Accueil > Services bancaires > Open banking > UE : FiDA et Retail Investment Strategy avancent sous présidence danoise UE : FiDA et Retail Investment Strategy avancent sous présidence danoise Le Danemark a pris la présidence de l’Union européenne en juillet et souhaite avancer rapidement sur le règlement pour l’ouverture des données financières (FiDA) et la Retail Investment Strategy (RIS). Pour le premier texte, le sujet des gatekeepers et de l'évaluation de la demande continuent de faire débat. Par Aude Fredouelle. Publié le 01 octobre 2025 à 11h03 - Mis à jour le 01 octobre 2025 à 17h57 Ressources Après une présidence polonaise début 2025, le Danemark a pris la main en juillet. La nouvelle présidence veut “poursuivre les trilogues sur le paquet renforçant la protection des investisseurs particuliers (RIS), ainsi que sur le futur cadre de partage des données financières (FiDA)”, selon la liste de ses dossiers prioritaires. “C’est une présidence volontariste, très bien organisée et structurée, avec un bon niveau d’expertise”, se félicite Jérôme Balmes, directeur data, technologie et innovation de France Assureurs. En parallèle, du côté de la Commission, la nouvelle commissaire aux Services financiers, Maria Luis Albuquerque, a fait de FiDA l’un de ses chevaux de bataille (voir encadré). Les négociations en trilogue sur ces deux textes, un temps laissés de côté, pourraient donc connaître des avancées significatives d’ici la fin de l’année. Une commissaire aux Services financiers très engagée sur FiDA En décembre 2024, Maria Luis Albuquerque a été nommée commissaire aux Services financiers et à l’Union de l’épargne et des investissements, succédant à Mairead McGuinness (2020-2024). Dans sa lettre de mission, adressée par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, il est précisé qu’elle doit “poursuivre les travaux visant à améliorer la finance et les paiements numériques pour soutenir les nouvelles technologies dans notre système financier, mettre en œuvre un cadre d’accès ouvert aux données financières pour les entreprises et continuer à surveiller les nouvelles opportunités et risques liés aux technologies numériques”. Selon Martin Gylfe, CEO d’Insurely, “Maria Luís Albuquerque a fait de FiDA non seulement une priorité majeure, mais également une composante centrale du projet d’Union de l’épargne et de l’investissement, dont l’objectif est de retenir davantage de capitaux sur le continent”. Lors d’un discours prononcé en février 2025, elle a indiqué être “convaincue que la concrétisation du potentiel d’un véritable environnement d’open finance changera la donne, tant pour les consommateurs que pour les entreprises. (…) Nous devons être ambitieux et viser un accord rapide sur FiDA avec le Conseil et le Parlement. Nous disposons déjà d’une base solide, avec un alignement sur des aspects clés, notamment le périmètre et les schémas, qui constituent des éléments essentiels pour en faire un succès”. Du côté de la Commission européenne comme du Conseil, FiDA figure donc parmi les priorités, et toutes les parties prenantes reconnaissent la forte pression exercée par les colégislateurs pour faire avancer les négociations. FiDA : un arbitrage sur les principaux enjeux politiques avant fin 2025 ? Le trilogue sur FiDA, qui devait reprendre en septembre après une session tenue en juin, n’a finalement pas eu lieu en raison de l’indisponibilité du rapporteur du Parlement, Johan van Overtveldt. Une prochaine session est prévue en octobre. En attendant, la présidence danoise réunit des groupes de travail au sein du Conseil pour s’accorder sur une position de négociation commune. Un premier s’est tenu le 4 septembre et un second s’est déroulé le 29. Si plusieurs points ont déjà été tranchés (voir encadré), certains enjeux font encore l’objet de vifs débats. Exclusion des corporates, standards facultatifs… Ce qui fait consensus et ce qui doit encore être tranché Un premier groupe de travail du Conseil a eu lieu le 4 septembre, sur la base d’un document de discussion élaboré par la présidence, publié fin août, et un second le 29 octobre, sur la base d’un document du 24 septembre. La présidence y a repris plusieurs mesures de simplification déjà évoquées en mai par la Commission européenne. L’exclusion des corporates du périmètre de FiDA, destinée à simplifier la mise en œuvre, fait consensus. “Tout le monde est d’accord là-dessus. Faisons de FiDA un cadre davantage orienté “retail”, ce qui est plus cohérent avec son objectif initial, et réduisons les coûts”, commente ainsi Martin Gylfe, d’Insurely. S’agissant de l’historique de données conservées, plusieurs options sont évoquées (sept ans minimum a priori), et la question des contrats terminés et résiliés doit aussi être tranchée. “Mais cela n’aura pas d’incidence substantielle sur FiDA”, commente le CEO d’Insurely. Selon lui, a priori, “les contrats résiliés ayant des conséquences économiques ou juridiques demeureront dans le périmètre, tandis que les autres seraient soumis à une limite de temps – soit graduelle, soit fixe.” Le groupe de travail s’est aussi penché sur la définition des données brutes. Il est proposé de n’inclure que les données non modifiées de manière substantielle (en excluant les données dérivées, profilages, enrichissements). “C’était une ligne rouge pour nous et nous sommes satisfaits que la présidence danoise propose de s’aligner sur le Data Act et de limiter les données partagées à ces données brutes”, se félicite Jérôme Balmes. La présidence danoise a par ailleurs, comme la Commission, proposé que des standards soient élaborés par des organismes européens de normalisation, mais qu’ils restent facultatifs. La Commission a d’ailleurs mandaté en ce sens le Comité européen de standardisation, qui a démarré en février un chantier devant durer deux ans. En parallèle, le Berlin Group travaillerait également sur ses propres normes. Chaque FDSS aura le choix du standard utilisé. “On assistera probablement à une combinaison de standards, peut-être avec une brique commune et une partie spécifique à chaque marché, avec une convergence de plus en plus importante au fil du temps”, anticipe Jérôme Balmes. Pour simplifier le texte, la présidence propose par ailleurs, dans son document du 24 septembre, de réduire les mandats de niveau 2 et 3 au strict nécessaire. Quelle exclusion pour les gatekeepers ? À commencer par le sujet des géants du numérique. “L’exclusion des gatekeepers a été actée”, se réjouit Martin Gylfe, CEO d’Insurely. Cette décision fait suite à une levée de boucliers d’États membres, inquiets de l’ouverture des données financières des Européens aux géants du numérique. En juin, la Commission avait ainsi proposé d’exclure les “gatekeepers”, soumis au Digital Markets Act (Alphabet, Amazon, Apple, ByteDance, Meta et Microsoft), du futur agrément de prestataire de services d’information financière (FISP), destiné aux institutions non financières souhaitant accéder aux données. Fida : la Commission veut fermer la porte aux Big Tech Mais si leur exclusion fait l’unanimité, “certains États membres souhaitent des garde-fous limités, avec interdiction du statut de FISP, parfois associée à une interdiction de combiner les données dont dispose une filiale de réseau social, par exemple, avec les données d’une filiale financière, résume Jérôme Balmes. D’autres demandent davantage de protections : une exclusion du statut de FISP mais aussi de “data user” [établissements financiers régulés, pouvant être à la fois détentrices des données et “utilisatrices” en adhérant au scheme de partage de données (FDSS), Ndlr], applicable à l’ensemble des filiales de ces acteurs, afin de ne pas renforcer leur position de marché, déjà dominante.” Ainsi, l’Allemagne soutient la deuxième approche, tout comme l’association France Assureurs. “Les moyens financiers et technologiques considérables de ces acteurs combinés à la quantité de données dont ils disposent déjà créeraient une situation de concurrence totalement inéquitable”, explique Jérôme Balmes. Les États membres en faveur d’une position plus souple arguent, quant à eux, que laisser les gatekeepers accéder aux données des européens favoriserait la concurrence et l’innovation, notamment face aux grands assureurs. Certains s’inquiètent aussi de la perception outre-Atlantique de mesures très restrictives face aux géants américains du numérique dans un contexte géopolitique tendu. Le 25 septembre, Apple exhortait d’ailleurs l’Union européenne à abroger le DMA, faisant écho aux attaques de Donald Trump contre l’interventionnisme de l’UE dans le numérique. Le Conseil, divisé sur le sujet, devra donc s’accorder. “La Commission et le Conseil ayant validé la position la plus stricte d’un point de vue juridique, considérant qu’elle n’est pas contraire aux engagements de libre-échange de l’Union européenne, il s’agit désormais d’un arbitrage politique”, résume Jérôme Balmes. La décision d’une exclusion complète ou au contraire partielle sera abordée lors d’une réunion de travail le 2 octobre. La France plaide pour un modèle tiré par la demande Autre sujet brûlant, cher à plusieurs délégations, dont la France : l’élaboration d’un modèle “tiré par la demande”. Il permettrait de “réduire les coûts administratifs et améliorer l’efficacité, puisqu’il garantirait que des ressources soient mobilisées pour rendre accessibles des points de données spécifiques uniquement lorsqu’il existe une demande avérée du marché”, évoque un non-paper de fin 2024 signé par la Belgique, la France, la Tchéquie, l’Espagne et la Lettonie. Ce modèle laisserait aux systèmes de partage des données (FDSS) le soin de définir, dans leurs propres cadres de gouvernance, l’évaluation de la demande du marché. “La standardisation des données engendre des coûts, donc limitons-les en fonction des besoins”, expliquait ainsi Camille Sutter, cheffe du bureau financement et développement des entreprises de la direction générale du Trésor, lors d’une table ronde du mind Fintech Day, en juin 2025. Elle proposait alors d’introduire des médiateurs dans les discussions pour permettre aux parties prenantes d’avancer et de se mettre d’accord sur les données à partager. L’approche française est soutenue par les acteurs traditionnels. FiDA “ne repose pas sur des besoins identifiés”, soutenait ainsi Jérôme Raguénès, directeur du numérique, des paiements et de la résilience opérationnelle de la Fédération bancaire française (FBF), au cours de la même table ronde. De même, France Assureurs appuyait cette proposition en juin dans un position paper : “il convient de privilégier un déploiement progressif, fondé sur les besoins (…). Les FDSS doivent se doter de structures de gouvernance permettant une priorisation négociée des cas d’usage et des jeux de données correspondants entre détenteurs et utilisateurs de données. En cas de divergence persistante entre membres des FDSS empêchant de parvenir à une décision dans un délai de 60 jours ouvrés, France Assureurs recommande l’activation d’un mécanisme d’arbitrage ou le recours à une médiation externe”. France Assureurs demande d’assurer “un consentement effectif du client final” Autre demande de France Assureurs : s’assurer que le détenteur de données vérifie que la demande de partage provient bien du client. Ce principe, adopté par le Parlement et soutenu par le Conseil, “est essentiel pour prévenir les transferts de données non intentionnels”, assure l’association dans son position paper de juin 2025. L’association veut également que les clients “soient conscients du type de données partagées”, explicite Jérôme Balmes. “Concrètement, nous souhaiterions qu’à la première connexion, une fois l’accord donné par le client, le détenteur de données lui demande de se connecter à son tableau de bord de permissions [prévu par FiDA et la DSP3, Ndlr] pour confirmer qu’il est bien en train de partager telle donnée.” L’Allemagne veut ouvrir toutes les données En face, des États membres comme l’Allemagne s’opposent fermement au modèle tiré par la demande et soutiennent plutôt le texte initial, qui impose d’ouvrir toutes les données brutes collectées ou traitées par une institution financière (hormis quelques exclusions formulées dans le règlement). De même pour certaines start-up impliquées dans les négociations, à l’image d’Insurely. “Est-ce que la majorité des compagnies d’assurance en France — les cinq ou six plus grandes — doivent décider, pour tout le marché et pour tous leurs clients, ce qui est partagé ? Ou bien devons-nous parvenir à une législation qui décide, pour le consommateur, ce à quoi il a accès ?”, critique ainsi Martin Gylfe, également résolument opposé à la proposition française. Lors du groupe de travail du 4 septembre, “il y a eu un grand débat entre ces deux philosophies. La présidence danoise a essayé de faire le pont”, raconte le CEO d’Insurely. Le non-paper, jugé inacceptable pour un certain nombre d’États membres, ne sera pas considéré tel quel par le Conseil. Le service juridique du Conseil a par ailleurs estimé que la proposition de la France est incompatible avec l’objectif et la base juridique de la proposition, car elle limite le contrôle des clients et ne garantit pas l’harmonisation requise au titre de l’article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Jérôme Balmes, de France Assureurs, tempère : “personne ne souhaite que cette approche se transforme en droit de veto des data holders sur le choix des données partagées”. Il appelle à “ouvrir les données avec un calendrier plus étalé” et à “prioriser les investissements et données à ouvrir”. La présidence danoise propose “la demande inversée” La présidence danoise cherche un compromis. Elle a ainsi proposé le 24 septembre, dans un document de travail, un modèle de “demande inversée” : “toutes les catégories de données restent par défaut dans le périmètre (…) Toutefois, si un schéma démontre qu’il n’existe aucune demande pour certaines catégories de données clients, ces catégories peuvent être exemptées de l’obligation de les partager (…). Ce n’est que si un schéma peut démontrer et prouver, au moyen d’un test d’absence de demande, qu’il n’existe aucune demande, qu’il peut exclure certaines catégories de données (…).” Ce test comporte trois conditions cumulatives : aucun utilisateur de données n’a demandé l’ouverture de la catégorie de données ; aucun utilisateur de données n’a accédé à cette catégorie via une interface client ; et la catégorie de données n’est incluse dans aucun autre schéma dans l’UE. Le régulateur devra alors en être averti. “Je pense que cette idée constitue un bon compromis”, avance Martin Gylfe. La présidence espère parvenir à un accord sur le sujet, comme sur celui des gatekeepers, d’ici la fin de l’année, afin de verrouiller les grandes orientations politiques du texte. Les trilogues techniques pourraient, dans ce cas, se tenir en 2026. Définir des points de données essentiels pour éviter la fragmentation des schémas Une coalition de banques privées allemandes a partagé le 23 septembre une proposition d’amendement dont mind Fintech a pu prendre connaissance. Elle vise à inclure dans le règlement FiDA un socle commun de “points de données essentiels” pour chaque catégorie de produits, que tous les schémas européens (FDSS) devraient partager – et ce, afin d’éviter la fragmentation en Europe. Les schémas pourront ensuite ajouter des données supplémentaires en fonction de la demande du marché. Les banques allemandes proposent aussi de créer un European Financial Data Sharing Governance Board (EFDGB) sous l’égide des autorités européennes de supervision, pour travailler sur l’interopérabilité et limiter la fragmentation. Calendrier de mise en œuvre Le calendrier de mise en œuvre du texte devra lui aussi être abordé. Certains États membres poussent pour allonger les échéances prévues : un délai unique de 30 mois pour le Parlement avec plusieurs jalons et des délais étendus pour les PME ; un déploiement en trois étapes sur 48 mois par catégorie de données pour le Conseil. “Dans l’ensemble, la présidence estime que les délais de mise en œuvre doivent trouver un équilibre entre, d’une part, laisser à l’industrie un temps de préparation suffisant et tenir compte des travaux des organismes européens de normalisation (ESO) ainsi que des mandats de niveau 2 et 3, et, d’autre part, faire en sorte que les consommateurs et les acteurs du marché puissent bénéficier de FIDA sans retard inutile. En conséquence, la présidence propose de maintenir à ce stade le mandat du Conseil et de revenir sur la question ultérieurement”, indique la présidence danoise. Retail Investment Strategy : l’UE abandonne l’interdiction du commissionnement Dans le même temps, l’UE avance sur la Retail Investment Strategy, réflexion initiée par la Commission en 2021 et visant à améliorer la participation des investisseurs particuliers au financement de l’économie. L’une des propositions du texte adopté en 2023 par la Commission avait rapidement crispé les débats : l’interdiction du commissionnement (rétrocessions ou “inducements”) des distributeurs de produits d’épargne, pour lequel l’ex-commissaire européenne aux Services financiers, Mairead McGuiness, s’était déclarée favorable. Selon elle, le commissionnement augmente en effet le coût payé par les clients et crée un conflit d’intérêt structurel, les vendeurs étant incités à proposer les produits les plus commissionnés. Face à la levée de boucliers des assureurs européens, le Parlement a finalement confirmé, début 2024, le maintien du commissionnement comme mode de rémunération des intermédiaires en assurance-vie – tout en le soumettant à conditions et à un renforcement de la transparence. Le Conseil de l’UE a de son côté adopté sa position de négociation en juin de la même année, supprimant également l’interdiction des commissions perçues pour des ventes avec exécution pure. Du côté des acteurs de l’open banking, on espère que la bataille gagnée par les assureurs sur le front de la RIS jouera en faveur de l’ouverture complète des données sur le terrain de FiDA. “L’industrie financière a “gagné” la discussion sur la stratégie d’investissement de détail au sujet des commissions, et nous espérons donc qu’en contrepartie FiDA induise davantage de transparence sur les produits financiers pour les consommateurs”, évoque ainsi Martin Gylfe. Le règlement sur l’ouverture des données vise en effet notamment à améliorer la compréhension des produits d’investissement et, ainsi, à contrer les surcoûts. Le trilogue, débuté en mars 2025, suit son cours. L’encadrement des “inducements” demeure au cœur des discussions, tout comme l’élaboration de la nouvelle notion de “value for money”, qui obligera les producteurs et distributeurs de produits financiers à évaluer si les coûts liés à un produit sont justifiés au regard de sa performance. Aude Fredouelle DSP2DSP3open bankingopen financeopen insurancerégulation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind