Accueil > Financement > Finance alternative > Crowdequity : les acteurs adaptent leur stratégie face à un marché restreint Crowdequity : les acteurs adaptent leur stratégie face à un marché restreint Anaxago et Wiseed diversifient leurs produits financiers tandis que Smartangels veut commercialiser des outils de gestion d’actionnariat et de reporting pour les entreprises. Par Aude Fredouelle. Publié le 19 janvier 2017 à 12h00 - Mis à jour le 19 janvier 2017 à 12h00 Ressources Face aux réalités du marché, les plateformes de crowdequity françaises entament une diversification de leur business model. Certes, les fonds recueillis par les plateformes de crowdfunding françaises (prêts, dons et equity) continuent de croître (296,8 millions d’euros en 2015 contre 152 millions d’euros en 2014, selon le baromètre de Financement Participatif France), même s’ils restent encore bien loin des montants du secteur au Royaume-Uni (3,2 milliards de livres en 2015, soit 3,7 milliards d’euros). Mais l’investissement dans les start-up reste un marché restreint (en France, 21 % des montants recueillis en 2015 selon FPF) et les plateformes sont conscientes que son expansion restera limitée. Sélection limitée des dossiers Comme les capitaux-risqueurs traditionnels, les plateformes ne peuvent multiplier le nombre d’entreprises financées, au risque d’en brader la qualité. Les trois plus gros acteurs du crowdequity dans l’Hexagone ont financé entre 15 et 20 entreprises en 2016. SmartAngels, par exemple, qui reçoit 1 200 à 1 500 dossiers par an, a permis à 22 sociétés de lever des fonds. Chez Wiseed, 4 analystes ont sélectionné 5 % des dossiers reçus. Anaxago, qui reçoit 500 à 800 dossiers par an, en a présenté une vingtaine à son comité d’investissement en 2016 pour finalement en sélectionner 15 (douze ont finalement réussi à lever des fonds). Le marché des souscripteurs privés est aussi limité Mais dénicher les perles rares des sociétés en demande de financement n’est pas le plus compliqué, assure Benoît Bazzocchi, président de SmartAngels : “Contrairement aux plateformes de crowdlending ou bien au crowdfunding immobilier, le coût d’acquisition d’un investisseur est plus élevé que celui d’une entreprise qui cherche des fonds. Nous avons beaucoup de flux entrants côté entreprises et nous n’investissons rien en marketing, alors que nous y sommes obligés, dans une moindre mesure, du côté investisseurs”. “Nous avons mis en place une nouvelle stratégie d’acquisition depuis quelques mois, avec une équipe dédiée, une politique beaucoup plus ciblée en webmarketing”, explique de son côté Stéphanie Savel, PDG de Wiseed. Et depuis début 2016, Smartangels a noué un partenariat avec Fortuneo pour attirer des investisseurs, notamment en permettant d’inscrire gratuitement des titres non cotés dans un PEA, PEA-PME. Benoît Bazzocchi assure que le bilan est “très positif”, sans donner plus de précisions. La quasi-totalité des sommes investies en crowdequity le sont par des investisseurs privés qui souhaitent financer “l’économie réelle” et diversifier leur épargne. Mais Joachim Dupont estime le marché du crowdequity à environ 20 000 souscripteurs (il en revendique 3 000 inscrits sur Anaxago) et les plateformes sont nombreuses sur le créneau (Happy Capital, Sowefund, Raizers, FinanceUtile…). Investisseurs institutionnels frileux Et ce n’est pas du côté des institutionnels que les plateformes françaises de crowdequity trouveront un relais de croissance, d’autant qu’aucune d’entre elle n’a encore assez de recul pour les rassurer. Lancé en 2009, Wiseed a financé 74 sociétés en equity et revendique une sortie positive (43 % de retour sur investissement en TRI annuel) mais a connu sept faillites. Depuis février 2012, 60 start-up ont levé sur SmartAngels, avec deux sorties positives (x3 et x1,5) et trois faillites. Et sur Anaxago, 52 sociétés ont été financées depuis janvier 2013, pour deux sorties (x2 et x6) et six faillites. Alors que les partenariats avec des institutionnels se multiplient dans le secteur du prêt aux entreprises, ils restent peu nombreux en equity. SmartAngels est parvenu à convaincre Allianz de mettre en place un fonds de 5 millions d’euros sur 5 ans qui investit un euro pour chaque euro apporté par un de ses clients sur les dossiers qui l’intéressent, et offre une garantie de liquidité en cas d’accident. Le fonds mis en place en 2015 représente aujourd’hui 5 à 10 % des montants investis sur la plateforme. “Il sera épuisé avant les cinq ans prévus”, commente Benoît Bazzocchi, qui espère que son partenaire renouvellera l’expérience. Anaxago a aussi noué un accord en 2014 avec le Fonds Régional de co-investissement de la Région Ile-de-France, qui lui permet d’investir une somme équivalente au montant global souscrit par les investisseurs privés dans les entreprises qui l’intéresse. Mais seuls deux dossiers ont depuis été financés par l’acteur (un troisième est en cours), précise le cofondateur d’Anaxago Joachim Dupont. Depuis 2015, la Caisse d’Épargne intègre la plateforme Happy Capital dans son dispositif d’accompagnement des start-up NéoBusiness, et Sowefund propose systématiquement d’investir aux côtés de professionnels du capital-risque. L’immobilier pour pallier le marché restreint du crowdequity En 2016, Anaxago a recueilli 9 millions en crowdequity, Smartangels environ 15 millions d’euros. Wiseed, qui ne communique pas encore sur son bilan 2016, a financé des start-up à hauteur de 10 millions d’euros en 2015. Les plateformes prélèvent en moyenne des commissions de 5 % à l’investisseur et 1 à 10 % à l’entreprise. Face à un marché restreint, les plateformes ont développé petit à petit de nouveaux relais de croissance. Wiseed et Anaxago se sont lancés dans l’investissement immobilier, bien plus sûr et attractif : en 2015, l’equity ne représente plus que 40 % des montants investis sur Wiseed (contre 50 % des montants cumulés depuis le lancement en 2009) et 26 % des montants levés sur Anaxago (qui a pourtant lancé l’activité immobilière en 2015 seulement). Les deux plateformes se présentent plus comme des acteurs de crowdequity : elles élargissent continuellement le panel de produits financiers proposés à leurs investisseurs privés. “Nous ne nous considérons plus comme une plateforme de crowdfunding mais d’investissement, confirme Joachim Dupont. Nous sommes la nouvelle génération des services financiers et nous voulons créer de plus en plus de services pour que nos investisseurs nous confient une part de plus en plus importante de leur patrimoine.” Le président annonce que de nouveaux produits verront bientôt le jour : “le champ des possibles est large : pourquoi pas dans l’art, le vin… L’equity représente 30 % de notre activité aujourd’hui, et cela diminuera encore sans doute… mais l’immobilier aussi.” Même évolution pour Wiseed, qui propose depuis décembre 2016 à ses investisseurs de financer des coopératives ainsi que des projets d’énergie renouvelable et d’agro-foresterie et sortira de nouveaux produits d’investissement en 2018. SmartAngels poursuit une voie originale SmartAngels poursuit une stratégie différente de celle des deux autres leaders français. Depuis ses débuts la plateforme dénote : contrairement à ses deux principaux concurrents, l’investissement se fait en direct, et non via une holding. SmartAngels n’est qu’un intermédiaire technologique et n’accompagne pas la sortie des investisseurs une fois la levée finalisée. Et si la plateforme s’est toujours refusée à se lancer dans l’investissement immobilier, c’est qu’elle ne voit pas sa croissance future dans la diversification des produits d’investissement. Contrairement à ses concurrents comme Anaxago, dont Joachim Dupont reconnaît que l’innovation repose plus sur le concept que sur une technologie très innovante, Smartangels revendique avoir développé des outils inégalés par les autres acteurs. “Nous avons digitalisé tous les processus d’investissements et les deals sont finalisés entièrement en ligne alors que les autres plateformes nécessitent une négociation en offline, explique Benoît Bazzocchi. Nous avons imaginé la totalité des parcours possibles, selon les titres financiers, la nature des personnes qui investissent, le moyen de défiscalisation, les moyens de paiement, le pacte d’actionnaire et la signature de documents, et nous nous adaptons désormais à ces milliers de cas de souscriptions non cotées.” La plateforme fait appel à Universign pour la signature électronique puis à Mangopay pour le paiement. SmartAngels lancera courant 2017 une plateforme SaaS permettant de réaliser une augmentation de capital en ligne, commercialisée par exemple auprès de VC ou de family offices. “Des investisseurs institutionnels aimeraient investir dans du non coté avec un “usage plateforme”, des méthodes d’investissement différentes qui permettent de prendre des petits tickets dans un plus grand nombre d’entreprises, en “suiveur”, pour avoir un portefeuille plus large. Cela ne serait pas rentable dans le métier classique du private equity, seule une plateforme peut le permettre.” À plus long terme, SmartAngels veut proposer aux entreprises non cotées des briques technologiques pour les aider à gérer leur actionnariat, leur reporting et vie juridique en lien avec leurs titres financiers. C’est dans cette optique que Smartangels a annoncé en avril 2016 la mise en place d’un test avec BNP Paribas Securities Services d’une technologie permettant de dématérialiser les registres de titres non cotés dans la blockchain pour remplacer les registres conservés sur Excel. Pour SmartAngels, le crowdequity est destiné à ne devenir “qu’une brique parmi une palette complète de services liés aux titres financiers non cotés dématérialisés.” Wiseed se lancera à l’international en 2017 mais repousse son IPO Fort de son statut de Prestataire de services d’investissements (PSI) “passeportable” dans l’Union européenne, que ne détiennent pas ses principaux concurrents, Wiseed regarde vers l’étranger. “Nous prévoyons une nouvelle levée de fonds de 5 à 15 millions d’euros dans l’année pour accompagner notre implantation à l’international, peut-être avec la participation d’investisseurs étrangers, et pour lancer de nouveaux produits”, prévoit Stéphanie Savel. Wiseed se lancera dans deux ou trois pays au deuxième trimestre, a priori en y créant une structure et peut-être en nouant un partenariat avec un acteur local. Par contre, révèle Stéphanie Savel, l’IPO annoncée pour 2017 “n’est plus au programme à court terme”. Pour les autres plateformes françaises, l’expansion à l’étranger n’est pas encore à l’ordre du jour. “Nous envisageons d’ouvrir Anaxago à l’international, mais sur l’immobilier, et pour financer des projets étrangers, pas pour attirer à des investisseurs hors de l’Hexagone”, révèle Joachim Dupont. Anaxago et SmartAngels se contentent donc pour l’instant du statut de conseiller en investissements participatifs (CIP), moins contraignant d’un point de vue réglementaire et qui leur permet tout de même de financer des projets jusqu’à 2,5 millions d’euros (contre 5 millions pour le PSI) et de proposer des actions et obligations convertibles. “On envisage de demander le statut de PSI, mais nous voulons d’abord consolider l’activité en France”, souligne Benoît Bazzocchi, de Smartangels. Aude Fredouelle crowdequitycrowdfunding immobilierplateformisation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind