Accueil > Financement > Crédit > Affactureurs et recouvreurs de créances, premiers témoins des difficultés des TPE-PME Affactureurs et recouvreurs de créances, premiers témoins des difficultés des TPE-PME Confrontées au recouvrement de créances BtoB, les fintech spécialisées dans l’affacturage s’inquiètent de la probable asphyxie des plus petites sociétés du tissu économique français. Elles demandent au gouvernement de pouvoir bénéficier du mécanisme de garanties, afin d'aider à soutenir des trésoreries déjà durement touchées par la crise. Par . Publié le 31 mars 2020 à 12h01 - Mis à jour le 31 mars 2020 à 12h01 Ressources “C’est simple : en 15 jours, nous avons enregistré une multiplication par quatre de l’activité sur notre plateforme et nous avons constaté en parallèle un effondrement des paiements, commente Alexandre Bardin, fondateur et directeur général de Rubypayeur, fintech spécialisée dans le recouvrement de créances BtoB. C’est humain : les sociétés veulent rapatrier la trésorerie qu’elles ont dehors pour se sécuriser, mais aussi parce qu’elles ont peur que leurs clients soient défaillants.” La fintech se targue d’avoir un très bon taux de recouvrement amiable grâce à un système d’annuaire où sont inscrits les bons et les mauvais payeurs. Elle parvient ainsi à un taux moyen de 80% de recouvrements amiables, selon son dirigeant. Y compris dans les secteurs où la solution est performante, les sociétés ne paient plus, “soit parce qu’elles ne le peuvent pas, dans l’hôtellerie, le tourisme ou la restauration par exemple, soit par rétention de trésorerie”, explique Alexandre Bardin. Chez Finexkap, plateforme d’affacturage installée depuis 2015, le constat est similaire. “Nos processus de recouvrement sont assez automatisés, et c’est la première fois que l’on reçoit des réponses aux communications envoyées sans intervention, explique le cofondateur et directeur général Cédric Teissier. Les débiteurs nous disent qu’ils ne peuvent pas payer, ou qu’ils ne veulent pas le faire pour protéger leur entreprise.” Leur part reste infime parmi la clientèle de Finexkap, précise-t-il, mais le phénomène est suffisamment récent et soudain pour être préoccupant. Du côté d’Edebex, place de marché fondée en 2013 en Belgique et où les investisseurs rachètent les factures non-échues d’entreprises en recherche de financement, le cofondateur et directeur des opérations David van der Looven a constaté un bond dans l’arrivée de nouveaux clients, “de l’ordre de 25% de plus que d’habitude rien que la semaine dernière, et peut-être de 50% depuis le début de la crise”. La société, rappelle-t-il, réalise les trois quarts de son chiffre d’affaires en France. Sensibilisation des entreprises Dernier indicateur de la tension ambiante : le délai au-delà duquel les entreprises confient à Rubypayeur la tâche de les aider à recouvrer leurs créances. “Habituellement, il y a une forme de laxisme généralisé, les gens laissent passer jusqu’à 60 jours après la date d’échéance de la facture avant de nous confier leur dossier, détaille Alexandre Bardin. Actuellement, ils le font au bout de moins de 10 jours.” Plus de six fois plus vite, donc, comme pour souligner l’inquiétude qui entoure la récupération des fonds. Et les exemples constatés par Rubypayeur, Finexkap ou Edebex sont loin d’être isolés. Même le Printemps a été rappelé à l’ordre par Bruno le Maire après avoir envoyé un mail à tous ses fournisseurs pour leur signifier le gel des paiements. Le ministre a indiqué sur Twitter avoir obtenu la garantie que le groupe, qui travaille avec 3 500 marques, tiendrait “ses engagements à l’égard de ses fournisseurs” et respecterait “les délais de paiement, conformément à la loi”. Car le problème, pour Alexandre Bardin, c’est qu’“en bout de chaîne, ce sont les plus petites PME et TPE qui trinquent”. Et avec elles, les indépendants (25% des clients de Rubypayeur). La situation est telle que, pour la première fois, Rubypayeur constate que les échéanciers que la fintech avait réussi à négocier entre un créancier et son fournisseur sont stoppés net. “Les débiteurs arrêtent de payer, bloquent des virements déjà planifiés…”. Mais si les 50 fournisseurs du créancier se retrouvent à adopter le même comportement, cela devient très dangereux, souligne Alexandre Bardin. “C’est pourquoi notre métier prend une nouvelle dimension de prévention. On essaie de discuter, de relativiser la situation auprès des débiteurs”, explique-t-il. Et dans quelques cas, grâce à cette sensibilisation, la situation se débloque. Garanties gouvernementales Aucun des trois interlocuteurs de mind Fintech ne s’inquiète vraiment pour sa propre entreprise. Chez Finexkap, Cédric Teissier explique : “notre modèle est basé sur la santé des donneurs d’ordres, et puis nous travaillons avec Euler Hermès, ce qui nous protège un peu.” Chez Edebex, lui aussi partenaire de l’assureur-crédit, David van der Looven déclare : “notre service ajoute une ligne de crédit, une possibilité d’obtenir de la trésorerie quand les prêts par les banques sont inaccessibles”. Un outil qu’il décrit comme nécessaire en ces temps troublés, notamment parce qu’ils permettent d’obtenir des financements sur des petites factures, habituellement refusées par des acteurs traditionnels. Cédric Teissier admet tout de même des craintes “sur le côté prospectif”, sur l’évolution que l’on observera en mai ou en juin. Finexkap s’est joint à l’Association française des sociétés financières pour demander à l’État de pouvoir bénéficier du fonds de garantie de 300 milliards d’euros mis en place par l’État, en sus des 10 milliards destinés au soutien des assureurs-crédit. Car les sociétés d’affacturage et de recouvrement ne sont pas tellement envisagées par les outils existants. “Or, nous participons à financer l’économie, nous répondons à des besoins spécifiques qui, s’ils sont ignorés, manqueront aux plus petits”, considère le responsable de Finexkap. David van der Looven d’Edebex tient un discours similaire et demande “des garanties gouvernementales, pas des subsides”, le business model d’Edebex consistant à mobiliser de l’argent privé. Ce qu’il souligne, surtout, c’est que les assureurs-crédit traditionnels sont des acteurs mondiaux, “qui font face à une menace nouvelle et globale”. Mécaniquement, ils deviennent prudents, “on sait qu’ils accepteront moins de factures qu’autrefois”. Fournir des garanties, aider les fintech qui offrent d’autres solutions de financement que les acteurs traditionnels, “cela pourrait permettre d’aider à redémarrer l’économie, abruptement mise en pause à la première semaine du confinement”. La période est telle qu’il est très improbable que les choses redeviennent comme avant. “Mais réfléchir à des moyens créatifs de faire et de financer son activité quand le besoin s’en pésente, c’est aussi un moyen d’aller vers un nouveau normal”, conclut David van der Looven. affacturageassurance créditcoronavirus Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Coronavirus : les plateformes de prêts pour PME réagissent face à la crise Le gouvernement dévoile des mesures de soutien propres aux start-up