Accueil > Services bancaires > Banque au quotidien > Comment le marché des solutions de core banking se restructure Comment le marché des solutions de core banking se restructure À l’heure où les établissements bancaires se démarquent en innovant sur l’expérience client, les problématiques de rénovation du core banking ont tendance à passer au second plan. Les progiciels traditionnels sont poussés à évoluer, d’autant plus que de nouveaux acteurs apportant davantage de flexibilité et d’instantanéité apparaissent… et que certaines banques traditionnelles s’imaginent elles-mêmes en fournisseurs de solutions. mind Fintech fait le point avec OCTO Technology, Capgemini Consulting, Société Générale, Mambu, Ditto Bank, Finastra, Margo Bank et New10. Par Aude Fredouelle. Publié le 01 juin 2018 à 12h24 - Mis à jour le 01 juin 2018 à 12h24 Ressources Qu’est-ce que le core banking ? Le core banking est “le logiciel qui gère l’ensemble des transactions courantes d’une banque, la caisse enregistreuse qui enregistre tous les mouvements et opérations faites par les clients”, explique Julien Masson, partner chez OCTO Technology. “Le core banking system évoque principalement le legacy, les chaînes de production des prestations bancaires (crédit, épargne, tenue de comptes, gestion des flux de paiement…)”, renchérit Riad Aissat, directeur associé chez Capgemini Consulting. Pour la Société Générale, par exemple, “le core banking couvre la vie des produits une fois qu’ils ont été vendus : tenue de comptes, référentiels des produits, toutes les lignes produits (paiement monétique, assurance, crédit, épargne…), commente Philippe Hubert, directeur de la stratégie du système d’information des Réseaux France Société Générale. Par contre, cela ne couvre pas l’avant-vente et la vente ni la data.” Progiciels vs fait maison Les grandes banques françaises ont historiquement développé leur core banking en interne. “A ce moment-là, les éditeurs offrant des solutions de core banking qui répondaient aux attentes de ces clients n’existaient pas vraiment”, se souvient Julien Masson, d’OCTO. À la Société Générale, par exemple, “le core banking a été construit en interne depuis des années en assemblant des solutions, explique Philippe Hubert. C’est un assemblage de solutions développées en interne, pour la tenue de comptes par exemple, et de progiciels sur des périmètres précis et des lignes de produits bien particuliers comme la monétique et les paiements.” Le développement interne représente tout de même environ 70% du core banking de la banque car “les éditeurs progiciels ne permettaient pas, à l’époque, de n’utiliser que certains modules” et aussi parce que le groupe a toujours voulu maîtriser “la dépendance par rapport à la roadmap des éditeurs”. Aujourd’hui, assure Julien Masson, “un acteur de la place ne se lancerait probablement pas dans le développement d’un core banking car le coût de développement pour son compte propre n’est pas justifié par rapport à l’utilisation de solutions du marché. Les nouveaux acteurs regardent les solutions de core banking du marché ou bien choisissent de nouer un partenariat avec un établissement de crédit existant en se contentant d’un agrément plus léger”. Néanmoins, Margo Bank, start-up qui a levé des fonds pour lancer une nouvelle banque pour les PME, a décidé de développer en interne son core banking. “Nous avons testé plusieurs solutions SaaS mais elles ne répondent pas à ce qu’on imagine mettre entre les mains de nos chargés d’affaires”, nous expliquait en mars 2018 le CEO Jean-Daniel Guyot. Mais rares sont les nouveaux acteurs qui font ce choix. “Le coût de mise en place semble très élevé pour une valeur ajoutée qui n’est pas évidente et cette stratégie ne semble pas aller dans le sens de l’histoire en termes de ROI, s’étonne ainsi Julien Masson. D’autant que la tenue de comptes est très réglementée et donc peu différenciante en termes de valeur client.” Nouveaux acteurs du core banking Les éditeurs traditionnels de solutions de core banking, comme Temenos, Infosys, Avaloq, Sopra, SAB ou TCS, nécessitent des déploiements complexes et souvent longs, mais ils couvrent des périmètres extrêmement vastes et variés et offrent un niveau élevé de paramétrage. A l’autre bout du spectre, de nouvelles solutions de core banking ont vu le jour depuis quelques années, disponibles en SaaS, dans le cloud, à l’image de Mambu, Thought Machine, FiveDegrees ou Fintech Group. Bien moins paramétrables, elles ne proposent pas de déploiement “on-premise”. Mais ces solutions plus simples sont déployées bien plus rapidement. Ben Goldin, CTO de Mambu, fondé en 2011 à Berlin, indique par exemple “pouvoir créer un MVP en moins de trois mois et passer en production en six à neuf mois sur un projet donné, contre 12 à 24 mois pour un progiciel traditionnel”. Le modèle de développement est agile et itératif, contre des cycles en V chez les anciens progiciels, et la solution est entièrement ouverte via des APIs. Les coûts d’intégration sont “divisés par deux à cinq grâce aux APIs”, assure Ben Goldin, qui précise qu’ils “dépendent aussi de la quantité de données existantes à migrer”. Mambu revendique 140 clients dans 46 pays. Sylvain Pignet, CEO de la néo-banque Ditto Bank, raconte “être allé voir tous les providers, en 2015, pour trouver un système de core banking”. Mais “les solutions plus récentes et innovantes comme Thought Machine n’étaient pas encore assez mûres à l’époque”. Surtout, se souvient le CEO, “je créais une nouvelle banque en France et je ne voulais pas être le premier établissement bancaire à proposer une solution de gestion de comptes basée dans le cloud à l’ACPR”. Son choix s’est donc finalement porté sur Profile Software, un acteur établi (fondé en 1990) mais capable d’apporter plus de flexibilité que ses concurrents pour permettre la gestion de comptes multi-devises. “Depuis, les opérateurs classiques sont devenus plus modulaires, mais en 2015 ils étaient encore très verrouillés”, souligne Sylvain Pignet. Les coûts de développement du core banking de Ditto Bank s’élèvent à plusieurs millions d’euros sur deux ans auxquels s’ajoute une licence de “quelques euros par an et par client”. Le prix est dégressif en fonction du nombre de clients. La néo-banque, filiale de Travelex, s’est lancée en février 2018. Depuis, plusieurs néo-banques ont décidé de faire confiance à des solutions SaaS, comme N26 et Ferratum avec Mambu. Les banques traditionnelles craignent le cloud De leur côté, les banques traditionnelles acceptent de plus en plus de confier leur core banking à un partenaire externe comme Infosys, Sopra Steria ou Tata, avec souvent de nombreux développements spécifiques mais en confiant tout de même la maintenance évolutive on-premise au partenaire externe. Mais le passage au cloud, même privé, demeure “une barrière culturelle”, selon Riad Aissat de Capgemini, qui ajoute que “les produits des grandes banques sont par ailleurs trop compliqués pour être gérés par les solutions SaaS actuelles”. Il faudrait que les banques soient “très mûres dans leurs processus de gestion des livraisons et qu’elles aient un niveau d’industrialisation irréprochable pour passer sur ces solutions, alors qu’elles ont aujourd’hui des cahiers des charges très spécifiques et des systèmes complexes et stratifiés”. Ceci dit, Gartner prévoit une forte augmentation dans les cinq à 10 ans du recours aux solutions SaaS pour le core banking, y compris pour les grands établissements. “Les DSI de la place pensent qu’il sera compliqué de migrer l’existant sur ce type de solutions”, prévient toutefois Riad Aissat. “Nous commençons à avoir quelques clients en SaaS, dans le cloud, en Allemagne ou en Australie”, indique Felix Grevy, Global Head of Product Management chez Finastra. La solution traditionnelle propose depuis peu ce type de déploiement. “On ne peut pas comparer les solutions SaaS comme Mambu et les acteurs traditionnels comme Temenos, conclut Julien Masson, d’OCTO Technology. C’est la stratégie en termes d’investissement, de vision et de développement du métier qui aiguille le choix et l’investissement.” Pour SocGen, par exemple, qui gère 250 millions de transactions par jour dans la banque de détail, “impossible aujourd’hui d’utiliser Mambu pour les banques de détail en France”, raconte Philippe Hubert, car “la solution n’est pas adaptée à notre volume de transactions”. Des acteurs traditionnels commencent donc à se tourner vers les nouvelles solutions de core banking sur un périmètre donné, pour lancer un nouveau service plus rapidement et indépendamment des SI de la banque. Aux Pays-Bas, Crédit Agricole Consumer Finance utilise par exemple la solution de Five Degrees. En septembre 2017, ABN AMro a aussi lancé New10, plateforme de prêts aux PME en ligne basé sur la solution de core banking Mambu, dans le cloud. “Nous avons envisagé les solutions plus traditionnelles et les nouvelles, dont certaines utilisant la blockchain par exemple, se souvient Jaap Boersma, Chief Technology Officer chez New10. En un mois, en décembre 2016, nous sommes tombés d’accord sur Mambu, solution basée sur le cloud, flexible, scalable et totalement gérée par APIs, pour une question de time-to-market. La bêta a été lancée en mai 2017 et la version publique en septembre, en dix mois seulement.” Le calcul du risque des entreprises est toutefois basé sur ABN Amro. Depuis le lancement, le site a reçu 100 000 visiteurs sur le site et plus d’un millier de demandes de prêts ont été finalisées. La rénovation du core banking au second plan Du côté des acteurs traditionnels, la question de la modernisation du core banking se pose régulièrement : “pour faire évoluer un système majeur, la banque regarde les solutions du marché ou bien modernise son propre système”, énonce Julien Masson, d’OCTO. Il y a une dizaine d’années, les acteurs traditionnels se sont lancés dans des projets de renouveau de core banking, en faisant de plus en plus appel à des progiciels, car la différenciation des banques reposait alors sur la sophistication des produits. Mais depuis deux ou trois ans, la transformation numérique a placé le projecteur sur les services front plutôt que sur le système coeur. La qualité de service et l’expérience client, qui ne dépendent pas du core banking, sont passées au premier plan tandis que le développement de produits bancaires complexes et la migration ont été relégués au second. Il faut dire que le changement de core banking peut coûter plusieurs dizaines voire centaines de millions d’euros… pour une valeur ajoutée peu perceptible pour le client final. “Le core banking est le mal nécessaire de la banque : un système critique pour le business qui doit tourner en permanence et qui permet tout de même d’offrir des services de temps réel, par exemple, mais avec peu de valeur perçue, analyse Julien Masson. Aujourd’hui, les banques sont moins prêtes qu’il y a cinq ans environ à faire des investissements majeurs car la tenue de comptes n’est plus une priorité d’investissement.” D’autant que l’évolution et l’ouverture du core banking nécessitent aussi une réflexion sur l’évolution des compétences en interne. Les langages de développement évoluent : “la plupart des anciens acteurs rénovent leur architecture et parfois même les langages utilisés, pour se tourner vers de nouveaux, plus flexibles, comme Java ou Python”, note Julien Masson. Finastra est ainsi passé sur Java il y a une quinzaine d’années. Et le modèle de delivery, en cycle en V avec des plans de sorties de versions deux à trois fois par an, n’est pas le même que dans le cloud, où les solutions évoluent en continu. Enfin, “si la banque accélère sa transformation numérique, le niveau de sollicitation du core banking system va devenir très élastique avec des pics de charge plus importants, et il faudra prévoir des ressources en termes de capacité de traitement, prévoit Riad Aissat, de Capgemini. Or, les technologies mainframe de core banking ne permettent pas de gérer aussi bien cette élasticité que le cloud, en platform-as-a-service (PaaS).” A la Société Générale, “la logique est de faire évoluer des modules du core banking par morceaux”, décrit ainsi Philippe Hubert. “En 2017, on a remplacé par exemple la solution très ancienne que l’on avait sur l’épargne logement.” Mais, “on ne le fait que quand il y a une vraie problématique d’obsolescence”, confirme-t-il. Modularité des progiciels Sous l’effet de l’entrée sur le marché de nouveaux acteurs plus flexibles ainsi que du déplacement des priorités d’investissement vers la distribution, les progiciels historiques se sont engagés dans des travaux de modernisation. “Ils ont été poussés à repenser leur offre et positionnement en se concentrant davantage sur l’expérience client que sur les fonctionnalités du core banking et en misant sur les liens et synergies avec les composants front”, explique Julien Masson. La plupart des éditeurs de core banking ont d’ailleurs sorti une plateforme en amont de leur solution pour faciliter l’expérience utilisateur. Ils promettent ainsi une expérience homogène web et mobile et la possibilité d’ajouter des services de partenaires… Par ailleurs, les solutions auparavant monolithes – les outils et le système core étaient extrêmement imbriqués et rendaient difficile l’APIsation – sont de plus en plus modulaires : le client peut recourir à une solution sur un périmètre donné uniquement sans opérer un déploiement sur l’ensemble du core banking. Les plus gros acteurs travaillent d’ailleurs souvent avec plusieurs éditeurs. “A la base, nous proposions des produits aux fonctionnalités très riches, se souvient Felix Grevy de Finastra. Mais depuis quelques années, nous proposons des produits à la carte et des packages très modulaires.” APIsation du core banking Et si l’effort de différenciation des banques ne se positionne plus sur le core banking, “il faut tout de même assurer la possibilité de fournir des branchements”, souligne Riad Aissat de Capgemini. “Les programmes digitaux sur la place sont confrontés à des difficultés parce que ces branchements en mode API n’existent pas.” Les progiciels se sont donc engagés dans des travaux d’APIsation de leurs solutions. “Depuis quelques années, nous développons des APIs ouvertes sur tous nos produits pour être compatibles avec notre plateforme de services et pour l’ouvrir à des acteurs tiers, décrit par exemple Felix Grevy, de Finastra. Les clients peuvent accéder aux fonctionnalités via des APIs et la plateforme pour les développeurs permet aux clients de développer des modules ou applications ou de collaborer avec des fintech.” En juin, Finastra lancera une offre APIsée de sa solution de core banking. Fiserv, de son côté, “lancera dans l’année des micro-services basés sur des APIs REST”, annonce Andrew Steadman, vice-président en charge du product management et du marketing. Le défi s’impose aussi aux banques traditionnelles et à leur core banking maison. “Nous sommes en train d’ouvrir notre core banking avec des APIs et de le compléter par des briques digitales, indique Philippe Hubert, de SocGen. Nous voulons que le core banking soit plus facilement accessible depuis l’ensemble des canaux.” Par exemple, le service d’agrégation Fiduceo est appelé par API. “D’ici 2020, nous voulons qu’une part très significative du core banking soit APIsée, au moins là où nous avons le plus de volumes.” L’enjeu est double : accroître l’agilité en interne mais aussi développer l’open banking et distribuer les produits de la banque via des acteurs tiers et notamment les néo-banques. Les banques traditionnelles fournisseurs de core banking ? SocGen se voit également en fournisseur de solution de core banking, dévoile le directeur de la stratégie du SI. “Nous avons la possibilité de proposer l’utilisation de certains modules de notre core banking à des néo-banques ou fintech puisqu’elles n’ont pas vocation à tout construire elles-mêmes, ou bien à des retailers qui souhaitent distribuer des cartes de fidélité, des facilités de paiement…. ” Le groupe fournit par exemple déjà son core banking via une API à Orange Bank, pour le crédit à la consommation. Ce marché pourrait permettre au groupe de financer la modernisation de son core banking. Temps réel Autre prérequis des nouveaux core banking : proposer un parcours 7/24 et du temps réel. Les acteurs les plus récents ont pris en compte la réalisation en temps réel des opérations dès la conception du logiciel, alors que les progiciels traditionnels ont dû moderniser leurs architectures pour s’assurer que le système temps réel soit compatible. Beaucoup d’acteurs ne voient pourtant pas la tenue de comptes en temps réel comme une priorité. “Passer à de la tenue de comptes en temps réel serait un très gros chantier et ce n’est pas un prérequis pour l’instant payment ni pour l’affichage du solde en temps réel”, assure ainsi Philippe Hubert. Nous avons déjà, en amont de la tenue de comptes, la capacité de fournir la position de gestion des opérations en temps réel (il s’agit donc d’une tenue de position et non d’une position comptable). En juin 2018, la Société Générale sortira ainsi l’instant payment pour couvrir les besoins d’instantanéité des clients.” Riad Aissat, de Capgemini, confirme : “remplacer le batch par des traitements temps réel nécessiterait de refondre la tenue de comptes et coûterait plusieurs centaines de millions d’euros aux banques”. D’où les techniques utilisées par les banques “pour donner un sentiment de 7/24 à l’utilisateur en mettant en place des couches d’intermédiation entre le core banking et les systèmes qui stockent tous les événements et restituent le solde de compte même si le core banking ne le comptabilise que quand le batch est traité”. Mais ce contournement du core banking ne sera peut-être pas suffisant à terme et un gros travail de rénovation devra sans doute être entrepris, conclut le consultant. Cliquez sur le tableau pour l’agrandir (PDF) Aude Fredouelle APIcore bankingpartenariattransformation digitale Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Entretien Jean-Daniel Guyot (Margo Bank) : “Nous sommes à l’opposé de la vision d’un hub de la fintech” La solution de core banking Mambu lance une place de marché