Accueil > Financement > Bilan et perspectives du minibon un an après son lancement Bilan et perspectives du minibon un an après son lancement Le minibon, cette évolution du bon de caisse pour les plateformes de financement participatif, a fêté le 30 octobre dernier son premier anniversaire. Même si son utilisation progresse - de nouvelles plateformes ont récemment demandé l’agrément nécessaire pour les émettre - celui-ci est loin de remporter l’adhésion des emprunteurs, des investisseurs ni même de l’ensemble des plateformes de crowdlending. Par Marie-Eve Frénay. Publié le 18 décembre 2017 à 14h59 - Mis à jour le 18 mai 2021 à 17h45 Ressources Introduit la première fois le 29 mars 2016 lors des 3e Assises de la finance participative par Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, le minibon a été lancé le 31 octobre 2016. Celui-ci permet aux particuliers et aux personnes morales de prêter sur des plateformes habilitées (lire l’encadré ci-dessous). Quels objectifs ? “Le but des minibons était de compléter la loi de 2014 sur le financement sous forme de prêts rémunérés en permettant notamment aux personnes morales de prêter”, rappelle à mind Fintech Nicolas Lesur, fondateur et directeur général de la plateforme de crowdlending Unilend. “En créant le statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP), cette loi prévoyait que seuls les particuliers pouvaient prêter, et ce jusqu’à 1 000 euros par personne et projet”, ajoute Nicolas Lesur qui est aussi vice-président de l’association Financement participatif France (FPF). Ce plafond est depuis remonté à 2 000 euros. Les minibons ont surtout permis d’encadrer et de normaliser l’émission de bons de caisse sur les plateformes de crowdlending. Pour permettre aux entreprises ou encore aux banques de prêter, certaines – à l’image d’Unilend – avaient en effet remis au goût du jour les bons de caisse sans qu’un cadre juridique spécifique ne soit prévu. Un cadre légal distinct “Les minibons ne sont que des bons de caisse version crowdfunding”, résume Mathieu George, fondateur du site crowdlending.fr. Publiée le 29 avril 2016 au Journal Officiel, l’ordonnance donnant naissance aux minibons est en effet une adaptation du régime des bons de caisse pour permettre leur intermédiation par les plateformes de financement participatif. Pour proposer des minibons, les plateformes doivent détenir soit le statut de conseiller en investissement participatif (CIP) – agréé par l’autorité des marchés financiers (AMF) – soit celui de prestataire de services d’investissement (PSI), délivré par l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) après avis de l’AMF. L’ordonnance précise aussi que seules les sociétés par actions et les sociétés à responsabilité limitée, dont le capital est intégralement libéré et ayant clos au moins 3 exercices comptables, peuvent émettre des minibons. Les entreprises en création ne peuvent donc pas émettre de minibons et doivent s’orienter vers le contrat de prêt. Cette nouvelle catégorie de bons de caisse s’adresse aux “personnes physiques agissant à des fins non professionnelles ou commerciales et aux sociétés agissant à titre accessoire à leur activité principale”. Le 30 octobre 2016, un décret d’application est venu préciser ce cadre. Le seuil d’emprunt est fixé à 2,5 millions d’euros sur une période de 12 mois. En ce qui concerne les prêteurs, il n’y a pas de plafond. La fréquence des remboursements ne doit pas être supérieure à 3 mois. Ces bons de caisse revisités représentent une alternative pour les petites entreprises (SARL ou sociétés par actions) qui ne peuvent pas émettre d’obligations. C’est-à-dire celles qui ne respectent pas au moins deux des trois critères suivants : un total du bilan supérieur à 1,55 million d’euros, un chiffre d’affaires hors taxe d’au moins 3,1 millions d’euros et plus de 50 salariés. “Ces contraintes lourdes ne s’adaptent pas à la situation des TPE”, note Nicolas de Feraudy directeur de Lendopolis. 20% des collectes en minibons serontà destination de SARL Yoann Coumes-Gauchet COO et co-fondateur, WeShareBonds Un argument également avancé par Yoann Coumes-Gauchet, COO et co-fondateur de WeShareBonds. La plateforme, qui lancera début 2018 ses premiers projets minibons, estime que “20% des collectes en minibons seront à destination de SARL”. Pour Nicolas Lesur d’Unilend, les minibons répondent à des besoins de financement de 500 000 euros à quelques millions d’euros. Ils ont donc “vocation à s’insérer entre les contrats de prêt et les EuroPP, ces derniers étant en dessous de ces montants trop coûteux à mettre en oeuvre”. Des tickets supérieurs à 2 000 euros Plus d’un an après leur création, les minibons ont-ils réussi à se faire une place dans le secteur du crowdlending ? D’après le baromètre KPMG – FPF édité le 14 septembre 2017, ils ont attiré 9,1 millions d’euros au premier semestre 2017. Pour toute l’année 2016, les minibons et bons de caisse – le décret précisant le cadre d’application des minibons ayant pour rappel été publié le 30 octobre 2016 au Journal Officiel – n’avaient attiré que 8,4 millions d’euros. Des plateformes ne proposant auparavant pas de bons de caisse se sont donc effectivement mises à intermédier des minibons. C’est le cas par exemple de Lendopolis. La plateforme, qui a obtenu son agrément CIP en juillet 2017, a depuis lancé deux collectes via l’émission de minibons. Pour elle, les minibons sont en adéquation avec “sa stratégie de diversification horizontale”, estime Nicolas de Feraudy. La plateforme s’est précisément ouverte il y a un an au financement des énergies renouvelables. “Quand on finance le développement d’une TPE-PME, le risque unitaire peut être plus important que pour un projet dans les énergies renouvelables, si bien que la stratégie est donc de bien diversifier ses placements. Les prêteurs l’ont bien compris et mettent donc des tickets plus faibles mais dans plus de sociétés”, note-t-il. A l’inverse, “pour nos projets green, il était important de permettre le prêt de plus de 2 000 euros par projet, sans quoi nous nous serions privés d’une quantité importante d’investisseurs”. Une stratégie qui, selon Nicolas de Feraudy, porte déjà ses fruits. “Sur nos deux projets minibons en cours de collecte, des personnes qui jusqu’à présent versaient 2 000 euros ont contribué cette fois à hauteur de 5 000 euros”. Les minibons ne sont toutefois pas adaptés au financement de tous les projets de développement durable. En cause : la périodicité des remboursements, au maximum trimestrielle. Par exemple, “les acteurs qui produisent de l’électricité et la revendent à EDF sont payés une fois par an. Ils préfèrent de ce fait un paiement annuel des échéances, chose impossible avec les minibons”, pointe Léo Lemordant, co-fondateur d’Enerfip. Ces derniers privilégient donc l’émission obligataire. D’autant plus que les obligations permettent aussi aux personnes morales de participer aux collectes de fonds. Plus de contraintes que le contrat de prêt Bien que leur utilisation progresse, les minibons n’ont représenté que 11,5% du montant total collecté par les plateformes de crowdlending au premier semestre 2017, contre 57,5% pour les obligations et 29% pour les prêts rémunérés. Selon FPF, le minibon “est un outil assez peu utilisé par les plateformes car il est plus contraignant que le prêt”. Sous le plafond de 2 000 euros, les plateformes peuvent proposer des prêts sous statut IFP, ce qu’elles font en général car cela représente “moins de contraintes pour l’investisseur en termes de KYC [know your customer] et d’informations à fournir”, ajoute FPF. Pour structurer une opération en minibons – tout comme en obligations – les plateformes doivent en effet éditer un document d’information réglementaire simplifié (DIRS). Celui-ci nécessite notamment de mettre en liens hypertextes, consultables par tous les prêteurs, les comptes synthétiques de la société, les rapports éventuels des commissaires aux comptes réalisés au cours du dernier exercice ou encore les éléments prévisionnels sur l’activité. “Ce n’est pas juste un KYC comme nous le faisons dans le cas d’un contrat de prêt. Émettre des minibons demande plus d’implication de la part des dirigeants d’entreprise”, indique Nicolas de Feraudy. “Compiler ces informations nécessite entre une heure de travail pour les dossiers simples à plus d’une journée pour les plus complexes”. Les obligations sont plus protectrices que les minibons Hubert de Vauplane Avocat associé, Kramer Levin Par contre, le DIRS pour une émission obligataire est semblable à celui pour un financement via des minibons. Selon Hubert de Vauplane, avocat associé chez Kramer Levin, “les frais juridiques pour émettre des obligations sont certes plus importants que pour les minibons”, mais “il n’y a aucune raison que l’on n’arrive pas à automatiser le traitement de la chaîne obligataire”. A terme, il ne devrait donc plus y avoir aucune différence de coût. Hubert de Vauplane souligne également que pour les investisseurs, “les obligations sont plus protectrices que les minibons car il y a plus d’engagement financier de l’émetteur, de garantie en cas de défaut”. Dès lors, “pourquoi faire appel aux minibons lorsque le DIRS est semblable et que ni émetteurs ni investisseurs ne connaissent le minibon ?”, s’interroge-t-il. Arrivée des organismes de financement spécialisé La méconnaissance des minibons et l’impossibilité pour les fonds de titrisation de participer à ces collectes sont pour l’avocat les deux principaux freins à leur développement. D’après Nicolas Lesur d’Unilend, cette deuxième barrière pourrait bientôt être levée. “La loi Sapin 2 a créé un nouveau type de fonds de titrisation : les organismes de financement spécialisé. En vigueur au 1er janvier 2018, ce véhicule sera autorisé à souscrire des minibons”. Quant au manque de notoriété des minibons, seules les plateformes peuvent y remédier. “Ce sont elles qui feront qu’il y a un marché ou non du minibon”, conclut Hubert de Vauplane. Une opinion partagée par Mathieu George, fondateur du site crowdlending.fr. “Si les leaders ne se mettent pas à faire du minibon, celui-ci ne décollera pas”. Cet observateur du marché pense notamment à Lendix qui, avec 90 millions d’euros de prêts réalisés en 2017, va doubler ses financements intermédiés par rapport à 2016. Interrogé, Olivier Goy, président de Lendix, a confirmé à mind Fintech qu’il n’avait pas l’intention de faire une demande d’agrément CIP, car cela n’apporterait “aucune valeur ajoutée” à la plateforme. Et Olivier Goy de conclure : “avec notre statut d’IFP (pour traiter avec les investisseurs individuels) et de société de gestion (agréée par l’AMF) pour la gestion de nos fonds institutionnels, nous n’avons pas besoin du statut de CIP en plus”. Le minibon : un laboratoire pour la blockchain L’ordonnance créant les minibons a introduit la possibilité d’inscrire leur émission, leur cession ainsi que le transfert de leur propriété dans “un dispositif d’enregistrement électronique partagé”. Pour Léo Lemordant d’Enerfip, cette disposition permet de tester une application de la blockchain, en vue de l’étendre éventuellement à d’autres produits, sans prendre trop de risques. “Par rapport aux obligations, le minibon est un produit neuf, les encours sont faibles et les acteurs habilités à en émettre peu nombreux. Par conséquent, en cas de problème, revenir en arrière sera relativement simple pour l’Etat”, estime-t-il. Résultat, dès l’hiver 2016, la Caisse des Dépôts, FPF et quelques plateformes adhérentes ont travaillé sur un prototype blockchain commun fonctionnant sous Ethereum. “Nous souhaitions aller de l’émission jusqu’au marché secondaire pour faire vivre et développer les minibons”, explique Nadia Filali, directrice des programmes blockchain à la Caisse des Dépôts. Présenté en septembre 2017 à FPF, ce proof of concept est prêt et sera exposé prochainement au Trésor. Ce n’est pas la seule expérimentation de la blockchain. “A l’été 2016, c’est-à-dire avant la création officielle des minibons comme instrument financier, nous avons simulé une collecte en minibons”, rappelle Léo Lemordant. Concrètement, “en parallèle du système classique d’enregistrement, nous avons utilisé un registre bitcoin pour enregistrer l’émission obligataire dans la blockchain puis publié dans la foulée un livre blanc pour diffuser notre doctrine à ce sujet”. Interrogée sur l’existence d’autres prototypes fonctionnant sous des technologies différentes, Nadia Filali estime que “les initiatives centrées sur une seule entité peuvent se faire sans blockchain, dont l’intérêt réside justement dans l’interaction entre plusieurs parties prenantes” avant d’ajouter qu’“un marché avec soi-même n’est pas un marché”. Ces prototypes ne peuvent pas être déployés pour le moment. Le décret d’application relatif devant être publié courant décembre 2017. A noter que le 8 décembre dernier, le ministre de l’Economie et des Finances a présenté une ordonnance – publiée le 9 décembre au Journal Officiel – élargissant l’utilisation du “dispositif d’enregistrement électronique partagé” aux parts de fonds, aux titres de créance négociables et aux titres non cotés. Il est précisé qu’elle entrera en vigueur à la publication du décret d’application prévue au “plus tard, le 1er juillet 2018“. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir (fichier PDF) Marie-Eve Frénay crowdfundingcrowdlendingminibonrégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind