Fabien Cazes : “Les volumes traités par Deposit Solutions sont en hausse depuis le début de la crise”

Où en est le développement de Deposit Solutions en France ? 

En Allemagne, nous opérons à la fois en BtoB et en BtoC, via notre site Zinspilot. Mais sur le marché français, nous avons pris la décision de n’opérer qu’en BtoB car le BtoC ne nous semblait pas assez intéressant – notamment parce que l’existence du livret A rend nos produits moins attractifs qu’ailleurs [Raisin, concurrent de Deposit Solutions, propose de son côté sa plateforme BtoC dans l’Hexagone, ndlr]. 

Nous nous concentrons donc sur le BtoB, et principalement en signant des contrats avec des banques en quête de financement [Deposit Solutions met en relation sur sa plateforme des “banques produits”, qui fournissent des dépôts à vue et à terme, et des “banques clientes” qui proposent les produits d’établissements tiers à leurs clients, comme Deutsche Bank en Allemagne, ndlr]. Les banques françaises sont généralement très concentrées sur leur marché domestique. Nous leur permettons de se diversifier dans d’autres pays et produits. Nous sommes un canal supplémentaire dans leurs sources de financement, un nouvel outil pour les directions financières. 

En France, trois banques sont en production et sourcent des financements sur la plateforme : My Money Bank, Oney et UBAF. Nous annonçons par ailleurs ce 30 avril que Deposit Solutions vient aussi d’accueillir sur sa plateforme la banque française EBI SA, filiale internationale du groupe bancaire panafricain Ecobank Transnational Incorporated (ETI). Elle va pouvoir proposer aux épargnants allemands des offres de dépôt à terme via la plateforme Zinspilot.

Au total, nous comptons plus de 150 clients dans 20 pays, répartis de manière égale entre les banques qui sourcent des financements et celles qui offrent à leurs clients des opportunités d’investissement d’autres banques. Parmi eux : Deutsche Bank, Atom Bank, My Money Bank, Close Brothers, Credit Plus… 

Quel impact a la crise du coronavirus sur votre activité ?

Pendant la crise, même si la BCE soutient les banques, l’accès à la liquidité directe des marchés est plus compliquée et les conditions financière sont très volatiles. Dans ce cas, notre plateforme est un outil qui fonctionne bien comme un canal de substitution pour les banques en manque de financements. Résultat : nous avons enregistré une accélération des volumes, qui sont en hausse depuis le début de la crise. Notre plateforme peut être gérée en “remote” et nous avons enregistré beaucoup de traction depuis le début de la crise. Ainsi,des banques nous contactent car leur plan de financement prévu n’est plus si simple à réaliser et qu’elles ont besoin de se financer de manière urgente.

Une équipe de 30 personnes est dédiée à la stratégie de financement des clients. Ils sont en contact tous les jours avec les banques pour leur faire part des dynamiques de marché sur la plateforme et leur soumettre des recommandations en fonction de leurs objectifs en termes de volumes, de maturité… Ensuite, la banque est libre de suivre la recommandation de financement ou non. Nous organisons des périodes de souscription tous les 15 jours où les clients peuvent passer leurs ordres qui seront actifs sur la tranche suivante. 

En ce moment, les offres court terme fonctionnent très bien : des “call money” (appels d’argent) avec une maturité de deux semaines, qui se renouvellent automatiquement mais que le client final peut retirer quand on le souhaite. Les banques versent une prime aux clients pour lever rapidement puis, même si elles baissent leurs taux, conservent la plupart des clients. Cela leur permet de récolter rapidement des dépôts sans payer trop cher. 

N’est-il pas plus difficile pour vous de sourcer les financements ?

Depuis le début de la crise, nous avons atteint 100% des objectifs de financement de toutes nos banques. Bien sûr, cela peut avoir un coût – si certaines banques proposant des produits ont baissé leurs taux car elles ont des besoins de financement réduits, d’autres ont relevé leurs taux, notamment en France, car elles en ont davantage besoin. Mais cela prouve que nous avons une profondeur de marché suffisante pour servir tout le monde.

Par ailleurs, les “pay-in” des clients particuliers allemands ont augmenté car les marchés actions ont été très chahutés – nos produits simples et sans risque apparaissent donc comme une valeur refuge. Sur Zinspilot, les “pay-in” ont augmenté de 8% entre la tranche de financement de 15 jours débutant le 2 mars et celles du 16 mars et du 1er avril.

Est-ce que la crise a marqué un coup d’arrêt aux discussions pour signer des banques “clientes” ou “point de vente”, qui proposent les comptes à terme d’autres banques à leurs clients ?

Avant la crise nous avions des conversations assez avancées sur la partie point de vente, dont le sous-jacent était notamment les taux négatifs. Plusieurs banques envisageaient d’imposer des taux négatifs au-delà de certains seuils de dépôts pour les clients fortunés. Notre plateforme côté point de vente peut dans ce cas être une alternative très intéressante pour ces banques : plutôt que d’appliquer des taux négatifs sur les dépôts, elles peuvent permettre à leurs clients de percevoir une rémunération chez une autre banque (en ce moment, les taux peuvent atteindre 0,8 à 0,95% sur une maturité de douze mois dans certaines banques, par exemple), tout en gardant le contrôle de la relation. Tout passe par le compte de leur banque existante. La crise a ralenti ces discussions. 

Mais les comptes à terme sont aussi devenus un moyen de se différencier, dans un contexte de concurrence accrue et de l’arrivée des néobanques sur le marché. Ils peuvent représenter un produit d’investissement intéressant pour les abonnements Premium ou Metal. Cela devient alors un outil d’acquisition et de rétention des utilisateurs, complètement indépendant de la crise. 

Pouvez-vous nous donner quelques indicateurs de développement sur Deposit Solutions ?

Nous atteignons plus de 30 millions d’épargnants à travers nos clients et notre activité BtoC et nous avons géré plus de 25 milliards de dollars de dépôts depuis le lancement il y a huit ans. La société compte plus de 300 collaborateurs et a levé plus de 150 millions d’euros, notamment auprès de Deutsche Bank, Kinnevik, e.ventures, FinLab, Greycroft Partners et Valar Ventures. Et nous sommes depuis notre dernière levée la deuxième fintech “licorne” d’Allemagne avec N26 [en septembre 2019, Deposit Solutions a levé 50 millions d’euros auprès de Deutsche Bank pour 4,9% de son capital, soit une valorisation de 1 milliard d’euros ou 1,1 milliard de dollars, ndlr].