Accueil > Assurance > L’assurance santé animale en France, un marché en croissance mesurée et âprement disputé L’assurance santé animale en France, un marché en croissance mesurée et âprement disputé Malgré un taux de pénétration encore faible comparé à d'autres pays européens, l’assurance santé animale attire en France de nombreux acteurs, des assureurs traditionnels aux néocourtiers, qui tentent de se démarquer dans un marché de plus en plus concurrentiel. Entre prévention, personnalisation et partenariats stratégiques, les assureurs doivent relever le défi de l'éducation des propriétaires d'animaux face à la sous-estimation des frais vétérinaires, tout en maintenant un équilibre financier délicat dans un contexte d'inflation des coûts de santé animale. Par Antoine Duroyon. Publié le 27 novembre 2024 à 17h00 - Mis à jour le 27 novembre 2024 à 17h07 Ressources Les points clés En France, l’assurance santé animale progresse de 15 % par an mais reste sous-développée avec un taux de pénétration de 7-10 %, loin des 70-80 % en Suède. Le marché souffre du caractère non obligatoire de la couverture et de la sous-estimation des frais par les propriétaires. Les néoassureurs misent sur la prévention (quiz éducatifs, télémédecine, rappels de soins), la personnalisation (options de couverture ajustables) et l’innovation. Dalma et Santévet collaborent avec vétérinaires et éleveurs pour promouvoir l’assurance animale. Des acteurs internationaux comme Lassie et Figo investissent en France. Le marché évolue vers des produits adaptables et segmentés, répondant aux besoins spécifiques des propriétaires d’animaux. Plus d’un Français sur deux (55 %) possède un chien et/ou un chat, selon le baromètre Facco-Odoxa 2024. En chiffres, cela représente 9,9 millions de chiens et 16,6 millions de chats vivant dans l’Hexagone. Leur place dans les foyers s’est renforcée au fil du temps, notamment à la faveur d’évolutions législatives. La loi n°2015-177 du 16 février 2015 a modifié leur qualification dans le Code civil, les reconnaissant comme “des êtres vivants doués de sensibilité” et non plus comme des “meubles par nature”. Bien que cette personnalisation ne leur confère pas de personnalité juridique et relève surtout d’un changement de vocabulaire, les animaux restant “soumis au régime des biens corporels”, la société fait preuve d’une sévérité croissante à l’encontre de ceux qui les maltraitent (loi n° 2021-1539 du 30 novembre 2021). Un marché en croissance mesurée Dans ce contexte favorable à une prise de conscience accrue du bien-être animal, le marché de l’assurance santé pour les chiens et les chats connaît un développement progressif en France. Cependant, sa croissance, bien qu’établissant une dynamique positive, reste mesurée. Selon Alban de Préville, fondateur et CEO de Dalma, elle s’élève à “environ 15 % par an, avec un phénomène de rattrapage par rapport à d’autres pays”. Alexandre Krief, cofondateur et CEO de Kozoo, un néocourtier français né en 2020, souligne des écarts notables : “le taux de pénétration est estimé entre 7 % et 10 % en France, contre 70 % à 80 % en Suède et 30 % à 40 % au Royaume-Uni.” “L’assurance santé animale est un produit qui se vend, mais ne s’achète pas spontanément, abonde Hugues Salord, CEO du leader Santévet. Il n’y a pas de feu de paille sur ce marché [qui] se construit sur le moyen et le long terme”. Sous-estimation des frais vétérinaires Contrairement à l’assurance automobile ou habitation, le caractère non obligatoire de l’assurance santé animale bride son potentiel de croissance. Les disparités des frais vétérinaires entre les pays expliquent aussi les variations des taux d’adoption. Le coût d’une intervention chirurgicale pour soigner le pyomètre, une grave infection affectant les chiennes non stérilisées, peut atteindre jusqu’à 2 300 euros en Suède, contre moins de 1 000 euros en France. La tendance générale est à l’inflation des coûts des soins vétérinaires. “En Allemagne, [où Dalma est présente depuis un an, Ndlr] elle dépasse les 20 % ces 18 derniers mois”, pointe Alban de Préville, qui met en exergue l’amélioration de la qualité des soins et les investissements conséquents réalisés par des fonds de private equity dans des réseaux de cliniques vétérinaires. En France, “on observe une sous-estimation des frais de santé. Beaucoup de clients nous sollicitent alors que le sinistre s’est déjà produit. Il y a donc un réel effort de pédagogie à mener pour expliquer que les assurances ne couvrent pas la préexistence [état existant ou ayant commencé à se développer avant la prise d’effet de l’assurance, Ndlr], souligne Mathilde Gheeraert, country manager France de Lassie, un néocourtier suédois fondé fin 2020. Selon une enquête réalisée par Fidanimo et l’Ifop en 2023, 70 % des sondés estiment le coût de traitement d’une rupture des ligaments croisés à moins de 700 euros, alors que ce type de soin atteint 929 euros en moyenne. De plus, “55 % d’entre eux anticipent moins de 16 visites chez le vétérinaire au cours de la vie de leur compagnon et 22 % moins de 6 consultations. Or, selon les données de Fidanimo, un chien consulte en moyenne 23 fois le vétérinaire au cours de sa vie et un chat 29 fois”, souligne l’étude. Les obstacles rencontrés sur ce marché en France ne réduisent pas l’intérêt des acteurs majeurs. La plupart des grands néoassureurs généralistes ont lancé des offres dédiées : Acheel, Lovys (depuis 2020) ou encore Leocare (depuis 2024 en partenariat avec Dalma). Les spécialistes étrangers investissent aussi le marché français. Lassie a débarqué en mai 2024, après avoir ouvert son premier pays – l’Allemagne – début 2023. L’entreprise, qui a dépassé le cap des 100 000 contrats souscrits, s’appuie sur l’assureur suédois Dina Försäkringar en France et sur HDI en Allemagne. Prévention, pédagogie et partenariats L’insurtech, fondée par Hedda Båverud Olsson (ex-McKinsey) et Sophie Wilkinson (ex-If Insurance), se distingue par une couverture adaptée aux chiens et chats de tout âge, en mettant l’accent sur la prévention, la pédagogie et les partenariats. Un budget annuel pouvant atteindre 220 euros permet de couvrir des frais liés aux traitements antiparasitaires et à l’ostéopathie. Par ailleurs, le client peut obtenir des récompenses en testant ses connaissances sur l’application. D’autres projets autour de la prévention sont dans les cartons, notamment le rappel des vaccins et des analyses de la dentition. “La prévention est un sujet qui taraude tous les acteurs du marché, confirme Alexandre Krief, chez Kozoo. Nous avons développé plusieurs couches en la matière : des quiz éducatifs, une plateforme vétérinaire accessible 24h/24 et 7j/7, de la télémédecine vétérinaire, et nous développons une solution d’analyse des symptômes assistée par l’intelligence artificielle”. Basé à La Rochelle, le néocourtier s’appuie sur un porteur de risque unique : l’assureur suédois Nordic Guarantee. Il est détenu depuis 2022 par Correlation One Investments, une coentreprise d’investissement early stage formée par Correlation One Holdings, qui en assure le contrôle, et Pinnacle Pet Group (Animal Friends, Assur O’Poil, Everypaw). Outre Kozoo, la structure détient notamment des participations dans Waggel, Vet-AI ou encore Biscuit. Cet adossement à un spécialiste du secteur représente un atout de taille, selon son dirigeant. “Il dispose d’équipes opérationnelles en assurance et actuariat, ce qui nous permet de travailler avec eux sur le pricing de notre offre. Aujourd’hui, nous concevons nos offres, nous construisons notre pricing, nous distribuons et nous gérons les sinistres”, détaille Alexandre Krief. De fait, la start-up a importé un modèle britannique, fortement segmenté en termes de risque, “avec énormément de groupes de race et d’âge”, auxquels ont été ajoutées des données telles que les codes postaux. “Les deux principaux facteurs influençant la politique tarifaire sont l’âge et la race”, confirme Mathilde Gheeraert chez Lassie. L’acteur suédois fait un pari technique osé en prenant des critères d’assurabilité très larges : toutes les races sont assurables, il n’y a pas de limite d’âge maximum et surtout, les animaux de compagnie présentant des pathologies préexistantes sont assurables. De nombreux acteurs poussent donc un modèle de personnalisation tarifaire, avec des niveaux de couverture, des plafonds et des options entièrement paramétrables. Chez Dalma, Alban de Préville estime que cette approche, associée à une discipline de souscription, permet d’atteindre un ratio sinistre à primes (équilibre entre les primes collectées et les sinistres indemnisés sur une période donnée) de l’ordre de 60 % à 70 %. À l’inverse, des courtiers affirment ne pas réaliser de segmentation tarifaire en fonction de la race. Chez Fidanimo, “que vous ayez un bouledogue français ou un labrador, la tarification sera identique”, peut-on lire sur le site de l’entreprise. Des formules limitées aux accidents et urgences Dernière arrivée sur le marché hexagonal en septembre 2024, l’insurtech d’origine américaine Figo. Ses activités européennes sont pilotées par Pinnacle Pet Group (lui-même propriété de JAB Holding, la structure d’investissement de la famille Reinman) depuis le rachat du courtier néerlandais Veterfina. Déjà présente en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne, elle vise également une personnalisation de la couverture pour délivrer un tarif adapté. Le client peut ainsi choisir entre trois taux de couverture (70 %, 80 % ou 90 %), trois plafonds de garanties (1 000, 2 000 ou 4 000 euros) et trois niveaux de franchise (0, 50 ou 100 euros). Pour limiter la facture, des néoassureurs tels que Pety, Figo et Fidanimo proposent aussi des formules limitées aux accidents et urgences “vitales et imprévues”. Certains, comme Fidanimo et Santévet, déploient également des garanties d’assistance en vue de renforcer le service client. Le premier propose ainsi un service d’accompagnement en cas de fugue, avec une alerte auprès des refuges SPA, de la Société centrale canine et de la Fédération féline française, tandis que le second s’appuie sur le service d’urgences vétérinaires Vetoadom. Ces services contribuent aussi à augmenter la valeur perçue par le client. Dalma a inclus dans toutes ses offres la possibilité d’échanger gratuitement et en illimité depuis l’app avec des vétérinaires, par visio, appels et messages. “Les bénéfices se mesurent à la fois sur la conversion et la rétention”, assure Alban de Préville. Dalma, qui s’appuie sur Seyna, protège plus de 60 000 animaux en France et en Allemagne. Les trois quarts des contrats sont aujourd’hui en France, mais le rythme de croissance est nettement plus rapide outre-Rhin. Le pouvoir de recommandation des vétérinaires Les nouveaux entrants mettent en œuvre une stratégie marketing et tarifaire particulièrement agressive, préviennent toutefois des pionniers du secteur. Pour le CEO de Santévet, “en assurance santé animale, comme dans tout produit d’assurance, quelqu’un doit payer au bout du compte. Soit c’est le client final, soit c’est le courtier, soit c’est l’assureur, soit c’est le réassureur quand il y en a un, soit c’est l’investisseur. S’il n’y a pas un équilibre subtil entre ces 5 paramètres ou acteurs, il y a un problème”. Le phénomène d’anti-sélection et la fraude, répandue sur ce marché, compliquent la donne. Présent en Allemagne, en Espagne et en Italie, le courtier compte atteindre les 330 000 affaires en portefeuille fin 2024 et une croissance du chiffre d’affaires “d’un peu plus de 20 %”. Cet acteur historique, aux côtés de Solly Azar, se distingue par son fort pouvoir de recommandation auprès des vétérinaires. Santévet a d’ailleurs lancé PayVet, un service d’avance de frais et de paiement en plusieurs fois pour les frais vétérinaires, après déduction de l’indemnité d’assurance. Ce service, gratuit et inclus dans tous les contrats d’assurance Santévet et Bulle Bleue, est ouvert depuis septembre 2024 aux propriétaires d’animaux qui ne sont pas assurés chez Santévet (moyennant des frais à partir d’un paiement en deux fois). Près de 3 000 cliniques partenaires en France l’ont adopté. Dalma a également saisi l’importance du rôle des vétérinaires dans la promotion de l’assurance santé animale en France. L’insurtech offre ainsi aux auxiliaires spécialisés vétérinaires et aux vétérinaires une réduction de 25 % sur les mensualités, sur toute la durée de vie du contrat. Elle développe aussi un réseau de partenaires, avec des éleveurs, ainsi qu’avec l’enseigne Animalis. L’entreprise finalise une augmentation de capital de Série B, négocie de nouveaux partenariats d’assurance et de réassurance et se projette vers de nouvelles géographies en Europe. Antoine Duroyon assurance animauxassurance santéinsurtech Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire ManyPets quitte les États-Unis Nationwide fait le ménage dans son portefeuille d'assurance animale Revolut prépare une assurance pour les animaux de compagnie Assurance chien-chat : Dalma lève 15 millions d’euros