Accueil > Analyses > En 2024, les multiples des paytech cotées ont repris des couleurs En 2024, les multiples des paytech cotées ont repris des couleurs Après le durcissement des conditions de marché débuté fin 2021, l’année 2024 a vu les fintech repartir doucement du bon pied. mind Fintech s’appuie sur les résultats annuels des paytech cotées (PayPal, Block, Adyen, Paysafe, Paytm, Payoneer et Marqeta) pour analyser ce nouveau départ basé sur des modèles économiques assainis. Par Caroline Soutarson avec Sara Chaouki. Publié le 15 mai 2025 à 6h00 - Mis à jour le 15 mai 2025 à 15h20 Ressources Alors que Klarna, Circle, ou encore Ebury ont freiné leurs projets d’introduction en Bourse (IPO), dans un contexte de fortes turbulences sur les marchés boursiers mondiaux provoquées par la politique protectionniste menée par Donald Trump, les fintech déjà cotées ont publié leurs résultats financiers de 2024. Celles dédiées au paiement, les paytech – nous nous sommes intéressés à PayPal, Block (ex-Square), Adyen, Paysafe, Paytm, Payoneer et Marqeta -, affichent pour la plupart une croissance. Le spécialiste indien du paiement en ligne Paytm et le prestataire de services de paiement (PSP) états-unien Payoneer ont enregistré les plus fortes progressions sur l’exercice, avec des revenus en hausse de 25 % et de 18 % respectivement. Consultez les indicateurs financiers des paytech cotées dans notre rubrique Data Chiffre d’affaires en baisse chez Marqeta Un seul acteur a connu une baisse de son chiffre d’affaires en 2024, la plateforme d’émission et de processing de cartes de paiement américaine Marqeta. Ses revenus nets ont même reculé pour la deuxième année consécutive, passant de 748 millions de dollars en 2022 à 507 millions de dollars en 2024, soit une diminution de 32 % en deux ans. Et ce, malgré l’augmentation de 75 % de son volume de paiements traités (TPV) sur la même période. La perte de chiffre d’affaires résulte essentiellement du renouvellement du contrat de Marqeta avec son plus grand client, Block, à des conditions tarifaires moins-disantes. Ce dernier recourt à Marqeta pour les cartes de sa néobanque BtoC Cash App, mais aussi pour sa Square Card, disponible aux États-Unis et au Canada. En échange d’une collaboration qui court désormais jusqu’en 2028, l’émetteur de cartes a accepté une baisse de son taux de marge de 40 %, ainsi qu’une délégation plus élevée des responsabilités à Block, qui gère désormais directement ses relations avec les réseaux de cartes. Ce changement modifie à la fois la structure de coûts de Marqeta, mais aussi son pouvoir de négociation avec lesdits réseaux, soulignait Morningstar en 2023. Si le renouvellement d’un contrat a un si grand impact sur les résultats financiers de Marqeta, c’est que l’entreprise est particulièrement dépendante de Block, avec qui elle collabore depuis 2016. Dans son rapport annuel 2024, l’émetteur de cartes écrit : “un petit groupe de clients compte pour une grande proportion de notre revenu net. […] pour les années se terminant au 31 décembre, 2024, 2023 et 2022, Block a constitué 47 %, 68 % et 71 % de notre revenu net, respectivement” (voir graphique pour un historique plus large). À noter qu’en rachetant le spécialiste australien du paiement fractionné (BNPL) Afterpay, également client de Marqeta aux États-Unis depuis 2020, Block a accru son pouvoir de négociation. Les TPV augmentent plus vite que les chiffres d’affaires Pour autant, l’activité de Marqeta a progressé en 2024. Son volume de paiements traités (TPV) s’est élevé à 291 milliards de dollars, soit une hausse de 31 % par rapport à 2023, notamment grâce à la croissance des volumes de Block. Marqeta fait ainsi partie des bons élèves du panel en termes de progression du TPV, avec Paytm (39 %) et Adyen (33 %), qui a dépassé les 1 000 milliards de dollars de paiements traités en 2024. Payoneer, qui a enregistré une belle croissance de son chiffre d’affaires en 2024 (+18 %), a également vu son TPV augmenter de 21 %, contre 11 % entre 2022 et 2023. Pour PayPal, Block, Marqeta et Paytm, les volumes processés continuent de croître en 2024, mais à une vitesse moindre qu’en 2023. Dans le cas des deux premiers, qui sont aussi les fintech les plus anciennes de notre panel, les taux de croissance du TPV étaient inférieurs à 10 % en 2024. En 2024, les ajustements de business model portent leurs fruits Les hausses des chiffres d’affaires et de volumes de paiement processés s’accompagnent de résultats nets majoritairement en hausse, et positifs. Dans le cas de Marqeta et Paysafe, 2024 est leur premier exercice rentable depuis leur introduction en Bourse en 2021. Pour sa part, Block à renoué avec la rentabilité en 2024, après deux années dans le rouge. Après le retournement de conjoncture, entamé fin 2021 et poursuivi en 2022, et les ajustements budgétaires qui en ont découlé (licenciements, baisse des budgets marketing…), les croissances sont désormais plus contrôlées, et les modèles économiques plus sains. Comme pour leurs consœurs non cotées, 2022 et 2023 ont été des exercices où il a fallu prouver la rentabilité de son activité auprès des investisseurs, par opposition aux années précédentes où des montants significatifs pouvaient être consacrés à la seule croissance. Seul PayPal a vu son résultat net légèrement reculer en 2024 (-2 %). “Le bénéfice net a diminué de 99 millions de dollars […] principalement en raison de pertes nettes sur les investissements stratégiques au cours de la période actuelle par rapport à des gains nets sur les investissements stratégiques au cours de la période précédente”, explique la société dans son rapport annuel. Fin 2024, les “investissements stratégiques” de PayPal, en grande partie réalisés dans le non coté, représentaient 1,6 milliard de dollars, soit 10 % de sa trésorerie totale, indique la société dans le même document. Avec le deuxième plus important bénéfice net de notre panel (près de 2,9 milliards de dollars), Block repasse largement devant Adyen (925 millions d’euros, soit plus d’un milliard de dollars selon nos calculs – voir notre méthodologie) et Payoneer (121 millions de dollars). Toutefois, ce bénéfice net, sans commune mesure avec les résultats antérieurs de la société, ne découle pas seulement de la croissance de son activité. Si Block a fait état d’un bénéfice opérationnel de 892 millions de dollars en 2024, contre une perte de 279 millions de dollars l’année passée, son bénéfice net de 2,9 milliards de dollars est imputable à des facteurs extérieurs à sa production. Une première partie de l’écart (421 millions de dollars) s’explique par l’application d’une nouvelle méthode de calcul comptable pour la valorisation des investissements de Block en bitcoins (la norme comptable ASU 2023-08 concernant les cryptoactifs a été émise le 13 décembre 2023 par le comité des normes comptables et financières, FASB). Au 31 décembre 2024, Block disposait de 8 485 bitcoins, pour une valorisation totale de plus de 792 millions de dollars. Le bénéfice opérationnel a également été gonflé de plus de 1,5 milliard de dollars, en raison de dispositions fiscales. Les capitalisations boursières reviennent au niveau de fin 2022 L’assainissement des modèles économiques et la rentabilité retrouvée font repartir les capitalisations boursières des paytech cotées à la hausse. Au 31 décembre 2024, elles oscillaient entre 1,05 milliard de dollars (Paysafe) et 87 milliards (PayPal) et s’élèvaient au moins au même niveau qu’au 31 décembre 2022, pour la plupart des paytech de notre panel. Seule Marqeta est demeuré en-deçà, avec une capitalisation boursière de 3,3 milliards de dollars fin 2022, contre 1,8 milliard fin 2024. Une évolution en ligne avec la baisse de son chiffre d’affaires sur deux exercices consécutifs et malgré un premier bénéfice net en 2024 (27 millions de dollars). Il faut dire que ce premier résultat dans le vert est principalement dû à “la renonciation à la prime d’intéressement à long terme du président exécutif”, précise le rapport annuel 2024 de Marqeta. Mécaniquement, alors que les multiples de valorisation s’étaient effondrés ces dernières années, la moyenne des multiples de chiffre d’affaires des paytech cotées étudiées s’élève à près de 5,7, contre 4,9 en 2023. La médiane, quant à elle, est passée de 2,7 à 3,6. À noter, le retrait de la cotation du PSP canadien Nuvei dans ce laps de temps. La société a été privatisée pour environ 6,3 milliards de dollars et appartient désormais à Advent International. Historiquement et encore en 2024, Adyen est loin devant, avec un multiple de chiffre d’affaires proche de 21 – un nombre relativement élevé mais éloigné de celui observé à fin 2020 (91,5). Seul Marqeta a vu son multiple de chiffre d’affaires poursuivre sa chute, de 5,4 fin 2023 à 3,6 fin 2024 – loin de son pic de 2022 (20). Alors que ses revenus ont fondu de 25 % d’une année sur l’autre, sa capitalisation boursière a diminué de moitié. Concernant les multiples de résultats nets, les évolutions sont plus contrastées. Ils sont en hausse et positifs pour Block, Marqeta, Payoneer, PayPal et Paysafe, celui d’Adyen poursuit sa baisse entamée en 2021, tandis que Paytm n’a pas encore atteint la rentabilité. La réélection de Donald Trump à la présidence des États-Unis soumet les fintech cotées à un environnement financier incertain. Alors que le Républicain est théoriquement pro-entreprises et pro-innovation, ses choix en matière de politique économique et internationale ont déjà créé des remous inattendus sur les marchés en 2024, et pas seulement aux États-Unis. Difficile, dans ce contexte, de prédire l’évolution des multiples dans les mois à venir. Un climat politique peu favorable aux IPO Alors que le nombre d’IPO dans le monde est en baisse depuis le pic de 2021 – année pendant laquelle EY dénombrait 2 436 introductions en Bourse – plusieurs fintech ont annoncé en 2024 leur intention de devenir publiques en 2025, comme le géant suédois du BNPL Klarna, son concurrent britannique Zilch, la néobanque états-unienne Chime, la plateforme de gestion des dépenses d’entreprise californienne Navan (ex-TripActions) et la plateforme de paiements internationaux Ebury. Au premier trimestre 2025, leurs préparatifs allaient bon train. Mais les annonces soudaines du président américain Donald Trump sur l’introduction de droits de douane renforcés pour la plupart des pays dans le monde, et leurs répercussions sur les marchés financiers – une forte volatilité notamment -, ont bousculé les plans de Klarna, Circle ou encore Ebury… Après avoir réfréné leurs ardeurs, comme les autres, seuls l’Américain Chime et l’Israélien eToro ont repris leurs démarches pour leur introduction en Bourse. Selon le média tech israélien CTech, la tournée de présentation (roadshow) s’est très bien passée, avec une sursouscription telle que Goldman Sachs et Jefferies, les banques d’affaires en charge, ont fermé le carnet d’ordres le 12 mai. Le courtier en ligne devrait lever plus de 500 millions de dollars pour une valorisation de plus de 4 milliards de dollars lors de son entrée au Nasdaq le 14 mai. Méthodologie La majorité des données utilisées dans cet article ont été collectées en avril 2025 par mind Fintech dans les rapports financiers annuels des paytech de notre panel : Adyen, Block, Marqeta, Nuvei, Payoneer, PayPal, Paysafe et Paytm. Nous avons choisi ces entreprises car une grande partie de leur activité est dédiée aux paiements et qu’elles ont réalisé leur introduction en Bourse après l’an 2000 (cela vaut aussi pour PayPal, qui a réalisé une première IPO en 2002, bien que nous ayons pris comme point de départ sa seconde IPO, en 2015, pour nos datavisualisations). Nous avons aussi choisi de représenter le PSP canadien Nuvei dans les graphiques, malgré son rachat par Advent International, car l’évolution de ses indicateurs jusqu’en 2023, en parallèle de ceux des paytech encore cotées, nous paraissait pertinente. Dans l’article, nous recourons indifféremment aux termes “revenus” et “chiffre d’affaires”. Par ailleurs, ils peuvent recouvrir des réalités comptables différentes puisque, dans le cas d’Adyen, Block, Marqeta et PayPal, nous avons collecté leurs “revenus nets”. Pour Nuvei, Payoneer, Paysafe et Paytm, il s’agit des revenus bruts. Les résultats financiers mis en avant dans l’article ont été convertis en dollars, lorsqu’ils étaient initialement dans une autre devise (en euros et en roupies notamment). De plus, afin que l’évolution des taux de change ne biaise pas l’évolution des indicateurs, nous les avons convertis, pour chaque année, au taux de change moyen en 2024. La majorité des paytech cotées clôturent leurs exercices comptables au 31 décembre. Toutefois, dans notre panel, Paytm le termine au 31 mars. Dans ce cadre, nous avons choisi d’attribuer à l’année n (2024 par exemple), l’exercice clos au 31 mars de l’année n (au 31 mars 2024). C’est aussi au 31 décembre que nous avons arrêté les capitalisations boursières des paytech cotées qui ont servi au calcul des multiples. Ces données proviennent de CompaniesMarketCap. Les données récoltées pour cet article alimentent une ressource data dédiée. Elle sera mise à jour annuellement avec les nouveaux indicateurs de performance. Nous avons aussi l’ambition de l’étoffer avec les résultats de fintech cotées pas seulement dédiées aux paiements. Une remarque ? Une question ? Contactez-nous : datalab@mind.eu.com Caroline Soutarson avec Sara Chaouki dataindicateurintroduction en Boursepaiement en lignepaiement en magasin Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Face au tumulte boursier, Klarna gèle son projet d’IPO Wise pourrait se faire coter sur le FTSE 100 Start-up à la loupe Comment le spécialiste du paiement en restaurant Sunday amorce sa relance en Europe Qonto s’appuie sur Mollie pour développer l’encaissement en ligne Thunes lève 150 millions de dollars pour renforcer son réseau de paiement Entretien Houssem Assadi (Market Pay) : “La certification MPoC marque l’entrée dans une phase de généralisation du SoftPOS”