Accueil > Investissement > Structures d'investissement > Flore Jachimowicz (Société Générale) : “Le but premier du Plateau était de modifier nos méthodes de travail et nous y sommes parvenus” Flore Jachimowicz (Société Générale) : “Le but premier du Plateau était de modifier nos méthodes de travail et nous y sommes parvenus” Début 2017, la Société Générale a ouvert #LePlateau, un espace dédié à l’incubation de start-up externes et de projets internes au groupe bancaire. Retour sur l’évolution du projet avec celle qui l’a supervisé pendant plus de trois ans : Flore Jachimowicz, directrice associée de l’Innovation du groupe bancaire. Par . Publié le 24 octobre 2019 à 15h24 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h57 Ressources Pourquoi avoir créé #LePlateau ? Le but du projet était de faire le lien entre deux milieux qui se connaissaient mal, celui des collaborateurs du groupe Société Générale et celui des start-up, de l’écosystème d’innovation. Il s’agissait de les faire se rencontrer afin qu’ils partagent et s’enrichissent mutuellement. Comment avez-vous institué cet échange ? Nous avons commencé en 2015, en cherchant d’abord à ouvrir le groupe à l’écosystème d’innovation, à “élargir la surface de frottement” entre Société Générale et le monde des start-up, incubateurs, écoles, centres de recherche, capital-risqueurs, etc. Nous avons donc commencé par faire sortir de nos murs quelque 1500 collaborateurs, toutes directions et tous métiers confondus, entre avril 2015 et septembre 2016. Ils passaient plusieurs jours dans des incubateurs pour essayer de faire avancer leurs projets d’une nouvelle manière. La création du Plateau était la deuxième phase de cette logique de partage avec l’écosystème d’innovation ? Oui, il s’agissait même d’accueillir une partie de cet écosystème dans nos murs. Nous l’avons fait dans le continuum de la création de notre technopôle Les Dunes à Val de Fontenay. Cet environnement d’innovation sur les méthodes de travail du groupe, les technologies utilisées, etc. était déjà en construction. Nous y avons adjoint #LePlateau, un espace de 1000 mètres carrés dans lequel nous pouvions matériellement accueillir des start-up externes et internes. Cela nous a permis de créer un environnement identifié Société Générale mais adapté à la vie des start-up et clairement inspiré de ce que peuvent faire les GAFAM. Quand #LePlateau a-t-il ouvert précisément ? En octobre 2016, encore en chantier, avec quelques start-up qui étaient prêtes à nous rejoindre alors que nous n’avions que la lumière et le wifi. Elles nous ont aidés à terminer l’aménagement et l’ouverture officielle a eu lieu en janvier 2017. Comment sélectionnez-vous les start-up externes ? Nous pouvons chercher à leur faire répondre à un besoin utilisateur, à nous assurer que nous créerons un lien entre la start-up et les métiers, car l’idée est de faire grandir les deux mais aussi de pérenniser nos relations. Mais nous faisons aussi entrer des start-up qui ne correspondent pas à notre coeur de métier, mais qui sont en accord avec le fil rouge que l’on a établi pour l’année. L’accent a par exemple été mis sur l’économie à impact positif et les grandes transformations de la société en 2018, puis sur tout ce qui touche à l’inclusion et à la diversité en 2019. Nous avons ainsi accueilli Smart Prepa, une solution digitale d’aide à la préparation aux concours pour les étudiants, ou encore Waltio, toujours résident, qui aide à la déclaration fiscale de portefeuille de cryptomonnaies. Est-ce vous qui les sourcez ou viennent-elles vous solliciter d’elles-mêmes ? Les deux. Elles peuvent aussi nous être recommandées par l’ensemble de nos partenaires dans l’écosystème. MakeSense, School Lab ou Tech Star, par exemple, nous signalent les start-up avec lesquelles nous pourrions travailler. Dans tous les cas, elles sont recrutées après avoir été auditionnées et avoir rencontré les équipes et les métiers. Comment se passe la collaboration avec les salariés de Société Générale ? Une équipe opérationnelle peut nous exposer un besoin ou un problème précis à régler, ou, lorsqu’une start-up se présente, nous savons qu’elle pourrait combler l’un de nos besoins. Toutes les start-up externes ont été mises en lien avec un métier ou une fonction support du groupe, car notre objectif est de faire le lien entre elles et notre groupe. La collaboration se crée aussi naturellement au coeur de la communauté des résidents du Plateau, par sérendipité. Comment intégrez-vous les collaborateurs au Plateau ? Une équipe qui souhaite développer son projet peut venir l’accélérer grâce à de nouvelles méthodes de travail et utiliser les ressources que nous mettons à leur disposition. Leur séjour dure en moyenne entre 2 jours et 1 à 2 semaines, mais il a pu s’étendre jusqu’à 2 mois. D’autre part, nous accueillons des start-up internes. Il s’agit de sortir les collaborateurs intrapreneurs de leurs activités habituelles et de les laisser travailler en autonomie au Plateau, de manière itérative, pour faire avancer un projet soit transversal et utile à plusieurs unités, soit sur un sujet plus vertical très innovant. De notre côté, nous aidons ces équipes et nous les accélérons comme des start-up classiques, en nous appuyant sur nos partenaires incubateurs et accélérateurs. Combien de groupes sont passés par #LePlateau de cette deuxième manière ? Nous avons testé le concept de 2017 à mi-2018 avec 5 start-up, puis nous sommes passés à l’échelle de l’intrapreneuriat en lançant l’“Internal Start-up Call”, un programme d’intrapreneuriat développé dans l’ensemble du groupe. De quoi s’agit-il ? C’est un projet lancé par Frédéric Oudéa et issu du travail du comité de direction : les cadres dirigeants du Groupe ont proposé 16 axes stratégiques à l’innovation et à la banque de demain. Nous avons lancé une phase d’idéation auprès des 145 000 collaborateurs du Groupe, qui ont remonté plus de 700 idées et formalisé 350 matrices d’affaires. Ces équipes ont pitché leurs idées devant les membres du comité de direction, qui avaient pour mission de sponsoriser les projets qu’ils étaient prêts à accompagner pendant six mois. Soixante ont été retenus. Quels types d’axes stratégiques ont été établis ? Ils étaient assez variés. Ce pouvait aussi bien être “valoriser les données tout en préservant la confiance “ que “la banque à impact positif”, le “coffre-fort de données”, les “tendances sociétales et nouvelles offres bancaires” ou encore les “activateurs de services tiers”. Vous avez donc accueilli tous ces projets au #Plateau ? Non. #LePlateau a hébergé le Pitch Day devant les membres du comité de direction. Les start-up internes ont été incubées chez une vingtaine d’incubateurs externes, partenaires du Groupe. Les premières ont commencé à l’être en mai 2018, les dernières en octobre 2018. Toutes ont bénéficié de périodes d’incubation maximum de six mois, qui se sont achevées, pour les dernières, en avril 2019. Pouvez-nous donner quelques exemples de cas étudiés par ces entreprises Nous avons eu de tout, du BtoB, du BtoC et même du BtoBtoC. Clipeum, par exemple, imagine créer un “WhatsApp du KYC”. La connaissance client suivant un processus réglementaire très encadré, Clipeum souhaitait simplifier la vie du client entreprise, multibancarisé : en partageant la procédure de KYC entre institutions, elle peut lui permettre d’ouvrir plus rapidement de nouveaux comptes auprès d’autres banques. Nous avons aussi des projets de valorisation des actifs existants. La cybersécurité, par exemple, fait partie des forces de la banque, puisqu’elle est en lien direct avec ses activités. La réflexion a été donc de mettre cette expertise à disposition des clients pour en faire une nouvelle ligne d’activité de la banque. Il y a aussi eu des projets centrés sur la tokenisation d’actifs ou l’usage de la blockchain pour la certification des transactions. Et beaucoup d’autres choses encore. Que se passe-t-il à la fin de la période d’incubation ? Pour les start-up externes, si on a réussi à aller jusqu’à la création d’un Proof of Concept (PoC) avec une de nos unités métiers, elles peuvent rester un peu plus. C’est arrivé avec Birdycent, par exemple [une application qui permet d’épargner grâce à l’arrondi, ndlr]. Pour les projets internes, nous ne sommes que six mois après les dernières accélérations, donc nous n’avons pas beaucoup de recul. Près de la moitié des soixante projets ont été intégrés dans les lignes métiers et continuent de fonctionner en mode start-up. Sur cette petite moitié, entre 6 et 8 pourraient potentiellement donner lieu à des spin-off, et être capitalisés. Mais c’est encore tôt pour le dire, il ne faut pas être présomptueux. Quelles ont été les difficultés rencontrées dans cet apprentissage de l’innovation ? Notre objectif premier était de modifier nos méthodes de travail et de nous ouvrir complètement à l’écosystème. On peut considérer qu’il est atteint. Par ailleurs, nous avons réussi à faire bouger tout le monde sur un temps assez court, y compris à l’international. Après, lancer des projets qui créeront de nouveaux business, qui seront en rupture, cela reste difficile. Mais c’est compréhensible : il est compliqué pour un sponsor de se projeter sur un business qui, dans trois ans, remettra totalement en cause ce que lui réalise aujourd’hui. Toutefois, les 6 à 8 start-up que j’évoquais répondent à ce genre de vocation. Une autre difficulté, tout de même, est celle que nous avons à faire comprendre qu’il ne faut pas nécessairement travailler sur des activités liées à la Société Générale pour être incubé. Le fait d’avoir un contrat avec nous à la fin de la période d’incubation est un objectif, mais ça n’est pas une nécessité. Le partage de l’information a aussi été un point délicat dans une industrie habituée au secret. Diffuser en live les conférence organisées sur #LePlateau, pousser les start-up internes à pitcher partout, tout le temps, et notamment à l’extérieur… Cela a été un vrai challenge. Combien de personnes travaillent directement pour #LePlateau ? Aujourd’hui, quatre personnes travaillent sur ce projet : une en charge du pilotage général et de la création de contenu, une de l’accompagnement des start-up et du lien avec les métiers, une qui gère les outils de communication pour faire vivre la communauté, et un office manager pour organiser la vie sur le lieu en lui-même, puisqu’il accueille beaucoup de monde. Combien de personnes avez-vous accueillies ? Depuis l’ouverture du Plateau, environ 13 000 personnes y sont passées ou ont été résidentes, dont un soixantaine de start-up externes, une soixantaine d’équipes internes venues accélérer leur projet en quelques jours, et de très nombreuses start-up interne. #LePlateau se décline auprès de toutes les implantations du groupe Société Générale ? Pas exactement. Notre groupe est présent dans 67 pays. Le Plateau, lui, est à la fois un espace en ligne, un centre de ressources accessible à tous, et plusieurs lieux. Le site des Dunes est le foyer historique, mais nous avons créé des équivalents au Luxembourg, en Inde, à New-York, à Londres… Tous ne s’appellent pas Plateaux, mais ils forment un réseau de lieux d’innovations, et participent à la transversalité de la démarche. C’est ce réseau qui a permis de mener l’internal start-up call en République tchèque, en Allemagne et dans d’autres pays. En quoi la vision du Plateau a-t-elle évolué depuis son lancement ? La connexion d’un grand groupe à l’écosystème des start-up et l’acculturation à l’open innovation, à l’époque où on l’a lancé, c’était assez nouveau. Ça ne l’est plus aujourd’hui. L’acculturation est là, elle est reconnue, aussi nous avons de nouveaux objectifs beaucoup plus centrés sur la réponse aux besoins de nos clients, par le biais de cas d’usage clairement identifiés et d’une sélection de start-up beaucoup plus professionnelles. Nous sommes beaucoup plus concentrés aujourd’hui sur la valeur ajoutée d’un partenariat pour la start-up et pour nous. En fait, nous avons acquis une certaine maturité numérique, technologique, humaine et culturelle, ce qui était nécessaire pour passer à la deuxième phase de la transformation numérique, à savoir le passage à l’échelle de ces nouveaux acquis. Pour cette deuxième étape, c’est à Guillaume Cabrère que j’ai eu le plaisir de passer le relais avant l’été. incubateurinnovationstart-up Besoin d’informations complémentaires ? 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