Accueil > Financement > Nicolas Boudinet (MAIF) : “Nous cherchons à réconcilier les opportunités business avec un impact économique et social” Nicolas Boudinet (MAIF) : “Nous cherchons à réconcilier les opportunités business avec un impact économique et social” Le 3 juin 2019, la MAIF a dévoilé en assemblée générale sa raison d’être, qu’elle inscrira dans ses statuts en 2020 afin de devenir une entreprise à mission, nouveau statut de société instituée par la loi Pacte. Quelque jours plus tard, Mind Fintech a rencontré Nicolas Boudinet, son directeur adjoint chargé de la stratégie, de la marque et des offres. Par . Publié le 17 juin 2019 à 12h58 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h57 Ressources La Maif vient d’annoncer devenir une entreprise à mission. Qu’est-ce que cela implique ? En 2020, nous inscrirons cette raison d’être dans nos statuts : “Convaincus que seule une attention sincère portée à l’autre et au monde permet de garantir un réel mieux commun, nous la plaçons au coeur de chacun de nos engagements et de chacune de nos actions.” C’est un engagement fort, qui laisse la possibilité aux parties prenantes, salariés ou sociétaires notamment, de le remettre en cause s’ils estiment que notre mission n’est pas remplie. À nous de veiller à ce qu’elle irrigue chacune de nos activités. Mais en réalité, devenir une entreprise à mission est un processus naturel : nous fonctionnons sans actionnaires, et la recherche du bien commun a toujours fait partie de notre ADN. Comment cela va-t-il se traduire en pratique ? L’attention sincère à l’autre se traduit par exemple dans les services que nous apportons à nos sociétaires, mais aussi à celui que nous offrons à nos salariés, et aux relations entre eux et le management. Cela passe par une évaluation des managers et des relations entre les différents échelons hiérarchiques, par un travail sur le parcours d’accueil des nouveaux arrivants, etc. Dans quelle mesure ces relations doivent-elles évoluer ? Du côté de l’expérience client, les choses étaient déjà bien en place, mais nous sommes partis de plus loin pour les salariés. La MAIF a longtemps eu une culture du non-dit. Or, affirmer l’attention que l’on porte aux collaborateurs, la souligner, c’est déjà donner des repères aux gens. L’évolution des processus et l’industrialisation de nouveaux usages numériques ont aussi nécessité une modification de la culture d’entreprise, sur laquelle nous travaillons depuis 3 ou 4 ans. Nous sommes un assureur de grande taille et nous existons depuis 1934. Assez logiquement, la hiérarchie avait donc son importance. Mais nous avons fait en sorte de mettre plus d’horizontalité dans les rapports. Aujourd’hui, j’estime que 60 à 70% de nos forces ont basculé dans cette nouvelle vision, tandis que le reste est peut-être encore un peu dans l’ancien monde. Il y a à la fois un réel besoin et un grand potentiel dans cette transformation de nos manières de faire. L’autre point qu’institue votre raison d’être, c’est “l’attention sincère portée au monde”. Oui, nous considérons de notre devoir de proposer des produits vraiment utiles. Notre travail relève du conseil, de l’accompagnement, plutôt que de la vente stricte. Cette approche implique peut-être des chiffres un peu moins bons que chez les autres à court terme, mais cela nous aide à construire des relations de qualité sur le long terme, ce qui s’avère payant. Et puis, nous cherchons à ce que nous produits soient, plus largement, utiles à la société. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’aider un assuré automobile à remplacer la porte de sa voiture, nous allons l’orienter vers le choix d’une porte recyclée plutôt que vers l’achat d’un composant neuf. C’est aussi cette logique qui nous a poussé à inaugurer le fonds MAIF transition le 6 juin 2019 : il permet de participer au financement de projets solaires sur des exploitations agricoles en cours de transition vers le biologique. Comment la transition vers le numérique s’articule-t-elle avec cette transformation de la MAIF ? Dans les deux cas, les points clés se trouvent dans les relations humaines. Certes, en tant qu’assureur, nous sommes habitués à passer par le téléphone ou le face-à-face, mais nos sociétaires, eux, utilisent beaucoup plus le numérique. Il était donc logique d’y travailler, c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons “rebrandé” notre site. C’est aussi cette question des relations qui nous a poussés à construire des parcours omnicanal, afin que l’utilisateur puisse commencer ses démarches en ligne et les terminer avec l’un de nos conseillers. L’une des problématiques majeures pour les assureurs est la rareté des contacts avec leurs clients. Comment l’abordez-vous ? En moyenne, on estime qu’un sociétaire nous sollicite tous les 5 à 7 ans. Nous prenons donc position sur de nouveaux sujets pour garder le contact, comme nous le faisons par exemple avec notre application de gestion de comptes Nestor. Ce qui est compliqué, c’est qu’il nous faut absolument être très bon chaque fois que l’on fait une tentative, autrement c’est toute la marque qui risque d’en pâtir. Cela nous rend prudents dans les expérimentations que nous menons. Vous avez investi dans Ulule via le fonds MAIF Avenir et votre fonctionnement même repose sur la solidarité et la responsabilité collective. Dans quelle mesure vous intéressez-vous aux segments du crowdfunding et du crowdlending ? Il est certain que nous nous penchons dessus ! Nous avons une cible commune avec Ulule, donc il nous arrive de proposer à des sociétaires de la MAIF d’organiser des campagnes pour financer leur projet via la plateforme. Mais nous aimerions aller plus loin car leur philosophie nous plaît. Ce ne serait pas invraisemblable, par exemple, de pousser nos sociétaires à financer certains projets. Ou bien de parvenir à leur expliquer où va leur argent précisément, et donc d’introduire du crowdfunding ou du crowdlending qui permettent de flécher facilement vers des projets en besoin de financement. En moyenne, un sociétaire nous sollicite tous les 5 à 7 ans Nicolas Boudinet Directeur adjoint de la MAIF Mais pour le moment, cela pose des difficultés en termes d’exploitation de données, de possibilité d’opt-in et d’opt-out, etc. Même lorsqu’il s’agit de placer dans des fonds comme MAIF transition, il reste difficile de flécher précisément où va l’argent. En attendant, et pour que les gens aient une idée claire de l’impact qu’ils peuvent avoir, nous proposons de l’épargne solidaire, via France Active, et puis nous permettons à nos salariés d’utiliser l’arrondi sur salaire pour donner à l’association de leur choix. Est-ce que la MAIF soutient des causes précises ? Non, il ne s’agit pas de faire du mécénat. Du côté des bénéficiaires de l’arrondi, par exemple, les associations tournent assez régulièrement. Ce que l’on cherche, c’est plutôt le passage à l’acte, de nos salariés comme de nos sociétaires. C’est montrer qu’il est possible de faire des actions à impact. Ça demande un vrai travail de pédagogie, notamment si l’on reprend l’exemple de la porte de voiture cassée. Il faut souvent discuter un peu avec nos sociétaires pour qu’ils acceptent de la remplacer par du recyclé plutôt que du neuf, mais ça nous permet aussi de donner une meilleur conscience des emplois que la filière du recyclage peut créer ou de l’impact écologique de ce type de pratique. Comment envisagez-vous l’arrivée des Big Tech sur le marché de l’assurance ? Leur taille et leur force d’action pose forcément question, mais face aux GAFA et autres entreprises du même type, nous avons tout de même deux convictions fortes. D’une part, la marque MAIF a une valeur intrinsèque et d’autre part, la fusion de plusieurs assureurs serait assez complexe à réaliser. Donc selon nous, ce sur quoi il faut se concentrer n’est pas tant la taille que l’agilité. C’est aussi pour nous différencier que nous insistons sur les questions de protection des données. Cela nous permet de cultiver le sentiment de sécurité qui réside déjà dans notre marque assureur et de développer une confiance numérique à rebours de celle qui s’effrite actuellement envers les géants de la technologie. Nous faisons le pari que cette autre voix que nous portons sera écoutée et comprise. Ce sur quoi il faut se concentrer n’est pas tant la taille que l’agilité Nicolas Boudinet Directeur adjoint de la MAIF Nous étudions aussi ce que font nos concurrents. L’équipe de notre hub, menée par Chloé Beaumont, organise par exemple des sessions d’étude une fois par mois. La dernière était consacrée à Ping An. Ce n’est pas directement une Big Tech, mais cet acteur n’a tout de même pas hésité à sortir de son coeur de métier, l’assurance, pour devenir opérateur cloud. Il existe une opportunité business dans le domaine et Ping An l’a saisie. C’est aussi un groupe très doué dans la relation client et dans la facilité d’usage de ses services. C’est riche d’enseignements. Est-ce qu’une diversification aussi radicale des activités de la MAIF serait envisageable ? Peut-être pas directement, mais ce qui est certain, c’est que nous allons nous tourner de plus en plus vers des activités en BtoBtoC. Nous sommes persuadés que le client final achètera toujours plus fréquemment de l’assurance comme partie prenante d’un package, et/ou comme option d’un autre service. La MAIF a un vrai savoir-faire et il nous faut maintenant trouver de nouveaux angles pour en faire profiter les clients. C’est aussi pour cela que le fonds d’investissement MAIF Avenir se tourne de plus en plus vers des insurtech, des fintech, ou des entreprises spécialisées dans la deeptech, le cloud ou la protection des données. Vous avez racheté Altima en 2015. Comment cette filiale vous sert-elle dans cette diversification ? Altima est un laboratoire d’expérimentations, pour l’assurance à la demande ou l’assurance auto à la minute par exemple. Elle propose des produits avec la marque MAIF, et d’autres sans, ce qui donne un début de réponse à l’une des problématiques que la perspective du BtoBtoC nous pose : faut-il proposer des produits en marque blanche ? L’entreprise a aussi sa propre vie et permet d’aller assez loin dans les expérimentations sans engager la marque MAIF. L’auto-disruption est quelque chose d’assez complexe à mettre en place pour un groupe comme le notre, surtout si l’on connaît mal les résultats d’un nouveau modèle. Une filiale comme Altima permet de tester, et si jamais nous trouvons un modèle que nous considérons intéressant, nous foncerons. Pour le moment, que l’on parle d’assurance minute ou à la demande, je ne pense pas que nous y soyons encore [Valoo, start-up avec laquelle Altima a noué un partenariat dans l’assurance à la demande, vient d’ailleurs de cesser ses activités, ndlr]. Dans quelle mesure vous intéressez-vous à l’économie de plateforme ? Nous avons une offre pour les professionnels en cours d’élaboration. Elle viserait les indépendants et davantage les freelances dans les métiers intellectuels que les livreurs qui passent par des applications à la Deliveroo. On aimerait proposer une couverture assurantielle qui fonctionne pour le post-salariat, en réalité. Mais nous restons vigilant à ne pas encourager les grandes plateformes à créer des modèles dangereux, qui empêchent la création de syndicats ou la sécurisation de certaines formes d’emploi. Ce que nous cherchons à faire en permanence, c’est réconcilier les opportunités business avec un impact économique et social. Et cela se retrouve dans les trois axes de nos activités. D’abord, l’assurance dommages pour les particuliers, pour laquelle nous travaillons à l’amélioration des parcours clients et à une singularité de l’offre alimentée par l’impact réalisé sur la société. L’assurance de personnes et les offres BtoBtoC ensuite, qui nous permettent de nous diversifier. Et enfin, l’univers de services que nous développons autour et qui apporte une autre forme de valeur ajoutée, avec le service de cloud personnel Cozy Cloud ou “Mes Datas et Moi”. Ce sont autant de moyens de montrer que nous développons une approche alternative du numérique, pour une meilleure protection et une meilleure gestion des données. assurance dommagescrowdfunding Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Pratique RH : la MAIF embarque tout son corps social dans la transformation numérique La MAIF lance le fonds MAIF Transition avec Akuo Energy Valoo officialise la fermeture de sa plateforme