Vision par ordinateur : Tractable veut accélérer en France

Cofondée en 2014 par Alex Dalyac (CEO), Razvan Ranca (CTO) et Adrien Cohen (président), la société britannique Tractable a annoncé fin février une augmentation de capital de 25 millions de dollars en Série C. Le tour de table a été piloté par la société de capital-risque canadienne Georgian Partners, spécialiste des investissements dans l’intelligence artificielle (Integrate.ai, Reonomy, True Fit, etc.). Les investisseurs existants – Insight Partners et Ignition Partners – ont accompagné l’opération qui porte à 55 millions de dollars les fonds levés par Tractable depuis sa création. 

La start-up vient en aide aux assureurs pour accélérer le cycle de gestion d’un sinistre automobile. Son moteur de deep learning actionne des services cloud qui s’intègrent dans les flux de travail existants pour simplifier et automatiser l’inspection et l’estimation des dégâts d’un véhicule. La technologie développée par Tractable repose sur la vision par ordinateur. 

L’injection de plusieurs dizaines de millions de photos de sinistres pour entraîner le modèle, associée à une technologie d’étiquetage brevetée, donne à la solution la faculté de produire une recommandation sur l’action à effectuer (remplacement, réparation) et une estimation granulaire des dégâts grâce à l’association de données externes. 

“Ce qui distingue notre solution, c’est qu’elle peut expliquer ses décisions et préciser son niveau de confiance pour une analyse donnée, explique à mind Fintech Adrien Cohen, président de Tractable. Nous estimons que notre IA est capable, sur 100 cas, d’être comparable au meilleur niveau de l’humain pour 80 d’entre eux”. Cela concerne avant tout des dégâts d’une sévérité faible à modérée ou des pertes totales, alors que les dommages structuraux nécessitent une intervention humaine poussée. 

Apporter de la valeur à l’ensemble de l’écosystème

Pour les assureurs, la solution représente un levier d’efficacité dans le traitement d’un premier avis de sinistre (FNOL). Mais l’ambition de Tractable est d’apporter de la valeur à l’ensemble de l’écosystème : assurés, experts, réseaux de réparations, etc. “Aux Etats-Unis, nous avons noué des partenariats avec des épavistes pour optimiser la gestion des pièces de réemploi”, note Adrien Cohen. 

A ce jour, Tractable a analysé plus d’un million de sinistres. La start-up est présente dans neuf pays : Etats-Unis, Canada, France, Royaume-Uni, Pologne, Espagne, Portugal, Japon et Belgique. Elle compte une centaine de salariés, dont 80 en Europe et 50 dans la R&D au sens large, tous basés à Londres. La particularité de la société est qu’elle regroupe des experts de la technologie (machine learning) et des experts métiers (assurance, ingéniérie automobile…). Elle vient par exemple de nommer Jimmy Spears, un ex-responsable de la gestion des sinistres auto chez USAA, au poste de responsable des activités automobiles en Amérique du nord.

Cette prise en compte des besoins métiers se ressent d’ailleurs dans le processus de déploiement de la solution. Une phase initiale de calibration, d’une durée de 1 à 2 mois, permet de comparer les performances de la solution avec celles des équipes de l’assureur sur la base de données historiques et de s’accorder sur des standards d’estimation. Une seconde phase de 3 à 4 mois permet de tester la solution sur des flux de travail existants et de commencer à capter de la valeur. La solution peut enfin être déployée en production 4 à 6 mois après le lancement du projet. “Nos clients enregistrent un ROI dès la fin de la première année”, assure Adrien Cohen. La phase de mise en oeuvre fait l’objet d’une facturation au forfait puis le modèle de souscription varie en fonction du volume de cas analysés. 

Tractable revendique une quinzaine de clients en production, dont Covéa en France, Tokio Marine au Japon et Talanx-Warta en Pologne. En France, la société a nommé début 2020 Nicolas Kaploun, un ancien de FRISS et Salesforce, au poste de responsable du développement. “Nous observons en France un énorme appétit pour le type de technologie que nous déployons et une très bonne compréhension de l’impact que cela peut avoir”, se réjouit Adrien Cohen.