Accueil > Assurance > Assurance voyage : la crise pousse les nouveaux entrants à étoffer leurs gammes Assurance voyage : la crise pousse les nouveaux entrants à étoffer leurs gammes De nouveaux acteurs, qu’ils soient porteurs de risques ou courtiers, s’efforcent de bousculer les usages sur le marché de l’assurance voyage. La crise de la Covid-19 les incite à ajuster leur stratégie. Par Antoine Duroyon. Publié le 28 septembre 2020 à 18h47 - Mis à jour le 18 janvier 2021 à 15h05 Ressources Il y aura un avant et un après Covid pour le secteur de l’assurance voyage. Ce segment phare de l’assurance affinitaire se retrouve au cœur de la tourmente soulevée par la crise sanitaire. Selon l’Association internationale du transport aérien (Iata), le nombre de vols opérés en août 2020 a chuté de 52 % comparé à la même période de 2019. La crise de la Covid-19 a un impact majeur sur l’ensemble des canaux de distribution et des segments du voyage, avec une baisse d’activité de l’ordre de 40 à 60 % observée au niveau de la filière du tourisme. Néanmoins, des branches font preuve d’une certaine résilience et reprennent plus rapidement. À court terme, les secteurs les plus épargnés semblent être les OTA (agences de voyage en ligne), ainsi que la location d’hébergement avec un focus domestique. Cela a permis de compenser en partie le déficit sur les voyages internationaux. Il n’en reste pas moins que le coup est rude pour l’assurance voyage, qui peut venir couvrir des risques divers : retard de vol, annulation de voyage, perte de bagages, maladies, rapatriement, responsabilité civile à l’étranger, etc. Son poids n’est pas anodin en France. D’après une étude publiée par Valmen Consulting en juillet dernier et réalisée en partenariat avec la Fédération des Garanties et Assurances Affinitaires (FG2A) et le Cercle Lab, le chiffre d’affaires annuel de la branche s’établit entre 480 et 530 millions d’euros, dont la moitié provient de garanties incluses dans les cartes bancaires. L’étude cite une estimation de marché qui prévoit une baisse de 75 % du chiffre d’affaires de l’assurance voyage sur l’été 2020. Travailler sur les parcours client Sur un marché hautement concentré, puisque plus des trois-quarts du chiffre d’affaires est dégagé par cinq acteurs historiques (Allianz Partners, Europ Assistance, Mutuaide, InterMutuelles Assistance, AXA Partners), des acteurs tournés vers le numérique et l’innovation tentent de se faire une place. Tout en haut de la chaîne de valeur, l’assureur Wakam (ex-La Parisienne Assurances) est un nouveau venu sur le segment de l’assurance voyage, qu’il a exploré en fin d’année dernière, au même titre que Seyna. “Nous nous sommes rendus compte qu’il y avait une opportunité pour collaborer à la fois avec des start-up très innovantes et des acteurs plus traditionnels, notamment des courtiers qui attendaient de pouvoir compter sur des porteurs de risque capables de les suivre jusqu’au bout. Nous travaillons sur les parcours client pour que tous les acteurs présents dans le voyage puissent accéder à des offres au travers de nos outils et intégrer les API eux-mêmes”, relate Alexandre Rispal, chief revenue officer de Wakam. Ainsi, en mars dernier, la compagnie a lancé un produit “défaillance des compagnies aériennes” en partenariat avec le courtier spécialisé Présence Assistance Tourisme. La crise de la Covid-19 et les mesures de confinement qui ont suivi n’ont pas permis à l’offre de rencontrer le succès escompté. “Nous sommes aujourd’hui dans une phase d’observation de la reprise sur ce marché”, note Alexandre Rispal. Plus bas sur la chaîne de valeur, Moonshot-Internet intervient en tant que courtier BtoBtoC selon un modèle de plateforme “insurance-as-a-service”, comme Setoo outre-Manche (porté par Kamet, le start-up studio d’AXA) ou Blink. La filiale de Société Générale Assurances, et au capital de laquelle Roadzen doit acquérir une participation minoritaire significative, a débuté avec un premier produit couvrant le retard d’avion au départ. Elle a ensuite complété sa gamme avec la prise en charge des bagages, l’annulation, la correspondance manquée, etc. La start-up, cofondée par Alexandre Rispal, s’est fait connaître par son approche innovante : technologique, avec une intégration par API à des plateformes digitales, et contextuelle (soutenue par une dimension paramétrique). L’indemnisation dépend de déclencheurs, comme un retard d’avion supérieur à deux heures par exemple, ce qui permet une gestion proactive et automatisée du règlement du sinistre. Celui-ci peut prendre la forme d’un service en nature comme l’accès à un lounge. En dépit de la crise de la Covid-19, Moonshot-Internet doit concrétiser en 2020 deux contrats significatifs, dont l’un a été signé en février avec un grand OTA hexagonal et l’autre est encore en discussion avec l’un des cinq premiers apporteurs d’affaires du voyage en France. Ces accords représentaient avant la crise un potentiel de primes de près de 10 millions d’euros. “Nous signons à contre-courant dans une période de crise qui pèse lourdement sur le marché de l’assurance voyage”, souligne Nicolas Serceau, cofondateur et directeur marketing de Moonshot-Internet, qui y voit un signe de crédibilisation au-delà de la ligne e-commerce après l’accord passé avec Rakuten. Avec ces deux nouvelles signatures, la société portera à six le nombre de ses partenaires dans l’univers du voyage (après Franfinance, Tridea, Air Refund et Djoba Cash). Toutes verticales confondues, Moonshot-Internet a vendu 400 000 polices à ce jour, a confié son directeur général Pascal Bied-Charreton lors de l’Insurtech Business Week organisée par le pôle Finance Innovation. Gestion des sinistres 100 % automatisée Autre acteur fraîchement arrivé sur le segment, Koala est un courtier BtoBtoC entièrement dédié au voyage, au service des compagnies aériennes et des agences de voyage. Sa spécificité ? Des produits toutes causes qui se veulent simples et transparents, sans exclusions ni demande de justificatifs. “Nous ne lançons de nouveaux produits que si nous sommes en mesure d’en automatiser la gestion à 100 %”, précise Ugo Weyl, CEO et cofondateur de Koala. La start-up, qui travaille avec Wakam et Seyna, a annoncé une levée de 1,6 million d’euros en juillet 2020. Ses fondateurs ont développé WeReward, un service d’aide à l’indemnisation des passagers aériens, avant de basculer sur une logique assurantielle. Koala a déployé un premier produit retard d’avion mais la crise de la Covid-19 a douché les espoirs au démarrage. Quelques centaines, voire “petits milliers” de contrats seront distribués sur 2020, contre un objectif de 300 000. Fizzy : l’expérimentation d’axa n’a pas trouvé son modèle Il y a trois ans, AXA ouvrait une plateforme automatisée d’assurance paramétrique retard d’avion conçue avec l’aide de la start-up Utocat. Basée sur la Blockchain publique Ethereum et le principe du smart contract qui lui est associé, Fizzy n’a pas réussi à trouver une traction commerciale sur ses premiers cas d’usage (retard et annulation de vol). Après deux ans de développement, la plateforme a fermé ses portes. “L’appétit de l’industrie du transport aérien/voyage n’a pas été assez fort, quelle que soit la forme sous laquelle Fizzy était proposée (service indépendant ou inclus dans un contrat multi-risque, outil de conformité réglementaire, de fidélité, etc.)“, regrettait alors Laurent Benichou, responsable du projet. Ce dernier pointait la difficulté de monétiser le service en BtoB pour compenser la faiblesse de la distribution en BtoC. Une start-up suisse, Etherisc, développe également un produit d’assurance retard d’avion basé sur Rinkeby, un testnet d’Ethereum. Comment se projeter dans un contexte aussi déprimé ? La crise agit comme une incitation supplémentaire à poursuivre une forme de diversification. “Moonshot s’est fait connaître avec des garanties à fort impact client, notamment avec cette dimension paramétrique qui réinvente la promesse client. Toutes ces garanties sont sur étagère, mais nous faisons le constat que nous devons également proposer des garanties plus usuelles couvrant de l’annulation de prestation (hôtellerie, événement) par exemple”, commente Nicolas Serceau. L’enrichissement de la gamme doit aussi permettre de répondre aux besoins des voyages packagés, d’autres modes de transport (train, ferry…), voire de l’hébergement à terme. “Pour continuer d’approfondir notre gamme et adresser de nouveaux segments tel que les OTA, les transporteurs aérien, les plateformes d’agrégation de services d’hébergement ou de transport nous nous diversifions avec des garanties non paramétriques nécessitant de la gestion mais pour lesquelles nous proposons une simplification et une digitalisation des parcours clients”, poursuit le directeur marketing de Moonshot-Internet. Repenser le partage de la valeur Chez Koala, l’accent est désormais porté sur le secteur de l’hospitalité au sens large. Là aussi, il peut s’agir d’autres moyens de transport ou d’acteurs de l’hôtellerie ou de la location saisonnière. “Avec le leader français de la conciergerie Airbnb, nous allons lancer un produit de garantie des revenus pour le propriétaire”, annonce ainsi Ugo Weyl. Pour autant, le courtier reste persuadé du potentiel de produits de couvertures pour le transport aérien et se tient prêt à accompagner la reprise du marché. Koala va lancer un produit retard d’avion et annulation sur les escales manquées. “Nous détectons en temps réel si le client va rater sa correspondance, ce qui nous permet de réserver de manière proactive et automatique un nouveau billet”, explique Ugo Weyl. Cela vise à répondre à de nouvelles modalités de voyage, telles que le “self-connect” lorsque le client réserve des vols avec escale sur deux compagnies différentes qui n’ont pas d’accord de partage de code. “La crise de la Covid-19 ne bouscule pas les fondamentaux pour les gros acteurs de l’assurance voyage”, estime Ugo Weyl. Outre la simplicité et la lisibilité de l’offre, ces nouveaux entrants sur le marché insistent sur la nécessité de repenser le partage de la valeur dans un segment historiquement très rentable, et dont le régulateur européen des assurances (Eiopa) a déjà souligné les dérives. “Quand un client souscrit un produit d’assurance traditionnel à 10 euros, il y a 6 euros de commissions, 1 euro de taxe et 3 euros de valeur seulement pour le client, déplore le CEO de Koala. Un autre problème, c’est que les intérêts des clients et ceux des assureurs ne sont pas alignés. Si l’assureur trouve un moyen de ne pas régler le sinistre, cela vient augmenter d’autant son résultat financier”. Un contexte qui explique des taux de silence et d’oubli élevés. Pour résoudre cette équation, le courtier prélève une commission fixe par produit vendu, de l’ordre de 20 % pour les petites primes. “Nous souhaitons que notre revenu se situe entre 1 et 2 euros brut par police vendue”, détaille Ugo Weyl. Wakam plaide de son côté pour une approche “éthique” en matière de commissionnements et fixe des plafonds. “Il s’agit de compresser la chaîne de valeur pour donner au consommateur des solutions d’assurance à la fois utiles et accessibles”, indique Alexandre Rispal. L’étude de Valmen Consulting évoque un taux de commissionnements moyen de 40%, ce qui laisse à penser que “certains distributeurs sont rémunérés à des niveaux bien au-delà”. Des offres avec des garanties resserrées pour plus de lisibilité et d’efficacité, des déclencheurs paramétriques couplés à des services pour une meilleure expérience client, une politique de commissionnement plus mesurée, les nouveaux acteurs de l’assurance voyage font preuve d’ambition, mais devront composer avec un contexte de marché incertain et des pratiques solidement ancrées. Une gestion en plusieurs phases de la crise de la covid-19 “Il y a eu plusieurs phases pendant la crise, résume l’équipe de Moonshot-Internet. Entre janvier et mars-avril, nous avons vu l’émergence de programmes d’annulation et de modification toutes causes, portés par des OTA. Puis, la crise a frappé avec des annulations en masse. Les compagnies aériennes ont quasiment toutes rendu les “options flex” gratuites, c’est-à-dire la possibilité de modifier et d’annuler sans frais les billets”. Par ailleurs, dans le cadre d’un dispositif d’exception, le gouvernement a permis aux voyagistes de fournir des avoirs valables 18 mois, au lieu d’un remboursement, pour des voyages annulés entre le 1er mars et le 15 septembre 2020. Un précédent qui peut affecter la perception et l’attrait de l’assurance voyage auprès du consommateur. Depuis le mois de juillet, des réflexions sont engagées autour de garanties pandémies, mais peu d’acteurs se sont positionnés, en raison notamment d’une certaine frilosité chez les porteurs de risques. Pour consulter l’intégralité du tableau, cliquez sur l’image Antoine Duroyon assurance paramétriqueassurance voyageinsurtech Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Assurance voyage : Koala réunit 1,6 million d'euros en amorçage Moonshot-Internet et AirRefund s’associent pour une assurance voyage d’un nouveau genre AXA met un terme à l'expérience Fizzy