Accueil > Financement > Julien Hostache : “Les collectes d’Enerfip ont plus que triplé en 2021” Julien Hostache : “Les collectes d’Enerfip ont plus que triplé en 2021” Après avoir lancé un marché secondaire cet été, la plateforme de financement alternatif pour les projets d’énergies renouvelables Enerfip a ouvert un bureau à Madrid. Avec l’agrément européen de PSFP en cours d’obtention, l’entreprise montpelliéraine veut profiter de l’opportunité réglementaire pour étendre son activité en Europe, explique à mind Fintech Julien Hostache, cofondateur et directeur général d’Enerfip. Par Caroline Soutarson. Publié le 02 novembre 2022 à 18h00 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h50 Ressources Huit ans après la création de la plateforme de crowdfunding pour les projets d’énergies renouvelables (ERN) Enerfip, quel bilan faites-vous de votre activité ? Notre première collecte a commencé en septembre 2015, cinq mois après que nous ayons obtenu notre agrément de conseiller en investissements participatifs (CIP). Depuis, plus de 250 projets ont été financés via notre plateforme, pour un montant cumulé de plus de 270 millions d’euros. Près de 40 000 clients sont inscrits sur notre plateforme. Au regard de la taille du marché du financement participatif, c’est bien. Mais à l’échelle de la France, c’est encore peu. Durant ces dernières années, nous avons construit les fondations, mais tout reste à faire. Quelle est la répartition entre vos clients particuliers et professionnels ? Une vingtaine de collectivités a investi chez Enerfip à ce jour, ainsi que quelques entreprises. Des PME essentiellement, mais également des sociétés plus grandes qui y placent une partie de leur trésorerie. Les personnes morales restent toutefois minoritaires sur la plateforme. Sur les 270 millions d’euros financés, 220 millions proviennent de personnes physiques [soit 81 % des collectes, Ndlr]. Quels leviers d’acquisition avez-vous mis en place pour attirer les investisseurs ? Les partenariats avec des sociétés sont nos canaux privilégiés. Nous en avons par exemple noué avec 17 caisses régionales du Crédit Agricole (sur 39) et une Caisse d’Epargne. D’ailleurs, le Crédit Agricole Languedoc détient 14 % de notre capital. Via ces acteurs bancaires, nous touchons des clients finaux qui aspirent à détenir des investissements énergétiques ou à diversifier leur épargne. Nous avons également signé un partenariat avec un ilek, un fournisseur d’électricité provenant d’énergies renouvelables. Ses clients ont donc déjà un intérêt pour notre thématique d’investissement. Au niveau local, nos services de communication peuvent être amenés à envoyer des courriers d’information aux habitants, à propos d’un projet à venir sur un territoire donné, ou à participer à des réunions publiques, souvent à la demande des collectivités territoriales qui veulent impliquer leurs populations dans les projets de transition énergétique. Comment comptez-vous vous y prendre pour convaincre une plus large partie de la population ? Le Covid a déjà eu un impact. Les Français ont épargné de manière significative durant la crise sanitaire, tout en s’intéressant à la question de l’efficacité énergétique. Il y a une volonté de faire quelque chose, de se questionner sur ce que finance notre épargne. Ces dynamiques ont permis de dynamiser notre activité. Fin 2020, nous avions collecté 32 millions d’euros. Fin 2021, la collecte a plus que triplé puisque nous avons atteint 103 millions d’euros. Et en 2022, nous avions déjà dépassé ce cap fin août (105 millions d’euros). [Les montants cités par Julien Hostache ne correspondent pas exactement aux indicateurs publiés sur le site de la plateforme en raison de différences de méthodologies de calcul sur les projets réalisés à cheval sur deux années, Ndlr] Pour continuer à croître, nous considérons qu’il faut faire monter les gens en compétences, à la fois sur les questions énergétiques mais sur la finance aussi. Cette hausse provient-elle d’une forte augmentation du nombre de projets lancés ? Ce n’est pas tant une hausse du nombre de projets [sur son site, l’entreprise indique avoir financé 57 projets en 2021, contre 44 en 2020 mais 54 en 2019 pour environ 18 millions d’euros, Ndlr] que celle du montant moyen par collecte. Il y a trois ans, il était d’environ 300 000 euros tandis qu’aujourd’hui, le montant moyen se situe entre 1,5 et 2 millions d’euros. À la suite de la crise sanitaire, il y a eu des inquiétudes dans le secteur du financement alternatif quant au remboursement des campagnes et d’éventuels retards de paiement. Qu’en est-il ? Sur notre segment de marché, il n’y a pas eu d’effet notable sur les remboursements. La question du plafond pour les projets de crowdfunding a été débattue au niveau européen. Alors que le montant maximum de collecte était jusque-là fixé à 8 millions d’euros en France, il a été fixé à 5 millions dans la réglementation européenne. Est-ce problématique pour votre activité ? Le problème s’est déjà posé par le passé, pour des collectes supérieures à 8 millions d’euros. Dans ce cas-là, nous trouvons des voies connexes pour s’en affranchir. Malgré la réduction, la réglementation européenne n’est pas un recul. C’est formidable d’avoir réalisé un cadre harmonisé. Comment les acteurs français du crowdfunding se préparent à la nouvelle donne réglementaire Quelles sont ces voies qui permettent de s’affranchir du seuil maximal de collecte ? La réglementation nationale permet d’aller au-delà lorsque nous nous adressons à des investisseurs qualifiés qui ont la capacité de prendre des risques. Dans cette typologie, le financement est limité à 150 personnes mais ne peut pas faire l’objet d’un appel public. En revanche, le cumul des deux opérations (crowdfunding et émissions privées) est possible. Initialement prévu pour novembre 2022, la nouvelle législation européenne bénéficie finalement d’une année transitoire supplémentaire accordée par la Commission européenne pour se mettre en ordre de marche. D’ici là, les plateformes peuvent continuer à fournir des services de financement participatif conformément au droit national. Où en êtes-vous dans le processus de candidature à l’agrément de prestataire de services de financement participatif (PSFP) ? La date butoir initiale a été repoussée car les autorités régulatrices n’étaient pas prêtes à suivre l’ensemble des demandes. De notre côté, nous avons déposé notre dossier. Allez-vous utiliser ce nouveau cadre pour vous internationaliser ? En tant que CIP, nous avons déjà pu porter des projets en Europe (Portugal, Espagne, Italie, Roumanie) et même au-delà (Japon, États-Unis, Rwanda), même si nous étions contraints en termes de démarchage des investisseurs. Nous ne pouvions adresser que les investisseurs francophones puisque nous ne pouvions pas proposer le site dans une autre langue. Mais oui, nous allons saisir l’opportunité de cette réglementation. Nous avons inauguré notre premier bureau à Madrid le mois dernier. En Espagne, les politiques sont avantageuses pour notre activité et le marché est déjà sensibilisé à notre démarche. Via ce bureau, nous nous intéresserons aussi au marché portugais. Nous gardons également l’option d’ouvrir un autre bureau à l’étranger. Nous regardons l’Europe du Nord, de l’Est et la Grèce. Nous avons réalisé un gros travail d’analyse des pays membres de l’Union européenne. Notre cartographie finale indique que nous sommes le plus grand acteur de ce segment de marché dans cette zone géographique. Le second est Green Rocket, une plateforme autrichienne [qui revendique sur son site 38 millions d’investisseurs inscrits, plus de 300 projets financés pour un montant global de 153 millions d’euros investis, Ndlr]. En France, comment vous différenciez-vous de vos concurrents comme Lendosphere ou Lumo ? En premier lieu, mes cofondateurs et moi estimons que nos expériences d’anciens développeurs de projets d’énergies renouvelables est un avantage. Nous connaissons très bien les problèmes des porteurs de projets et savons répondre à leurs besoins. Côté utilisateurs, nous avons notre équipe de développeurs en interne et deux personnes dédiées à l’UX/UI [expérience utilisateur/interface utilisateur, Ndlr]. En termes de services, nous proposons aussi un livret pour mineur depuis 2017, un produit que nous sommes les seuls à avoir lancé, ainsi qu’un marché secondaire que nous avons lancé il y a quelques mois après trois ans de travail. En permettant la vente et l’achat de titres, nous octroyons de la liquidité à nos utilisateurs. Trois ans de travail sur ce marché secondaire… Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans sa construction ? Il y a des contraintes réglementaires. Nous n’avons par exemple pas le droit de prendre des frais sur les échanges de gré à gré. Il a également fallu sécuriser la plateforme pour les parties prenantes via les livrets Enerfip, avec des contrats en bonne et due forme. Vous avez donc travaillé trois ans sur un projet qui ne vous rapporte rien financièrement ? C’est exact. Le marché secondaire a été créé pour améliorer l’expérience des utilisateurs de la plateforme. Il y a déjà eu plus de 400 échanges sur ce marché depuis son lancement [à l’été 2022, Nldr]. Quels sont vos résultats financiers ? L’an dernier, nous avons réalisé un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros pour un bénéfice net de 500 000 euros. Nous avons été à l’équilibre en 2020, puis avons enregistré des bénéfices en 2021. Combien de collaborateurs comptez-vous ? Nous en avons 25 et 10 recrutements sont en cours. Nous avons embauché notre responsable pour l’Espagne en la personne d’Eduardo Calderon, qui est accompagné de Lou Sarie [au poste de chef de projet, qu’elle occupait déjà à Montpellier, Ndlr]. En fonction des résultats dans les prochains mois, le bureau madrilène pourrait compter deux salariés de plus à fin 2023. La hausse des prix de l’énergie et plus globalement les tensions sur le marché ont-elles des répercussions sur votre activité ? Le contexte inflationniste a deux effets. Nous voyons des maturités de projets plus courtes avec des remboursements prévus à deux ou trois ans contre trois à quatre ans avant, dans un souci de liquidité pour les investisseurs. Les taux d’intérêt s’adaptent également. Nous avons des projets bientôt lancés qui vont offrir des taux de 6, voire 7 %, contre 4 à 5,5 % ces dernières années. [Rectificatif : lors de l’entretien, “plus de 250 projets” avaient été financés via Enerfip et non “450”] Caroline Soutarson crowdfunding Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Crowdfunding : Enerfip lancera un marché secondaire en 2022 Quel est le profil des 195 plateformes de crowdfunding françaises ? Comment Lumo s’intègre au groupe Société Générale 12 plateformes de crowdfunding sont autorisées à labelliser des "projets verts"