Accueil > Investissement > Simon Polrot : “VariabL utilise un moteur à deux niveaux pour créer des produits dérivés sur la blockchain” Simon Polrot : “VariabL utilise un moteur à deux niveaux pour créer des produits dérivés sur la blockchain” Simon Polrot dirige l’un des projets hébergés au sein du “start-up studio” Consensys France. Baptisé VariabL, il vise la création sur la blockchain d’une plateforme de trading de produits dérivés. Enjeux techniques, réglementaires, concurrentiels…, l’ancien avocat de Fieldfisher commente la stratégie de lancement de VariabL. Par Aude Fredouelle. Publié le 25 juillet 2018 à 15h47 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 16h00 Ressources Le projet VariabL est né en septembre 2017. En quoi consiste-t-il ? VariabL est d’abord né de réflexions sur la création d’actifs sur la blockchain qui auraient une valeur fixe par rapport à une valeur de référence, les stable coins. C’est le graal pour la blockchain puisque cela permet de créer une monnaie utilisable sur des applications décentralisées mais qui reste stable. Par exemple, l’application Bounty Network sur Ethereum, qui permet de réaliser un travail pour quelqu’un en se faisant payer, bloque les fonds sur un contrat intelligent et les débloquent une fois la tâche effectuée. Le temps de libérer les fonds, la crypto-monnaie pourrait avoir changé de valeur. La plateforme utilise donc un stable coin, le DAI, pour s’assurer que le prix demeure constant. Comment crée-t-on un stable coin ? Des projets ont été lancés aux Etats-Unis. Pour créer un “stable token”, la première option est de faire le lien entre la monnaie fiat et la blockchain, mais ce n’est pas simple à mettre en place car cela demande beaucoup de capitaux et le business model est compliqué. La seconde option est de garantir la valeur en créant des contrats financiers qui précisent que quelle que soit la valeur de l’ether, la représentation de l’ether que j’ai acheté vaudra toujours le même montant en monnaie fiat quand je voudrais la revendre. C’est ce qu’a fait Maker aux Etats-Unis avec le stable coin DAI : si j’achète des DAI qui représentent X ethers valant 100 dollars, par exemple, quand je revends mes DAI je récupère le nombre d’ethers correspondant à 100 dollars. Cela requiert des mécanismes financiers compliqués. Pour que la société puisse garantir que ses clients pourront toujours échanger les DAI contre des ethers, il faut qu’elle dispose d’un nombre d’ethers considérable en stock en garantie (au cas où le cours augmente) ou bien cela nécessite de faire appel à des acteurs financiers extérieurs qui misent à la hausse et à la baisse sur le prix pour fournir de la liquidité. Nous sommes donc partis de ce besoin de liquidité pour pouvoir couvrir des variations de prix et nous avons décidé d’aller plus loin. Si des acteurs ont pu créer un moteur financier pour gérer les variations de prix, alors on peut imaginer un moteur permettant de créer des produits financiers complexes sur la blockchain. Nous sommes donc sortis de la création d’un “stable token” pour réfléchir à un système plus robuste, multifonction, capable de gérer à terme une multitude de produits financiers dérivés. L’idée est donc, grâce à ces produits dérivés, de parier à la hausse ou à la baisse sur la variation d’un indice, soit pour couvrir un risque (s’assurer du prix d’une matière première par exemple), soit pour spéculer. Quels produits proposerez-vous ? Il s’agira de dérivés sur les cryptomonnaies adossées à une monnaie fiat dans un premier temps. Le premier produit sera l’ether adossé au dollar. Nous élargirons ensuite à de nouveaux indices et de nouveaux sous jacents. Quels clients visez-vous ? Cela touchera d’abord les fans de cryptomonnaies ou des fonds cryptomonnaies qui souhaitent fournir de la liquidité en échange de revenus garantis et quelques investisseurs qui souhaitent spéculer sur les crypto-monnaies. L’idée ultime est d’avoir un système assez robuste pour concurrencer les marchés financiers traditionnels avec cette infrastructure plus efficace et sécurisée. On peut se passer d’une trentaine d’intermédiaires impliqués dans un contrat financier dérivé, comme les chambres d’enregistrements par exemple. Mais ce ne sera pas pour tout de suite car c’est une technologie très expérimentale avec des actifs qui le sont tout autant. Notre vision, c’est que cela arrivera un jour et que l’on sera les premiers car on aura bâti quelque chose de robuste. En premier lieu, vous allez donc vous positionner sur le même créneau que les plateformes d’échange actuelles ? Oui, nous serons une plateforme d’échange, mais dont le système utilise les capacités de la blockchain : les ethers ne seront pas déposés chez nous mais sur un smart contract dans la blockchain et dont l’utilisateur garde le contrôle. Notre système sera complètement connecté à la blockchain alors que les plateformes actuelles ont le contrôle des cryptomonnaies qu’elles conservent à la manière d’une banque. Par ailleurs, les transactions effectuées seront sécurisées et vérifiables car elles seront réalisées sous forme de transactions blockchains et signées avec les clés privées des utilisateurs (même si elles sont réalisées sur notre plateforme, et non sur la blockchain). Pourquoi les transactions seront-elles réalisées sur votre plateforme et non sur la blockchain ? Nous avons créé un premier prototype de la plateforme financière, un moteur qui permet de gérer tout le marché : carnet d’ordres, gestion de la liquidité, clôture des positions lorsque les fonds sont insuffisants pour les couvrir… Le tout (ordres, transactions…) fonctionnait entièrement sur le réseau de test d’Ethereum, Testnet. Nous avons lancé une version alpha pour collecter des retours, mais nous avons eu un problème de montée en charge : on s’est vite rendu compte que c’était très lent, très cher et qu’en cas d’événement compliqué sur la blockchain, le marché allait être bloqué. Nous avons donc finalement décidé de changer de modèle et de créer deux moteurs. Le moteur financier sur lequel sont réalisées toutes les transactions n’est pas sur la blockchain mais géré en interne sur nos serveurs. Nous n’inscrivons sur la blockchain (le deuxième moteur) que les dépôts et retraits de fonds des clients, sous forme de smart contracts ; et toutes les 24 heures nous réalisons une transaction qui est une preuve de toutes celles passées sur notre moteur pendant ce laps de temps, en utilisant des calculs mathématiques complexes. Nous avons ainsi réglé la problématique de la lenteur et du coût. Comment assurez-vous la confidentialité des transactions ? Seules les clés privées seront inscrites sur la blockchain publique, où l’on verra donc apparaître le dépôt initial de fonds puis le retrait uniquement. Quel sera votre business model ? Un modèle de commissions similaire aux autres exchanges. Par ailleurs, alors que les plateformes de produits dérivés facturent des frais d’ouverture puis des frais au long du contrat, nous n’appliquerons que des frais à l’ouverture. Quel agrément comptez-vous demander ? Nous sommes en discussions avec les autorités en France et à Gibraltar. En France, nous sommes en relation avec l’AMF et l’ACPR. A priori, nous devrions être considérés comme un opérateur de marchés financiers et plus précisément comme prestataires de services d’investissement en France. Le statut PSI recouvre plusieurs catégories plus ou moins contraignantes et en France les autorités nous considèrent comme un PSI qui fait du règlement transmissions d’ordres (RTO), statut qui n’est pas trop lourd et qui pourrait nous permettre de remplir nos obligations réglementaires avec quelques recrutements et améliorations. Nous espérons avoir l’agrément dans 7 à 8 mois environ. Sur neuf personnes, nous sommes deux spécialistes juridiques. Nous avons aussi contacté les autorités de Gibraltar en solution de repli, si les obstacles réglementaires sont trop difficiles à lever en France, et nous pourrions aussi nous tourner vers des pays comme la Suisse, Singapour ou d’autres pays ouverts sur ces questions. Ce que l’on défend, c’est que notre technologie offre une meilleure fiabilité et une plus grande simplicité que que les acteurs traditionnels sur certains éléments. Elle nécessite en revanche une surveillance accrue sur certains aspects et notamment sur la technologie blockchain. Nous souhaiterions donc obtenir un statut adapté qui satisfasse les obligations en prenant en considération notre modèle : plus de surveillance sur la technologie mais moins de contraintes sur les fonds propres par exemple. Nous sommes aussi disposés à mettre en place des mécanismes qui permettent à l’AMF de surveiller les transactions en quasi-temps réel et d’émettre des injonctions en cas de problème. Encore faut-il qu’ils en aient les moyens mais cela montre au régulateur l’intérêt d’accepter ce type de technologie. Comment gérez-vous le fait qu’Ethereum ne soit pas mature et soit voué à évoluer ? On part du principe que les composants de base vont continuer à fonctionner (dépôt et retrait d’ethers et smart contract), et dans un premier temps, on adresse le problème de passage à l’échelle avec notre serveur centralisé. Nous pensons que la blockchain Ethereum est la mieux placée pour réussir le passage à l’échelle d’applications blockchain sans perdre les capacités de décentralisation. Les autres sont trop peu matures ou trop peu décentralisées. Si les projets de scalabilité sur Ethereum fonctionnent, alors nous pourrions passer le projet on-chain car il sera facile de transformer nos transactions en smart contracts… mais ce ne sera probablement pas avant plusieurs années. Quel est votre calendrier de déploiement ? On vise une mise en production dans l’idéal dès l’obtention du feu vert du régulateur. La version alpha du nouveau produit avec l’architecture à deux niveaux sera lancée début septembre, puis nous passerons progressivement par itération à la bêta puis à la mise en production. La difficulté, c’est que l’on ne peut pas travailler avec de l’ether réel sans le feu vert des autorités. En attendant, on travaille avec l’ether des réseaux de test Ethereum, qui n’a aucune valeur. On peut donc tester la technique mais on aura du mal à modéliser le comportement des utilisateurs dans cette configuration. Nous aimerions pouvoir faire tes tests dans un réseau fermé avec des petits montants et des ethers réels si le régulateur est d’accord. Combien de collaborateurs travaillent sur VariabL ? 9 personnes, dont 8 à Paris et une à Bombay : une experte financière, un spécialiste “state channel” (le système de second niveau qui permet de fonctionner en lien avec la blockchain), un responsable de la recherche, un project manager, un chargé de marketing et communication, un développeur front end, une juriste. Hadrien Charlanes, l’un des cofondateurs, gère l’aspect produit et interface et je suis directeur des opérations. Nous recrutons des développeurs supplémentaires pour rendre le serveur central plus efficace et s’assurer qu’il soit totalement sécurisé et nous devrions être 20 d’ici la fin de l’année. Comment êtes-vous financés et quel est votre lien avec le “start-up studio” Consensys, qui vous héberge ? Consensys finance tout nos frais. C’est un modèle particulier : VariabL n’a pour l’instant aucune structure juridique. Nous sommes tous salariés par Consensys France et nous avons signé un document cadre précisant les pourcentages que nous devrions avoir lors de la création de l’entité, mais qui sont soumis à un certain nombre de conditions. On a négocié à l’avance un pré-budget sur deux ans mais administrativement, tous les achats sont gérés par Consensys. Comment vous différenciez-vous des autres projets de création de marché de produits dérivés sur la blockchain ? Plusieurs équipes travaillent en effet sur des projets plus ou moins similaires, mais il y a de la place pour plusieurs acteurs sur le marché. L’américain Leverj.io, par exemple, veut aussi développer un marché de produits financiers. Nous sommes probablement les premiers à avoir développé cette infrastructure à deux niveaux fonctionnelle, même si d’autres y parviendront sûrement par la suite. Le projet Prism, filiale de Shapeshift, voulait faire des dérivés basés sur des paniers de cryptomonnaies. Tout était on-chain et ils ont lancé leur alpha mais c’était hors de prix. Cela fait partie des expériences qui nous ont confirmé que l’idée d’une structure à deux niveaux était la bonne. Nous ne voulons pas lancer une ICO avec un token dont la valeur n’est pas garantie Simon Polrot Cofondateur et COO de VariabL Avez-vous envisagé une ICO ? On y a pensé, mais puisque nous sommes financés par Consensys, nous n’en éprouvons pas le besoin. Surtout, nous n’avons pas trouvé de cas d’usage autre que celui du titre financier pour notre token et nous ne voulons donc pas nous y aventurer puisque la réglementation des tokens financiers est encore très floue. Actuellement, la valeur finale d’un token est tout sauf garantie même si le projet réussit puisqu’il n’y a aucune raison objective que sa valeur augmente. Si nous devions créer un token, nous voudrions qu’il soit en lien direct avec la performance de l’entreprise. On a donc observé la frénésie des ICOs avec un oeil suspicieux et on a souhaité attendre que des bonnes pratiques émergent – nous essayons aussi d’y contribuer. Pendant la version alpha, nous avons tout de même créé un token, le VCT, que l’on a distribué à des personnes qui nous ont donné des retours. Mais pour l’instant il n’a aucune valeur. Nous réfléchissons à lui donner une valeur fixe ou bien à les transformer en tokens dont la valeur sera indexée sur des éléments quantitatifs. Quels seront vos canaux d’acquisition ? Nous passerons par les canaux communautaires au départ, avec une communication axée technique sur les canaux blockchain et une communication plus financière sur des forums de trading. Nous sommes en contact avec quelques “market makers”, des personnes ou entreprises qui possèdent un nombre important d’ethers et qui veulent stabiliser leur patrimoine pour partie. SIMON POLROT 2017 – cofondateur et directeur des opérations chez VariabL 2014 – 2017 : avocat chez Fieldfisher 2011 – 2013 : consultant en fiscalité internationale chez EY Formation 2014 : certificat d’aptitude à la profession d’avocat 2010 : Diplômé d’un master en droit fiscal (Paris I) VARIABL Projet créé en septembre 2017 Intégré au sein de Consensys France Effectifs : 9 Aude Fredouelle blockchaincryptoactiftrading Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind