Worldline joue l’effet de taille avec l’acquisition d’Ingenico

“C’est la plus grande opération de consolidation européenne jamais projetée dans le domaine des paiements“, a déclaré Gilles Grapinet, PDG de Worldline, à l’occasion de l’annonce de l’acquisition d’Ingenico. L’ancienne filiale d’Atos, qui a rompu ses liens avec l’ESN en 2019, va racheter le spécialiste des solutions de paiement intégrées dans le cadre d’une transaction amicale. Cette offre mixte, en numéraire et en actions, valorise Ingenico quelque 7,8 milliards d’euros. L’opération doit être bouclée au troisième trimestre 2020. En 2017, déjà, des rumeurs de rapprochement entre Worldline et Ingenico avaient circulé.

C’est un mouvement majeur dans l’industrie des paiements qui connaît depuis plusieurs mois une phase intense de consolidation. Aux Etats-Unis notamment, où les six principaux acteurs ont fusionné.  En 2019, Fiserv a mis la main sur First Data pour 22 milliards de dollars, FIS s’est emparé de Worldpay pour 35 milliards de dollars et, plus récemment, Global Payments a dévoilé l’acquisition de TSYS pour près de 21,5 milliards de dollars. 

Logiques industrielles

“Nous sommes sur un marché avec des logiques industrielles très puissantes et où réside un important levier d’économies d’échelle“, a commenté Gilles Grapinet. Worldline a déjà pris part à ce phénomène de concentrations massives ; en 2018, le groupe s’est renforcé dans les services aux commerçants avec l’acquisition, pour 2,3 milliards d’euros, de SIX Payment Services. 

Cette nouvelle fusion va donner naissance au quatrième acteur mondial des paiements et premier PSP européen, avec un chiffre d’affaires pro forma 2019 de 5,3 milliards d’euros, dont près de la moitié (2,5 milliards d’euros) provenant des services de paiement aux commerçants (avec 1 million de marchands, dont 250 000 dans l’e-commerce). L’objectif est de faire émerger un acteur puissant sur l’ensemble de la chaîne de valeur du paiement, des terminaux de paiement (35 millions au total) et des systèmes de transactions sécurisées jusqu’à la gestion des transactions de paiement électronique en ligne et en magasin.

“Il y a beaucoup de synergies entre l’acquisition (mise à la disposition des commerçant de services d’acquisition de paiements électroniques, ndlr) et le processing (traitement des transactions, ndlr)“, a défendu Gilles Grapinet, en citant l’exemple, aux Etats-Unis, du rachat de l’acquéreur TSYS par le processeur Global Payments. Une revue stratégique sera néamoins menée par la nouvelle entité pour l’activité B&A (terminaux) qui évolue sur un marché des PoS difficile. La complémentarité se veut également géographique, Ingenico bénéficiant notamment d’une présence solide en Allemagne (via sa coentreprise Payone) et dans les pays scandinaves. 

Capacité d’innovation

C’est donc un effet de taille que recherche Worldline à travers cette opération. Les synergies sont estimées à 250 millions d’euros en rythme annuel en 2024. La formation de ce nouveau poids lourd européen permet de contrer les ambitions des acteurs américains, encore occupés à digérer leurs méga-fusions. Cette transaction permet également de s’affirmer face à des fintech américaines qui, si elles ne participent pas à ce mouvement du fait de leur présence limitée en Europe, viennent bousculer un marché en proie à des évolutions rapides. Dans ce contexte, la capacité d’innovation des acteurs du paiement va rester un élément moteur. La nouvelle entité anticipe un effort financier constant, de l’ordre de 5 à 6% du chiffre d’affaires combiné, soit plus de 300 millions d’euros par an.