Comment BNP Paribas cherche à attirer des clients avec une application pédagogique sur l’épargne

BNP Paribas Asset Management et la Banque de Détail en France de BNP Paribas ont annoncé en avril 2018 la sortie d’une nouvelle application conçue conjointement et baptisée Investo. Objectif : “sensibiliser les particuliers à la gestion et diversification de leurs avoirs”, qu’ils soient clients ou non du groupe, mais surtout les orienter à terme vers des produits d’investissement du groupe.

“L’idée d’Investo est née en 2016, se souvient Yaël Mayer, responsable développement commercial avec les réseaux France chez BNPP AM. Nous voulions aider à développer la connaissance des produits financiers et d’épargne financière pour dynamiser leurs ventes. L’épargne française est très orientée sur des produits de précaution comme les livrets et l’assurance-vie, par méconnaissance des produits de gestion d’actifs.”

Le projet est alors bâti conjointement par BNP Paribas Asset Management et la Banque de Détail en France. “Nous avons voulu créer un outil qui se positionne entre les applications de portefeuilles virtuels de titres dédiées aux boursicoteurs et les applications purement pédagogiques permettant de se renseigner de façon littéraire sur le sujet, poursuit la responsable. Un outil qui mélange de la pédagogie et la création de portefeuilles pour comprendre la mécanique et à quels risques on s’expose.”

Un an de développement avec une agence UX

BNPP AM a ensuite pris en charge le développement technique. Un premier prototype a été développé en interne en six mois et testé auprès de proches des équipes. “Nous sommes tombés de haut, se rappelle Clément Chen, product owner de l’application Investo au sein de BNPP AM. Le contenu était trop complexe, la navigation imparfaite… “ BNP Paribas AM a donc décidé de faire appel à une agence d’UX, UX-Republic, et de basculer vers une méthodologie de développement agile.

“Nous avons mené une centaine de tests utilisateurs pour recueillir les besoins clients, dont des “guerillas testing”, pratique qui consiste à interroger des utilisateurs potentiels de manière informelle dans la rue pour valider les parcours prototypés”, raconte Clément Chen. Le projet a été porté en petit comité (moins d’une dizaine de collaborateurs, parmi lesquels des membres de l’équipe “digital” et de l’équipe des relations commerciales chez BNPP AM et un représentant côté distributeur). Le développement en mode agile a duré environ un an.

Lancée en avril, l’application comporte finalement quatre grands modules. D’abord “académie” : une partie d’apprentissage composée de leçons courtes et de quizz pour valider les connaissances. “Un gros travail a été effectué sur le contenu, pour adapter le vocabulaire à la clientèle des particuliers”, assure Clément Chen. Le deuxième module, “simulation”, permet de mettre en pratique les connaissances en créant un portefeuille de fonds virtuel avec les données réelles du marché. L’onglet “fonds” donne accès au détail des fonds proposés par BNP Paribas AM à sa clientèle retail (performances, risques…). Enfin, l’onglet “championnat” promet des récompenses pour les utilisateurs dont les portefeuilles virtuels s’imposent par leurs performances.

Transformer les utilisateurs en clients

“Tout l’intérêt d’Investo, c’est que si le client voit que son portefeuille a bien performé, il peut contacter son conseiller pour mettre en place des investissements, indique Clément Chen. Nous lui donnons les outils pour se faire son propre avis critique et mieux comprendre les recommandations des conseillers.” Les clients les plus appétents pourront même “se débrouiller seuls sur les parcours self-care, qui se développent beaucoup en ce moment”.

Pour l’instant, l’application ne renvoie pas directement le client vers un contact commercial. Mais, souligne Yaël Mayer, “l’application s’appelle Investo par BNP Paribas et les clients y retrouvent l’offre de la banque, donc ils peuvent en parler à leur conseiller pour passer du virtuel au réel.” La banque travaille cependant sur des liens plus forts avec le commercial et sur des “call to action” plus directs, mais “il faut beaucoup travailler avec le juridique et la conformité avant de pouvoir les déployer”, souligne la responsable.

“Nous oeuvrons activement à des solutions pour que les utilisateurs soient amenés à contacter le réseau par téléphone ou à passer par les parcours self care disponibles sur Ma Banque ou l’application Hello Bank!”, précise Pierre-Olivier Cailleton, relationship manager chez BNP Paribas Asset Management, qui a participé au développement de l’application.

Croissance et fidélisation

A plus court terme, l’objectif affiché est de “faire croître la base utilisateurs d’Investo et fidéliser les utilisateurs existants”, commente Pierre-Olivier Cailleton. Environ six mois après son lancement, Investo comptabilise 11 000 inscrits, 80 000 leçons terminées (la partie apprentissage comporte huit chapitres, chacun divisés en quatre à cinq leçons) et revendique 800 à 1000 utilisateurs actifs chaque semaine.

“Le portefeuille virtuel permet de créer de la récurrence”, se félicite Pierre-Olivier Cailleton. “Nous ambitionnons de créer une communauté Investo et d’enrichir constamment les contenus, renchérit Clément Chen. Nous venons par exemple d’ajouter un nouveau chapitre sur l’ISR [Investissement socialement responsable, ndlr] et un autre sur les avantages de l’épargne programmée sortira bientôt.”

Un nouveau championnat sera également lancé en décembre, avec des cadeaux à la clé et la banque souhaite animer des communautés avec des championnats locaux, au sein d’écoles de commerce par exemple. Un projet de parrainage est par ailleurs en cours de cadrage pour un lancement en 2019.

Si l’application vise à la fois les clients et prospects du groupe, elle a jusqu’ici surtout été promue dans le réseau BNP Paribas. “Nous voulions d’abord que les conseillers s’approprient l’application pour qu’ils puissent la recommander aux clients”, explique Yaël Mayer. De la publicité a été effectuée dans les agences lors du lancement. “Nous réitérerons peut-être en 2019, une fois les processus de call to action plus structurés, et nous faisons aussi de la publicité sur les réseaux sociaux.”

Conformité

Outre l’objectif commercial, Investo pourrait aussi remplir une seconde mission : aider la banque à tester la connaissance des particuliers avant qu’ils n’investissent, obligation de plus en plus réglementée, notamment avec la directive MiFID II. “Investo est aujourd’hui indépendant de nos outils de profilage de risque, mais certaines des questions des quizz ont été reprises dans le parcours self-care de la banque”, souligne Clément Chen.

Une intégration plus profonde dans le processus de conformité a aussi été évoquée avec le distributeur, indique Pierre-Olivier Cailleton. “Nous pourrions faire en sorte de répondre au parcours de profilage requis par la conformité avec Investo, de valider une expertise sur les actions, les fonds, les obligations avec ses quizz.”

L’application intéresse également les entités du groupe à l’étranger. “Nous avons eu des demandes de duplication et de traduction dans d’autres langues, dévoile Yaël Mayer. Ce sont des questions que nous étudions mais ces projets nécessiteront un partenariat solide entre l’asset manager et la banque pour adapter le produit au marché local.”