Accueil > Assurance > Le changement climatique met la Californie et la Floride au défi de l’assurabilité Le changement climatique met la Californie et la Floride au défi de l’assurabilité Des assureurs ont décidé de se retirer de plusieurs États américains face à l’impact des catastrophes naturelles sur leurs activités. Alors que les régulateurs tentent de faire pression pour garantir le maintien d’une couverture dans les zones les plus menacées, les fournisseurs de données estiment pouvoir apporter une réponse efficace. Par aduroyon aduroyon. Publié le 13 décembre 2023 à 16h00 - Mis à jour le 22 juillet 2025 à 9h53 Ressources Mi-novembre 2023, l’administration Biden-Harris a présenté la cinquième évaluation de l’impact du changement climatique aux États-Unis (NCA5). Réalisée par le programme américain de recherche sur le changement global (USGCRP), cette analyse révèle que les événements extrêmes (fortes précipitations, sécheresses, inondations, feux de forêt et ouragans) coûtent aux États-Unis près de 150 milliards de dollars chaque année – “une estimation conservatrice qui ne prend pas en compte les pertes humaines, les coûts liés aux soins médicaux ou encore les dégâts subis par les écosystèmes”. Le gouvernement fédéral a annoncé à cette occasion une enveloppe de plus de 6 milliards de dollars pour soutenir la résilience des populations face aux effets du changement climatique, qu’il s’agisse de la modernisation du réseau électrique (3,9 milliards de dollars), de la maîtrise du risque d’inondation (300 millions de dollars) ou encore d’actions en faveur de la justice environnementale (2 milliards de dollars). La situation est particulièrement préoccupante en Floride et en Californie. Cet État de l’Ouest américain, qui compte près de 40 millions d’habitants, est le premier marché domestique pour l’assurance IARD avec plus de 11 milliards de dollars de primes (incendie et habitation) émises chaque année. Les douze premiers assureurs représentent 85 % de la couverture d’assurance habitation dans l’État et au moins sept compagnies l’ont quitté ou ont suspendu la souscription de nouveaux contrats au cours des derniers mois, dont le leader State Farm et le numéro six Allstate, selon Ricardo Lara, le commissaire californien aux assurances. En outre, quatre autres assureurs, des filiales du groupe Kemper dont l’empreinte sur le marché est limitée, cesseront les affaires nouvelles en 2024. Plan de remédiation Face à un marché déficitaire, Ricardo Lara, sous la pression du gouverneur de Californie Gavin Newsom, a présenté un plan de remédiation. Ce plan repose sur trois piliers. Il prévoit que les assureurs doivent souscrire en moyenne au moins 85 % de leur part de marché globale en Californie dans des communautés à haut risque d’incendie de forêt d’ici à décembre 2024. Par ailleurs, il permet aux assureurs d’incorporer le coût de la réassurance dans leurs calculs de tarifs. Enfin, il leur donne la possibilité d’évaluer le risque de catastrophe en utilisant des projections fournies par des modèles de risque, plutôt que de se baser seulement sur des données historiques. Ce dernier point est central, car un grand nombre d’assureurs se basent sur un nombre limité d’éléments datés et considèrent que tous les biens dans une zone géographique donnée présentent un risque identique. Une aubaine pour des acteurs de l’analyse de données qui poussent leurs solutions. C’est le cas de Guidewire, éditeur californien de solutions cloud pour les assureurs dommages, qui a développé ce thème lors de sa conférence Connections 2023 en novembre à Nashville, événement auquel mind Fintech a pu assister. “La technologie et les données existent pour examiner plus de trente points de données en corrélation avec un risque élevé d’incendie de forêt – et pour cartographier et définir ce risque au niveau de l’adresse exacte du bien immobilier”, assure Roger Arneman, general manager & SVP de Guidewire Analytics. Le groupe commercialise désormais aux Etats-Unis et au Canada sa solution HazardHub, rachetée en 2021. Isoler le risque maison par maison Ce service accessible par API et intégré aux applications de Guidewire collecte, analyse et restitue des informations contextualisées à l’échelle d’un bien immobilier portant sur plus de 1 400 facteurs de risque (vent, grêle, tornade, foudre, inondation, gel, séisme, incendie, etc.). Et cette masse de connaissances est de nature à changer la compréhension du risque. “Malgré les défis actuels, l’État de Californie est hautement assurable, affirme Mike Rosenbaum, CEO de Guidewire. Les données de Guidewire HazardHub montrent que plus de 90 % des dommages matériels en Californie sont concentrés dans seulement 10 % de l’État qui est classé F pour le risque d’incendie de forêt [soit l’État américain le plus concerné par le risque de feu de forêt avec une moyenne de 8 273 incendies par an, Ndlr]. Les maisons situées dans ces zones sont 50 fois plus susceptibles d’être endommagées par des incendies de forêt. Avec la bonne structure réglementaire et les bonnes données et analyses de risque, les assureurs peuvent identifier, tarifer et prendre en compte les risques de manière plus précise au niveau des biens individuels et de leurs portefeuilles.” Chris Folkman, vice-président du product management chez Guidewire Analytics, abonde dans ce sens. “Les données et la science sont aujourd’hui disponibles pour isoler le risque maison par maison. Il s’agit d’une des plus grandes opportunités offertes aux assureurs dommages au cours de la prochaine décennie, surtout dans des zones aussi menacées que la Floride et la Californie”, a expliqué le dirigeant, qui a également insisté sur l’efficacité des mesures de prévention. Des (ré)assureurs comme Swiss Re et Coterie Insurance, une insurtech de l’Ohio tournée vers les professionnels, s’appuient sur Guidewire HazardHub pour affiner leur compréhension du risque et souscrire des affaires nouvelles. Couvrir, mais à quel prix ? La question est de savoir à quel niveau de prix ces affaires pourront être souscrites. Le recours à des modèles propriétaires et de type “boîte noire” suscite des critiques. Il faut “construire un modèle public en Californie qui soit accessible de la même manière pour le public et les sociétés d’assurance“, estime l’association de consommateurs Consumer Watchdog (lire aussi l’encadré) qui alerte sur le risque d’une inflation tarifaire non maîtrisée. Depuis 2015, les incendies dévastateurs en Californie ont déjà poussé les assureurs à réclamer plus de 8,5 milliards de dollars de hausse des tarifs. Au-delà des cas emblématiques de la Floride et de la Californie, les assurés d’autres États américains pourraient sentir l’impact du changement climatique. C’est notamment le cas de l’Arkansas, de la Louisiane, du Nebraska, de l’Iowa, du Kansas, de l’Oklahoma, de l’Illinois, du Kentucky et du Tennessee. De plus en plus fréquents, les orages violents (severe convective storms ou SCS) contribuent largement à ce fardeau. “En 2023, le seuil des 50 milliards de dollars de pertes assurées en raison des SCS a été dépassé pour la première fois aux États-Unis – et cela va continuer à croître. Les États-Unis ont connu 18 événements de ce type depuis le début de l’année qui ont causé chacun au moins 1 milliard de dollars de pertes assurées”, a souligné dans une publication récente le Swiss Re Institute. Un plan critiqué par les associations de consommateurs Des associations de consommateurs ont battu en brèche le plan présenté par le commissaire californien aux assurances. Consumer Watchdog évoque un “simulacre”, car les assureurs pourront satisfaire aux exigences en plaçant des contrats présentant les mêmes caractéristiques que ceux prévus par le FAIR Plan, une couverture de dernier ressort dont le coût est nettement supérieur à celui d’un contrat standard. Par ailleurs, une exemption est possible pour les assureurs qui jugeront impossible à satisfaire l’exigence de souscription dans des communautés à haut risque d’incendie de forêt. Une hausse des tarifs pour l’ensemble des Californiens est à prévoir, redoute l’association. Celle-ci a commandé un sondage qui révèle que 77 % des répondants soutiennent l’idée de contraindre par la loi les assureurs à couvrir toute habitation qui serait rendue résistante au feu. aduroyon aduroyon analyse de donnéesassurance dommagesrisques climatiques Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind