manuelles de modélisation des actuaires en assurance. Constat également observé par Joanna Chardon. Akur8 vient “remplacer des acteurs qui ont des décennies d’expérience tels que Willis Towers Watson, qui est à la fois courtier et prestataire de conseil en assurance et qui a racheté des briques de logiciels”, expose Anne-Laure Klein dont la start-up est éditrice de logiciels. Par ailleurs, des concurrents indirects moins expérimentés sont apparus avec l’essor des solutions d’intelligence artificielle multi-secteurs. Mais la responsable des opérations estime que ces dernières ne permettent pas de répondre à “l’impératif de transparence” exigé par les régulateurs du secteur de l’assurance. “Le régulateur audite les tarifs, avant et/ou après la mise sur le marché des grilles tarifaires des produits d’assurance. […] Les modélisations de type boîtes noires ne sont pas acceptables, pour des raisons éthiques (il peut y avoir des croisements de variables qui reconstituent à l’insu de l’utilisateur un proxy d’une variable dont l’utilisation est interdite, comme le genre d’une personne par exemple) et d’exposition à des risques d’anti-sélection”, explicite la responsable. “L’assureur doit être capable de justifier toutes les décisions, pour être conforme notamment au règlement général sur la protection des données (RGPD) et le “droit à l’explication” ”, complète Joanna Chardon, dont la société a la particularité de ne travailler qu’avec des distributeurs en assurance. Les actuaires, aidés ou non par des logiciels, doivent pouvoir expliquer dans le détail la modélisation des tarifs. Cela va au-delà de “l’explicabilité”, qu’Anne-Laure Klein dissocie de la “transparence”, valeur prônée dans la communication d’Akur8. “Dans le cas de l’IA explicable (XAI), pour expliquer un output généré par de l’intelligence artificielle traditionnelle, de type boîte noire, vous reconstituez a posteriori le cheminement des algorithmes mais insérez, ce faisant, de la simplification qui diminue les performances prédictives, sans pour autant fournir les garanties de la transparence”. C’est pourquoi Akur8 se targue d’avoir une technologie basée sur de l’intelligence artificielle “transparente”. Elle “permet de visualiser quelles variables ont été utilisées et dans quelle mesure, et de les modifier en s’appuyant sur la connaissance métier de l’actuaire”, clame la COO. Pour preuve, lors de la phase de PoC (proof of concept) de la Matmut, “les actuaires qui ont testé la solution ont refait les modélisations manuellement et sont arrivés aux mêmes résultats”, explique Emeric Bellanger, responsable de la tarification au sein de la direction générale adjointe assurance IARD du Groupe Matmut. En plus de la transparence, les outils d’Akur8 apportent de la vitesse grâce à l’automatisation des pratiques. “Nous pouvons réaliser des modèles très rapidement. Nous avons réalisé des gains de temps de 1 à 5, voire de 1 à 10 sur certains modèles de pricing”, affirme Joanna Chardon. Résultats similaires chez la Matmut qui se sert de la solution pour davantage segmenter son modèle tarifaire : “La phase de modélisation va dix fois plus vite et nous permet d’explorer d’autres modèles”, considère Emeric Bellanger. Le responsable de la tarification ajoute que la prise en main a été facile pour les personnes du métiers, qui “ont bénéficié de deux jours de formation” et du support client. En pratique, la Matmut a pu “réviser les contrats tarifaires des deux-roues à la baisse” depuis le déploiement de la solution en décembre 2020. Adresser le marché mondial La start-up, qui fêtera ses quatre ans d’existence à l’été 2022, a dès son démarrage mis le cap sur des marchés étrangers. “Nous avons une équipe managériale expérimentée. Notre CEO [Samuel Falmagne, ndlr] a dirigé les ventes chez Shift Technology, en particulier leur expansion aux États-Unis, ce qui nous permet d’aborder le marché américain avec de l’expérience”, note Anne-Laure Klein. La start-up a ainsi signé en novembre 2020, soit un an après son lancement produit, son premier client américain : le fournisseur de solutions core system Duck Creek Technologies. Puis un an plus tard, le cabinet de conseil et d’actuariat Milliman. Par ailleurs, les ambitions d’Akur8 ne se “limitent” pas à l’outre-Atlantique puisque l’insurtech a mis un pied en Asie, grâce à l’un de ses douze partenariats avec AXA, et un autre en Amérique latine, au Chili plus précisément, grâce à un partenariat avec HDI Seguros annoncé le 8 février. Au total, “avec notre prisme mondial et une technologie agnostique en termes de réglementations locales, nous comptons des clients dans plus de 20 pays”, assure Anne-Laure Klein. Si le marché mondial peut sembler ambitieux de par son envergure, “nous adressons en fait une audience très spécifique : des actuaires, experts en tarification et head of pricing”, précise Anne-Laure Klein. Par la suite, deux facteurs guident l’expansion : le bouche-à-oreille ainsi que l’étape du PoC. Pour le premier, il se rapporte à la “communauté actuarielle”. Dès lors qu’Akur8 réussit à placer son produit chez un assureur d’un pays, alors il y a un effet de réseau qui conduit ladite communauté à connaître la technologie d’Akur8, d’après la COO. Le passage à l’acte, toutefois peut être long, souligne-t-elle. “Les actuaires sont d’abord sceptiques face à notre produit qui leur demande de changer leur comportement et donc du temps”, indique la responsable. C’est pourquoi la start-up propose la technologie en “accès libre durant deux semaines. Nous ne faisons pas payer le pilote. […] C’est le moment clé pour générer des modèles, apprécier des gains de rapidité, de la performance prédictive… Notre taux de conversion sur les pilotes se situe entre 70 et 80 %”, chiffre Anne-Laure Klein. Les clients d’Akur8 en Europe Akur8 s’adresse à l’ensemble des acteurs de l’assurance : assureurs traditionnels, réassureurs, mutualistes, insurtech… “Les insurtech sont data-driven et très à la pointe dans l’adoption de nos modules. Mais les grands groupes, comme AXA” sont aussi friands des solutions d’Akur8. L’assureur français a signé pas moins de douze partenariats avec la plateforme SaaS. En France, où Akur8 réalise 25 % de son chiffre d’affaires, Akur8 a également convaincu Wakam (qui opère dans 32 pays européens), Generali France, le groupe mutualiste Matmut, AG2R La Mondiale ou encore, dernière en date, l’insurtech Luko dont la collaboration a été annoncée début 2022. En Europe, Akur8 travaille avec aussi le néoassureur belge Yuzzu, le (ré)assureur de spécialité Canopius, Munich Re, l’insurtech allemande Wefox, le spécialiste britannique de l’assurance chient-chat Bought by Many, VIG Pologne (via Beesafe et Compensa) ou encore le groupe PZU qui opère dans les pays baltes. Afin de conduire l’internationalisation, Akur8 compte aujourd’hui, en plus de son siège à Paris, des bureaux à New York et à Londres. “En 2022, nous souhaitons avoir une présence locale en Asie. Nous avons pour l’instant un client sur le continent avec AXA Direct Japan et anticipons à court terme un autre acteur “game-changer” sur ce marché. Nous ouvrirons aussi des bureaux en Italie, en Allemagne et en Espagne”, liste la responsable des opérations. Alors que l’ouverture du bureau asiatique se fait dans une stratégie de séduction de potentiels clients, les bureaux des pays européens frontaliers viennent plutôt parachever des marchés conquis. “Nous avons déjà des références sur ces marchés européens. Donc, cela légitime des ressources commerciales et techniques de support client”, affirme Anne-Laure Klein. Formation continue des collaborateurs Jusque-là, Akur8 misait sur les 30 nationalités de ses 80 salariés pour pouvoir échanger avec ses clients internationaux. En effet, au-delà d’apporter de l’innovation technologique dans la modélisation des risques, Akur8 mise également sur un service support digne des “grands comptes”. Du PoC au service après-vente, les collaborateurs se doivent d’être disponibles et réactifs. Emeric Bellanger exprime d’ailleurs sa satisfaction à cet égard : “nous avons accès à un chat en relation directe avec les équipes d’Akur8 lorsque nous avons des problèmes de méthode ou d’utilisation par exemple”. Pour arriver à la “qualité de service grands comptes” souhaitée par Anne-Laure Klein, un travail conséquent de formation est réalisé en interne pour que toutes les équipes, aussi bien marketing que produit, soient en phase avec le métier de l’actuariat et soient en capacité de comprendre les requêtes des clients. “Nous investissons beaucoup sur le recrutement, la structuration des onboarding et la rétention des collaborateurs”, confie la COO qui revendique un faible taux de turn-over. Mais recruter le bon candidat n’est pas suffisant : “nous travaillons sur un cas d’usage spécifique qui ne tolère pas l’approximation”, clame Anne-Laure Klein. Il y a donc des “sessions de formation, quel que soit le rôle du collaborateur : fondamentaux de l’assurance, de la tarification… Puis nous montons progressivement en sophistication en formant aux solutions d’Akur8, sachant que nous ajoutons des fonctionnalités toutes les trois semaines”. De ce fait, le support client permet à un non spécialiste de comprendre les problèmes soulevés par les clients et de diriger ces derniers vers les équipes adéquates. “25 personnes travaillent sur la partie produit (data science, produit, UX/UI), 25 aussi côté développement, software engineering, infrastructure cloud et sécurité, 25 autres sur le commercial et 5 sur le marketing. […] dont 6 personnes à la fois comme actuaires et data scientists”, formées par l’entreprise à l’un ou l’autre métier sur lequel elles n’étaient pas initialement spécialisées. En plus du support client, il y a des points réguliers réalisés entre la start-up et ses clients, “tous les six mois” chez le groupe Matmut. “Nous pouvons exprimer nos besoins et ils seront intégrés à la roadmap d’Akur8. C’est un partenariat qui va dans les deux sens”, rapporte la responsable de Wakam. Les équipes d’Emeric Bellanger ont par exemple demandé l’ajout de “certaines lois statistiques qui manquaient et qui ne sont pas utiles qu’à nous mais à l’ensemble des actuaires clients d’Akur8”. Une tarification indexée sur le volume de primes modélisé L’accès à la plateforme et au support se fait “sur le pur modèle SaaS et donc de l’abonnement”, énonce Anne-Laure Klein. A la différence près que l’insurtech souhaite se différencier des acteurs qui inclut le nombre d’utilisateurs au tarif. “Notre grille tarifaire est construite sur la base du volume de primes (GWP) que les assureurs ont l’intention de modéliser avec Akur8, détaille la responsable des opérations. Nous permettons de processer un volume de données quasi-illimité grâce à notre hébergement sur le cloud [d’AWS, ndlr]”, ajoute-t-elle. Une transition vers un multi-cloud est envisagé par la start-up pour convaincre plus facilement ses prospects asiatiques d’utiliser sa solution. Pour financer son expansion en Asie, mais aussi la création de nouveaux bureaux pays, le renforcement de l’équipe new-yorkaise et le développement de sa technologie, Akur8 s’appuie notamment sur sa levée de fonds de 25 millions d’euros réalisée en juin 2021 auprès de ses investisseurs historiques BlackFin Capital Partners et MTech Capital. Caroline Soutarson datagestion du risqueinsurtechintelligence artificiellemachine learning Besoin d’informations complémentaires ? 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