Accueil > Services bancaires > Comment les banques privées mêlent services numériques et relation humaine Comment les banques privées mêlent services numériques et relation humaine L’un des attraits de la banque privée réside dans la relation étroite que les conseillers bancaires nouent avec leur clientèle. Toutefois, les clients exigent aujourd’hui aussi d’avoir accès à un certain nombre de fonctionnalités numériques en parallèle. mind Fintech s’intéresse à la manière dont les banques privées conjuguent ces demandes tout en conservant leurs spécificités par rapport à la banque de détail. Par Caroline Soutarson. Publié le 09 février 2023 à 7h00 - Mis à jour le 10 février 2023 à 10h01 Ressources Les points clés Les banques privées de réseau sont plus avancées dans leur transformation numérique que leurs concurrentes indépendantes. Du fait d’une clientèle aisée souvent multi-bancarisée et qui investit, l’agrégation de comptes et le robo-advisory font partie des services digitaux adoptés par les banques privées. Les banques privées sont plutôt frileuses envers l’investissement en cryptoactifs La transformation numérique des banques privées bat son plein dans l’Hexagone, en accélération depuis la crise sanitaire. Quel est l’impact de cette tendance sur le rôle du conseiller ? Quels services se digitalisent ? La transformation numérique des banques privées rend-elle plus floue la frontière avec les banques grand public ? mind Fintech fait le point sur la transformation des banques privées en France. Les banques privées de réseau en avance sur la digitalisation Tout d’abord, “toutes les banques privées ne partent pas de la même situation, rappelle Isabelle Guyot-Sionnest, fondatrice et directrice associée d’amGroup, un cabinet de conseil en gestion de patrimoine. Les banques privées de réseau (BNP Paribas Wealth Management, Société Générale Private Banking, CIC Banque Privée…) se sont appuyées sur les outils de leur réseau, tandis que les pure players (Edmond de Rothschild, Lazard, Rothschild Martin Maurel…) ont dû lancer des investissements de zéro. Enfin, il y a les filiales françaises de banques étrangères (Lombard Odier, Neuflize OBC…) qui ont bénéficié des systèmes d’informations et des investissements digitaux de leurs maisons-mères.” Les banques de réseau, chahutées depuis près de dix ans par les challengers et néobanques, ont en effet entamé la digitalisation de leurs services depuis un certain temps. “LCL Banque privée a l’avantage de faire partie du groupe Crédit Agricole et de LCL où les investissements IT profitent à l’ensemble des clientèles, banque privée et gestion de fortune comprises”, fait remarquer son directeur Régis Abgrall. Même son de cloche chez SGPB ou BNP Paribas Wealth Management (BNP Paribas Banque Privée en France). “Nous avons des attentes similaires en termes de transformation digitale chez BNP Paribas Wealth Management et dans la banque de réseau via notre plan stratégique à horizon 2025, sur lesquelles nous pouvons bien sûr mutualiser les efforts. Mais nous avons également des besoins différents en termes d’offres, comme avec notre portail dédié aux investissements dans les actifs privés lancé auprès de la clientèle fortunée, illustre Mariam Rassaï, responsable du digital et des données. Ce dernier répond à un “pain point” des clients, qui recevaient des reportings en pièces jointes par mail”. BNP Paribas Wealth Management déploie une plateforme dédiée aux actifs privés Chez Neuflize OBC, “nous bénéficions des moyens financiers et techniques de notre actionnaire ABN Amro [sa maison-mère, Ndlr], leviers essentiels dans notre transformation digitale”, justifie Paul Beurdeley, DRH et responsable de la communication externe de l’entité. Capter une clientèle plus jeune Si les banques de réseau sont plus avancées, l’ensemble des banques privées investit toutefois dans la transformation de leurs interfaces. “La nouvelle génération de clients ne pourrait pas envisager de ne pas avoir accès aux canaux en ligne. Même en banque privée, cela fait dorénavant partie des services qu’une banque doit offrir”, affirme Nathalie Charcosset, chargée des projets digitaux chez Neuflize OBC. Pour Milleis Banque Privée (ex-Barclays France), le numérique est un argument pour toucher les plus jeunes. “Nous misons sur l’innovation de nos produits et des codes épurés pour recruter des clients plus jeunes (nos nouveaux clients sont âgés de 50 ans), pour lesquels la digitalisation est davantage entrée dans les mœurs”, informe Catherine Soubirou, directrice marketing et communication de la banque. Milleis a la particularité de s’être positionnée, dès son lancement, comme un modèle hybride. “Nous voulons que le client ait un maximum d’interactions en ligne avec la banque mais sur la durée, le conseiller est le chef d’orchestre de la relation”, déclarait en 2018 Philippe Vayssettes, alors directeur général de Milleis. “Dans une logique de co-construction, BNP Paribas Banque Privée met à disposition de ses clients et de ses collaborateurs une plateforme collaborative, Le Cercle des Influenceurs, [lancée en 2017, Ndlr] pour qu’ils soient sources de propositions de nouveaux services”, explique Isabelle Guyot-Sionnest, et testent auprès d’eux les nouvelles fonctionnalités à l’étude. Le Covid a accéléré le développement des rendez-vous visio “Le processus de digitalisation s’est accéléré avec le Covid”, observe Isabelle Guyot-Sionnest. Et avec, les rendez-vous à distance. Si les conseillers bancaires des banques privées étaient déjà habitués aux rendez-vous téléphoniques, en agence ou à se déplacer pour rencontrer leur client, la visio n’était généralement pas encore déployée. “Nous avons développé les entretiens en visioconférence durant la période Covid, indique Régis Abgrall, du LCL. Nous souhaitons d’ailleurs intensifier ce type d’entretien. Les rendez-vous par téléphone sont extrêmement pratiques mais la visio apporte plus de proximité et d’efficacité avec des échanges plus fluides, du partage de documents et de la signature en ligne.” “Nos clients n’utilisent pas plus nos plateformes de consultation des comptes mais privilégient désormais la visio pour leur rendez-vous avec leur banquier, déclare Laurent Bastin, CEO d’Oddo BHF. 50 % de nos rendez-vous avec les clients se font en visio aujourd’hui.” Malgré cette évolution post-Covid, l’humain et le présentiel gardent un rôle clé dans les banques privées, notamment au moment de l’entrée en relation. “Lors de la prospection chez Neuflize OBC – que ce soit des discussions avec un prospect ou les premiers échanges avec un client -, nous donnons rendez-vous en physique afin de créer un lien de confiance. Plusieurs rendez-vous ou échanges peuvent être nécessaires pour comprendre le client et définir ses besoins en termes de produits et services à apporter. Par la suite, le téléphone et les mails restent les canaux majoritaires à ce jour. La visio, canal plus largement utilisé pendant les confinements, a démontré son intérêt lorsqu’un expert doit se joindre à la conversation”, segmente Nathalie Charcosset. Comme dans la banque de détail, l’augmentation de l’utilisation des services à distance et la diminution de la fréquentation des agences se dessinent dans la banque privée. “Certains clients ne viennent jamais. Leur façon de consommer la banque est relationnelle mais à distance, avec plus d’autonomie. Nous mesurons le niveau d’activité des conseillers pour être sûr que tous nos clients soient régulièrement contactés”, signale le directeur de LCL Banque privée. Pour accompagner cette tendance, BNP Paribas Banque Privée propose depuis 2019 une offre de banque privée à distance (e-Private), grâce à laquelle le client peut échanger avec son conseiller et les experts de la banque 6 jours sur 7. Signature électronique Pour répondre à ces nouveaux usages, la signature électronique est devenue indispensable. Edmond de Rothschild, qui prône la place essentielle du conseiller, “a fluidifié et simplifié les processus digitaux, notamment grâce à la signature électronique”, assure Thierry Aubert, directeur général adjoint d’Edmond de Rothschild France. “Le recours à [la société américaine, Ndlr] DocuSign aide à réduire les délais de réponse aux clients et a augmenté la sécurité de nos systèmes d’informations avec un processus avancé d’authentification”, décrit Mariam Rassaï. DocuSign est également l’outil de signature électronique utilisé par Milleis qui le désigne désormais comme : “un fondamental de la relation à distance, une manière de finir la souscription des produits en digital. Sur les 24 derniers mois, nos ventes de produits en signature électronique sont passées de 20 à 45 %”, illustre Catherine Soubirou. Agrégation de comptes La clientèle des banques privées étant aisée et souvent multi-bancarisée, les outils d’agrégation de comptes sont proposés par la plupart des acteurs du marché. Depuis cinq ans, Milleis recourt aux services de Bridge pour proposer son service d’agrégation de comptes. La fonctionnalité est également présente sur l’application mobile du LCL, comme chez 79 % des banques traditionnelles en France (voir notre benchmark des fonctionnalités des applications mobiles bancaires 2023). LCL Banque privée fait appel à Linxo ,“filiale du Crédit Agricole”, précise Régis Abgrall, à la suite de son rachat par le Crédit Agricole en 2020. Société Générale Private Banking a de son côté développé sa propre solution Mon Patrimoine. Elle permet au client de la banque privée de visualiser au même endroit l’ensemble de ses actifs financiers, non financiers, crédits… quelle que soit l’origine des actifs, à l’exception pour l’instant des cryptoactifs. Robo-advisory Une fonctionnalité qui a également du sens pour la clientèle privée est le robo-advisory. Néanmoins, toutes les banques privées ne sont pas prêtes à troquer leurs conseillers en investissement contre un algorithme automatisé. “Pendant longtemps, le client avait le choix entre la gestion libre et la gestion discrétionnaire. La gestion conseillée s’est répandue sous l’impulsion de MIF 2, ce qui a conduit à réserver les conseillers humains à la clientèle la plus fortunée tandis que le segment entrée de gamme de la gestion de fortune a été adressé par des robo-advisors, acquis ou développés par les banques”, expose Isabelle Guyot-Sionnest. Selon la consultante, les banques privées indépendantes sont celles qui se sont le moins saisies du sujet. Mais toutes les banques privées de réseau n’ont pas (encore) passé le cap non plus. “Le robo-advisory présente des intérêts. Notre gestionnaire d’actifs Amundi [qui a racheté le robo-advisor français WeSave en 2019 puis l’Autrichien Savity en 2022, Ndlr] y a recours pour les plans d’épargne entreprise (PEE) que nous proposons aux clients entreprises de la banque. Il est moins adapté à la notion de “gestion privée” où la dimension relationnelle est primordiale et relève davantage de segments au patrimoine moins diversifié. Nous disposons néanmoins d’outils d’aide à la décision en interne et nous appuyons sur nos experts et plus de 600 commerciaux plus avisés dans notre réseau, justifie Régis Abgrall. En outre, nous n’avons pas reçu de sollicitation de nos clients sur ce sujet.” Vision similaire chez Neuflize : l’innovation est saluée mais n’a pas vocation à s’introduire dans son offre. “Les robo-advisors s’adressent essentiellement à une clientèle traditionnellement peu servie par les banques privées et pour laquelle une offre sur-mesure n’est pas adaptée. Leur arrivée n’a d’ailleurs provoqué ni vague de départs ni fuite de capitaux chez nous. La nécessité d’une intégration ne s’est par conséquent pas posée”, résume Paul Beurdeley. Les robo-advisors BtoC captent une clientèle moins fortunée que celle des banques privées Durant les années 2010, les robo-advisors WeSave, Yomoni ou encore Nalo se sont lancés sur le marché français dans l’espoir de s’attaquer au marché de la banque privée. Arguments avancés pour attirer les clients fortunés : la réduction des coûts pour l’investisseur en passant par de la gestion passive, de l’automatisation et la digitalisation du service. Toutefois, bien que ces fintech existent toujours, elles sont loin d’avoir dérobé la clientèle de ces institutions, comme le notifie Paul Beurdeley de Neuflize OBC. Avec des seuils d’entrée beaucoup plus abordables que les banques privées , les robo-advisors ont toutefois réussi à démocratiser le conseil en investissement. Leurs “solutions 1 00% digitales à mi-chemin entre des offres premium de banque de détail et des offres basiques de banque privée”, définissait une étude d’Aurexia de 2019, ainsi que des seuils d’entrée abordables (de 50 à 1 000 euros en fonction des acteurs) leur ont permis de capter des épargnants sous-servis par les banques grand public (lire notre dossier “Épargne : comment la crise sanitaire a accéléré l’adoption du conseil digitalisé”). En revanche, le tout digital ne semble pas avoir convaincu. “23 000 appels ont été reçus par le service client l’an dernier”, confiait à mind Fintech Sébastien d’Ornano, président de Yomoni, sur 60 000 mandats en cours (lire notre article sur les performances de Yomoni en 2022). Et l’ensemble des robo-advisors BtoC offrent finalement un accès à des conseillers humains, en plus de leurs algorithmes. Le fondateur et président de Meyon Ludovic Farnault a réalisé le même constat et a lancé sa plateforme de banque privée en ligne en septembre 2022 avec des conseillers experts humains en complément de l’expérience numérique. SGPB a opéré le choix inverse avec le développement en interne de Synoé, “une solution digitale de conseil en arbitrage en assurance vie” pour les épargnants en gestion libre, définissait la responsable marketing et solutions client Emilie Chauvet à mind Fintech en avril 2022. “Avec la volatilité et les actualités de marché, certains ont besoin d’un accompagnement sans toutefois déléguer la gestion. D’autres, également en gestion libre, ne sont pas forcément réactifs et se servent du service pour avoir un suivi plus régulier. Enfin, Synoé intéresse des clients à l’allocation sécuritaire et peu diversifiée qui réalisent que les rendements offerts par les fonds en euros ne suffisent plus et souhaitent diversifier leur allocation tout en étant accompagnés”, observait-elle. Convaincue par les résultats de Synoé, SGPB s’est même lancée dans la construction d’une solution sœur, Coach financier, un service moins pointu mais gratuit qui remplit d’autres objectifs. Parmi ses évolutions possibles, une adaptation à la banque de réseau, signalait Emilie Chauvet, preuve que si la transformation numérique des banques privées de réseau s’appuie parfois sur les solutions des banques grand public, le mouvement inverse est aussi possible. Comment Société Générale Private Banking accompagne ses clients en gestion libre avec Synoé Les banques privées du groupe BPCE ont elles opté pour une solution externe en déployant auprès de leurs clients la solution MoneyPitch d’Harvest qui, en plus de proposer de l’agrégation de comptes et du suivi de placements, donne des conseils en investissement. Quant à BNP Paribas Wealth Management, elle s’est contentée du rachat par le groupe de Gambit Financial Solutions en 2017, afin de bâtir sa solution de conseil en investissement myMand@te, lancée en 2019, afin de lancer “une solution de gestion déléguée personnalisée”, évoque Mariam Rassaï. “A la différence de certaines autres banques privées, Neuflize OBC ne bénéficie d’aucun réseau de banque de détail en France. Notre seuil d’accès est fixé à un million d’euros. Nous ne cherchons pas à capter de nouvelles clientèles au travers de robo-advisors”, compare Paul Beurdeley de Neuflize OBC. La banque privée de BNP Paribas recoupe en effet “un segment de clientèle qui vient du réseau avec un ticket d’entrée à 250 000 euros et un segment gestion de fortune à partir de 5 millions d’euros”, détaille Mariam Rassaï. L’avènement des podcasts Enfin, dernière brique digitale assez commune aux banques privées de notre panel : la mise à disposition de contenus informationnels. LCL Banque privée a sorti une application en 2016 : “Actu Patrimoine”, sur laquelle les utilisateurs retrouvent “des contenus d’actualité (articles ou vidéos) comme notre vision des sujets patrimoniaux du moment (loi de finance 2023 par exemple) ou des podcasts enregistrés avec nos experts (sur l’IFI, la visibilité sur les fonds de développement durable, etc.). Lors du début de la crise russo-ukrainienne, nous avons mis en avant les raisons pour lesquelles nous changions les allocations des fonds”, expose Régis Abgrall. Cette application dédiée remplit un double objectif, selon Régis Abgrall. Pour les clients, c’est l’acquisition de renseignements de manière efficace. “Un conseiller humain ne pourrait pas passer un tel temps d’explication avec chacun de ses clients, ce n’est pas envisageable. Par contre, il est là pour découvrir le besoin du client et l’orienter vers les contenus les plus pertinents par rapport à sa situation. En outre, ces contenus permettent aussi de mettre en valeur l’ensemble de nos expertises”. Comment de nouveaux médias numériques contribuent à l’éducation financière Plusieurs des banques privées que nous avons interrogées en sont arrivées à ce même constat. Dans le cadre de son plan stratégique à horizon 2020, BNP Paribas Wealth Management a en effet ajouté une fonctionnalité de veille à sa plateforme digitale myWealth (qui permet entre autres de voir ses investissements en portefeuille, de trader, de discuter avec des experts via un chat privé, etc.). Un service qui a même eu le droit à sa propre application, Voice of Wealth, dédiée à l’information financière et aux stratégies d’investissement et dotée de contenus vidéos, podcasts, articles, données de marché… En outre, la banque a lancé en 2022 son Private Assets Portal, qui consiste entre autres à fournir une vision à 360° et en continu du portefeuille d’investissement dans les actifs privés (private equity, immobilier, infrastructure), de notifier le client lorsqu’une nouvelle information relative à l’un de ses investissements est disponible et d’apporter des contenus pédagogiques (vidéos, articles…) sur des actifs par nature illiquides et dont la détention se pense sur le long terme. Le portail a essentiellement un but informatif (reporting, suivi des performances, etc.). ESG La digitalisation permet également d’aller plus loin dans la prise en compte des critères extra-financiers dans l’investissement. “Nous avons développé en interne la solution myImpact, qui permet d’interagir avec nos clients sur les sujets ESG et de mieux comprendre leur appétence par rapport aux 17 objectifs de développement durable de l’ONU”, décrit Mariam Rassaï. Si la solution se rapproche actuellement d’un profilage KYC en réponse aux questionnaires réglementaires MiFID, BNP Paribas Wealth Management veut la faire évoluer vers un outil de recommandations personnalisées. La réglementation est, de manière générale, une grande source de digitalisation pour les banques privées. Pour la plupart, c’est même par ce biais qu’elles ont commencé (voir encadré). La transformation digitale interne guidée par la réglementation MIF 2 “Les banques privées ont entamé leur digitalisation avec plus ou moins de motivation avant la période Covid pour répondre à deux grands enjeux : l’expérience utilisateur et redonner du temps commercial au banquier privé qui consacrait, avant la transformation, jusqu’à 70 % de son temps à du réglementaire et du reporting”, analyse Isabelle Guyot-Sionnest. “Nous avons fait face à une complexification des processus en raison de la mise en œuvre de nouvelles réglementations (MIF 2, DDA…). Afin de préserver la qualité de l’expérience client, de limiter les risques d’erreurs et de réduire les délais de traitement, la digitalisation des process s’est imposée”, déclare Thierry Aubert. Un constat observé par l’ensemble du secteur. L’augmentation des contrôles et des ressaisies a non seulement occasionné une perte de temps pour les conseillers, mais a aussi augmenté le nombre d’erreurs, sans compter la transmission de documents papier, expliquent les experts bancaires. La mise en place de workflows s’est par conséquent imposée dans les banques privées. “Historiquement, les demandes clients émises par mail, par téléphone ou en physique étaient traitées en interne via des emails et/ou des documents papier qui circulaient d’une équipe à une autre. Pour éviter ces transmissions, la digitalisation des processus (workflows) permet à chaque équipe d’intervenir au moment opportun dans le traitement d’une demande client. Cette organisation permet de mesurer les délais de traitement d’une demande et d’indiquer au client le temps sous lequel il peut espérer obtenir une réponse”, étaye Nathalie Charcosset. Chez Oddo Bhf, “nous avons mis en place des solutions numériques pour les processus internes et notamment un CRM. Nous utilisons désormais tous des outils collaboratifs, notamment en gestion de projet et en communication entre collaborateurs […]. Les études clients et internes montrent une amélioration de la satisfaction des clients (NPS) et des collaborateurs. Tous les process ont gagné en temps et en qualité”, assure Laurent Bastin. Chez Edmond de Rothschild, plusieurs chantiers ont été menés en ce sens, pour la gestion des clients d’une part, mais aussi pour les partenaires : “En complément de la refonte de notre CRM qui comprend l’ensemble de nos initiatives en matière de relation client, nous avons aussi co-construit avec [l’éditeur de logiciels pour les sociétés financières, Ndlr] Upsideo une plateforme digitale de distribution d’assurances vie en architecture ouverte auprès de nos partenaires”, indique Thierry Aubert. Personnalisation La tendance a néanmoins changé et la digitalisation n’est plus contrainte et forcée par la réglementation mais un enjeu stratégique énoncé par les banques privées. Parmi les points d’amélioration sur le sujet, la digitalisation du conseil, au-delà des arbitrages d’allocations d’actifs. “Nous n’avons pas encore trouvé les solutions pour le conseil en stratégie fiscale, familiale, patrimoniale”, concède Régis Abgrall. “Nous souhaitons élargir notre offre dans le conseil […]. La digitalisation du crédit est également l’un de nos chantiers”, confie Thierry Aubert chez Edmond de Rothschild. Plusieurs autres banques de notre panel réfléchissent elles aussi à la digitalisation du crédit, notamment immobilier. Des solutions plus spécifiques et avec plus de personnalisation sont aussi à l’étude. “Dans notre plan stratégique à horizon 2025, nous avons l’ambition de nous spécialiser davantage dans les services proposés, comme avec notre portail pour les actifs privés. Parmi nos projets à venir, nous travaillons sur l’expérience transactionnelle de trading pour nos clients”, décrit Mariam Rassaï. Chez Milleis, la personnalisation pourrait passer par la recommandation de produits. “Nous voulons nous appuyer sur les données de connaissance client pour davantage segmenter les utilisateurs et recommander des produits financiers en fonction de son profil”, souhaite Julien Calvar, COO et CTO de Milleis Banque Privée. Oddo Bhf quant à elle veut accentuer son travail sur les données, ainsi que “refondre notre outil de gestion sous mandat”, rapporte Laurent Bastin. Peu d’incursions dans les services liés aux cryptoactifs Dans leur transformation digitale, un enjeu n’a pas encore été totalement saisi par les banques privées : les services sur actifs numériques. Selon les acteurs interrogés par mind Fintech, il n’y a pour l’instant pas de forte demande des clients fortunés pour cette classe d’actifs, des questionnements tout au plus. “Aujourd’hui, les banques n’y vont pas. Nos clients nous interrogent – avec un intérêt plus marqué chez les jeunes. Mais nous sommes très prudents, notamment avec les événements des derniers mois. Nous n’avons pas suffisamment de maîtrise historique, déclare Régis Abgrall du LCL qui souligne les “efforts menés par le secteur financier sur la façon d’anticiper les risques de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, ce qui est un gage plutôt rassurant.” Comportement similaire chez Milleis qui se veut pourtant être une banque privée plus tournée vers le digital et les jeunes. “Les clients nous demandent ce que nous pensons des cryptoactifs mais ne nous demandent pas de produits d’investissement. De notre côté, nous considérons qu’il y a une certaine dangerosité associée, nous ne conseillons pas d’y investir. Néanmoins, nous restons en éveil sur ces nouveaux types d’investissements et leurs évolutions”, informe Julien Calvar de Milleis. Selon Isabelle Guyot-Sionnest, la banque privée la plus avancée sur le sujet est Oddo Bhf. “La place est très partagée sur les crypto : beaucoup de banques ont décidé de ne pas y aller. Quelques-unes, proactives, s’y intéressent : Oddo Bhf, Société Générale Private Banking, Delubac [qui est enregistrée en tant que prestataire de services sur actifs numériques auprès de l’AMF, Ndlr]… Oddo Bhf, déjà pionnière sur le digital, a décidé d’entrer au capital de Coinhouse pour mieux comprendre les technologies blockchain, leur impact sur l’industrie financière, et ainsi évaluer le potentiel du marché des cryptoactifs.” Interrogée par mind Fintech sur la question, la banque Oddo préfère ne pas commenter sa stratégie en matière de cryptoactifs. Lors de la levée de fonds de 40 millions d’euros de Coinhouse en juin 2022 (dans laquelle la banque privée aurait investi 8 millions, selon le média spécialisé The Big Whale), le chief transformation & development officer d’Oddo Benoît Claveranne déclarait : “nous sommes convaincus que les technologies blockchain vont redéfinir les contours de nombreuses industries, dont la finance”. En janvier 2023, le CEO de Coinhouse Nicolas Louvet expliquait à The Big Whale que le partenariat avec l’entité franco-allemande avait pour “but de faciliter la distribution de produits cryptos et d’accéder à des plateformes de conseillers en gestion de patrimoine (CGP)”. Le digital augmente la valeur ajoutée du conseiller pour le client Malgré le virage vers le digital, la mise en place de solutions numériques n’implique pas la fin du conseiller. Chez Edmond de Rothschild, “nous gardons un prisme banque privée : nos clients ne bénéficient pas d’une autonomie complète. Il y a un accompagnement systématique pour l’ingénierie patrimoniale, l’ingénierie financière, le corporate finance ou l’investissement”, soutient Thierry Aubert. “L’offre digitale vient renforcer l’interaction entre le client et la banque. Notre but n’est pas de remplacer le conseiller pour devenir 100 % digital”, explicite Paul Beurdeley. Caroline Soutarson agrégateurbanque privéecryptoactifrobo-advisorsignature électroniquetransformation digitale Besoin d’informations complémentaires ? 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