Accueil > Assurance > Assurance numérique & collaborative > Jacob Hasson (Scope Technology) : “Les assurances basées sur l’usage ne réduisent pas la sinistralité” Jacob Hasson (Scope Technology) : “Les assurances basées sur l’usage ne réduisent pas la sinistralité” Scope Technology, spécialiste des voitures connectées et de produits de télématique, sert de prestataire technique à des assureurs (dont Groupama par exemple) pour leurs offres comportementales de “pay how you drive”. Parmi ses concurrents, TomTom telematics ou Baseline Telematics. Jacob Hasson, vice-président exécutif, décrypte l’offre de Scope Technology et analyse le développement du marché. Par Aude Fredouelle. Publié le 13 février 2018 à 10h44 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 16h01 Ressources Vous aidez les assureurs à recueillir les données de conduite pour mettre en place des offres comportementales (“pay how you drive”). Votre solution SaaS assure-t-elle aussi leur analyse ? Nous sommes d’abord capables d’enregistrer le comportement de l’utilisateur par différents moyens : un boîtier, une application mobile ou encore des voitures connectées comme la Zoé de Renault. Ensuite, nous proposons une plateforme d’analyse qui, à partir des données recueillies, calcule le score de risque pour chaque personne. Nous proposons aussi une plateforme d’analyse des réclamations : quand un utilisateur a un accident, nous pouvons être informés en une minute puis déterminer comment ça s’est passé, la probabilité qu’il y ait des blessés, l’endroit où la voiture a été endommagée, l’intensité des dommages… Et nous pouvons transférer le tout à l’assureur. Enfin, nous proposons des services à valeur ajoutée pour les clients finaux : par exemple, une fonction destinée aux parents qui veulent recevoir une notification si leur enfant conduit pendant la nuit ou dépasse une certaine vitesse, un envoi de notification en cas de retrait par la fourrière… Selon ce que notre client souhaite, nous mettons en place une licence mensuelle. Ensuite, nous fournissons des modèles déjà créés, mais les assureurs peuvent modifier les algorithmes tant qu’ils le souhaitent. Quelle méthode de recueil des données recommandez-vous ? Tout dépend du service que l’assureur veut mettre en place (analyser les accidents, surveiller le comportement du conducteur, apporter des services à valeur ajoutée) et de la cible qu’il vise… Le moins précis et le moins cher, c’est l’application mobile : on peut collecter quelques informations sur le comportement du conducteur, mais il faut qu’il active le bluetooth à chaque fois et en cas d’accident, nous ne pouvons pas analyser ce qui s’est passé. Ensuite, nous proposons un petit device connecté sur la batterie du véhicule, qui recueille de nombreuses informations sur le comportement du conducteur, les accidents…mais pas sur le véhicule (consommation d’essence, problème technique…). Enfin, le boîtier qui se branche sur la prise OBD est le plus précis. Quels sont vos indicateurs de performance ? Nos offres de UBI [Usage-based insurance, ndlr] servent à résoudre trois problèmes. D’abord, le besoin de comprendre précisément le risque et d’adapter les prix en fonction. Aujourd’hui, les assureurs le font grâce à des données comme l’âge, le score de crédit… Nous pouvons les aider à améliorer cette connaissance. Ensuite, ils doivent traiter le problème des réclamations, détecter les cas de fraude et évaluer si le client doit être remboursé et si oui, de quel montant ? Sachant qu’il y a un lien entre le temps mis pour répondre à une réclamation et le taux de fraude : plus les assureurs mettent de temps à répondre, plus les assurés sont tentés de frauder. Enfin, le troisième problème est celui de la lutte contre l’attrition. Les clients ne comprennent souvent pas les subtilités des différentes polices d’assurances donc ils s’efforcent de comparer les prix et ils changent facilement s’il y a moins cher ailleurs. Il y a peu de fidélité dans le secteur de l’assurance et de plus en plus de compétition. L’UBI permet de résoudre ces trois problèmes à la fois. Utilisez-vous les données d’un assureur pour améliorer les modèles des autres ? Non, nous n’utilisons pas les données d’un assureur, même anonymisées, pour améliorer le modèle d’un autre, car pour eux il est très important de garder la main sur cette source de valeur. Et nous leur proposons de multiples produits pour valoriser leurs données. Nous avons ainsi créé des produits liés à la ville intelligente. Par exemple, on peut utiliser l’analyse Big Data pour déterminer les intersections les plus dangereuses des villes, puis étudier la disposition des routes et en déduire des schémas de mobilité et des probabilités accidentogènes. Voyez-vous un impact des assurances “pay how you drive” sur la sinistralité ? Non, je ne pense pas que l’assurance comportementale aide à diminuer la sinistralité. Les personnes qui conduisent de manière risquée ne se tournent pas vers ce genre de produits, et je pense qu’on ne peut pas modifier le comportement des gens. Un conducteur qui se comporte de manière très risquée fera peut-être des efforts pendant un temps mais oubliera rapidement qu’il est surveillé. Pour les assureurs, l’intérêt est davantage de mieux comprendre le risque, d’améliorer leurs modèles de tarification et d’identifier de nouveaux segments de clientèle. L’assurance comportementale peut aussi permettre de réduire le coût de gestion des sinistres. Habituellement, cela coûte 70 à 150 euros à un assureur. Mais utiliser une plateforme comme la nôtre pour recueillir des informations sur ce qui s’est passé permet de réduire ce coût. Combien de véhicules embarquent votre technologie dans le monde ? En France ? Dans le monde, notre technologie aide à gérer 300 000 assurances UBI, via des boîtiers ou des applications mobiles. Mais notre technologie est aussi utilisée par d’autres secteurs, dans la logistique par exemple ou pour des flottes de véhicules professionnels. En France, nous travaillons avec Amaguiz de Groupama, Suravenir et A comme Assure pour l’offre Novys, avec la MAIF et aussi avec Renault, pour intégrer directement dans la voiture un outil de télématique. L’un des plus gros assureurs français annoncera un produit conçu avec nous en mars ou en avril prochain. Enfin, nous sommes en train d’étendre le partenariat avec Renault à d’autres modèles. Un responsable France est en cours de nomination après le départ du précédent. Le prix élevé des boîtiers oblige les assureurs à ne les proposer qu’à des populations ciblées, comme les jeunes ou les conducteurs faisant preuve d’un bon historique. Croyez-vous à une démocratisation ? Le prix des boîtiers diminue chaque année puisque la production augmente. Par ailleurs, de nombreuses sociétés espèrent pouvoir offrir des services basés sur le boîtier et sont donc prêts à prendre en charge leur coût. Par exemple des sociétés de réparation et d’entretien automobile peuvent négocier un accord exclusif pour pousser des offres et des réductions aux utilisateurs. En échange, ils prennent en charge le coût des boîtiers devant revenir à l’assureur. De premiers accords de ce genre sortiront cette année. Par ailleurs, les assureurs peuvent utiliser l’UBI comme canal d’acquisition puis faire de l’up-selling (montée en gamme) sur les clients séduits. Dans ce cas, le coût du boîtier peut être considéré comme un coût d’acquisition classique. N’oublions pas aussi qu’à partir de cette année, les constructeurs sont obligés par la Commission européenne à embarquer directement dans les véhicules des systèmes de télématique pour alerter les secours automatiquement en cas d’accident. Le problème, c’est que les constructeurs ne veulent pas partager les données. Ils veulent créer de nouveaux business models avec des services autour de la donnée et refusent de s’ouvrir avant de savoir exactement comment monétiser le système, d’autant que certains pensent à vendre des assurances eux-mêmes. Pour l’instant, ce ne sera donc pas accessible pour les assureurs. Mais je ne pense pas que l’Union européenne acceptera qu’ils demeurent en situation de monopole et qu’ils n’acceptent de partager les données qu’avec des garages autorisés et partenaires, par exemple. Bruxelles est en train d’y réfléchir et pourrait forcer les constructeurs à ouvrir leurs données. Aude Fredouelle assurance connectéeobjets connectéspay as you drivepay how you drive Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire L’assurance de "pay how you drive" de Direct Assurance réduit l’accidentologie de 20% AcommeAssure lance son offre de Pay How You Drive avec Suravenir Assurances Les assureurs cherchent un modèle rentable pour le “pay how you drive”