Accueil > Assurance > Comment Carians déploie le deuxième avis médical auprès des mutuelles et assureurs Comment Carians déploie le deuxième avis médical auprès des mutuelles et assureurs Créée en 2014, la start-up a développé un service de deuxième avis médical auprès des assureurs et des mutuelles. Avec une vingtaine de partenaires et environ 16 millions de personnes couvertes, Carians poursuit son déploiement en France. En parallèle, elle complète son offre médicale avec de nouvelles pathologies et le recrutement de médecins experts. Par . Publié le 02 mars 2021 à 15h28 - Mis à jour le 03 mars 2021 à 11h18 Ressources La genèse La société Carians, qui déploie la plateforme deuxiemeavis.fr, a vu le jour en juin 2014. “Nous sommes trois cofondatrices engagées depuis plus de 10 ans autour des sujets de l’accès aux soins à travers l’association CoActis Santé qui porte encore aujourd’hui les projets Santé BD et HandiConnect. Nous sommes toujours dans cette réflexion de santé universelle”, témoigne Pauline d’Orgeval, l’une des cofondatrices et présidente de Carians. Confrontée à une décision médicale pour un membre de sa famille, elle a été incitée par son médecin à demander un deuxième avis. “Il nous a indiqué que la médecine n’est pas une science exacte, que chaque hôpital a ses pratiques…”, se rappelle-t-elle. Une démarche qui a conforté sa confiance envers le médecin mais qui a également été source de questions : “nous étions perdus car nous ne savions pas quelle autre équipe experte contacter. Il nous a fallu 10 jours pour en trouver une puis quatre mois pour obtenir un rendez-vous où nous avons dû nous rendre muni du dossier médical”, sans qu’il y ait besoin de la présence du proche concerné. Face à ce constat, l’idée a germé de créer une plateforme pour faciliter l’accès à un deuxième avis médical. Par ailleurs, la cofondatrice insiste sur le fait que Carians est une entreprise à mission. Les fondateurs, les dirigeants et les effectifs Carians a été fondée par Pauline d’Orgeval, sa présidente, Catherine Franc, sa CEO et directrice juridique et financière, et Prune Nercy, sa directrice digitale et chief happiness officer. Si elles sont toutes les trois diplômées de HEC, elles n’appartiennent pas aux mêmes promotions et leurs parcours diffèrent. Pauline D’Orgeval est à l’origine de la création en 1999 de 1001listes, société de listes de mariage et cadeaux. “J’ai fait partie de la première génération d’entrepreneurs Internet !”, signale-t-elle sur le site deuxiemeavis.fr. Catherine Franc a notamment été directrice adjointe chez Louis Vuitton et directrice de Transparence avant de cofonder Medicience et CoActis Santé. “J’ai choisi de m’investir dans des structures pointues, où ma polyvalence peut s’exprimer. J’ai en effet une diversité d’expérience – grand groupe, direction de PME, de longues années en conseil notamment dans le secteur médico-social – particulièrement utile pour une jeune entreprise”, indique-t-elle aussi sur le site deuxiemeavis.fr. Enfin, Prune Nercy a exercé deux années au sein de Bouygues avant de s’orienter vers le secteur de la santé. Elle est également cofondatrice de Medicience (dont elle est associée) et de CoActis Santé. “Je suis profondément entrepreneure (au féminin !)”, précise-t-elle sur le site. Aujourd’hui, l’équipe de Carians est constituée de 21 personnes. Pauline d’Orgeval liste les différents métiers : “une partie concerne le développement informatique et la sécurité. Un autre métier est très proche du web marketing : il s’agit d’avoir une expérience utilisateur “friendly” avec beaucoup de pédagogie, d’explications… Il faut un parcours fluide. Une obsession est l’accessibilité : nous avons donc un 3e métier autour du service patient. Un patient peut tout faire par téléphone et par courrier, par exemple. Des métiers concernent les partenariats et le développement ainsi que la partie réglementaire et financière. Enfin, il y a l’offre médicale qui est le cœur de notre métier”. La technologie La société a lancé son site deuxiemeavis.fr en 2016. Il s’agit d’une “plateforme d’intermédiation entre le patient, son médecin et les médecins experts”, définit Pauline d’Orgeval. Elle détaille : “le plus important pour demander un deuxième avis, c’est la complétude du dossier. Nous passons beaucoup de temps avec les experts de chacune des 500 pathologies couvertes pour personnaliser le questionnaire pour les patients : quelles sont les questions importantes en plus des questions classiques et les examens obligatoires à transmettre. C’est ce qui est très différenciant par rapport à la téléconsultation”. La plateforme propose également du contenu sur les pathologies. “Nous avons beaucoup de fiches sur les pathologies, des articles de blogs… Des patients s’arrêtent également pour regarder les noms des experts référencés”, indique la dirigeante. Pour les patients qui demandent un avis, l’accès se fait sur la plateforme après avoir créé un compte. La société s’engage sur un avis rendu sous sept jours. Pauline d’Orgeval indique par ailleurs qu’environ 25 % des avis rendus divergent de l’avis médical initial. “En cas de convergence, le patient est plus serein pour prendre des traitements lourds, se faire opérer… En cas de divergence, il évite des opérations inutiles”, ajoute-t-elle. Elle se rappelle d’une critique au démarrage du site : “les patients vont paniquer avec un avis divergent rendu en télémédecine. Mais, aujourd’hui, les patients vont sur Internet, ils y voient des choses terribles…” Pour tous les avis, elle conseille de prévenir l’équipe médicale de la démarche. “Nous proposons d’envoyer le compte-rendu écrit au médecin traitant ou au médecin du premier avis. Le patient a également 15 jours pour échanger avec le médecin expert qui a rendu le deuxième avis via une messagerie sécurisée”, souligne la dirigeante. Pour les données collectées sur le site, Carians précise passer par l’hébergeur de données de santé Claranet. Les étapes de son développement Les trois cofondatrices ont d’abord mené une étude de marché. “Du côté des patients, le besoin était évident. Ils nous disaient à quel point ils rencontraient des problèmes face à leur envie de prendre part à la décision. Ils renonçaient car ils ne savaient pas qui aller voir, que c’était loin de chez eux ou qu’ils rencontraient des problèmes de mobilité…”, témoigne Pauline d’Orgeval. L’étude a également été menée auprès d’une vingtaine de médecins experts sur la pertinence d’un tel service et le temps qu’ils pouvaient consacrer à donner un avis sur les dossiers. “Ils ont montré une grande motivation d’un point de vue médical. Ils le faisaient déjà dans le cadre d’appels de confrères, avec des patients qui envoyaient des dossiers mais incomplets”, détaille la présidente de Carians. L’équipe de Carians s’est ensuite tournée vers les aspects réglementaires. “Nous avons mis à peu près 20 mois à obtenir les autorisations de la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés, ndlr) et le conventionnement avec l’ARS (agence régionale de santé, ndlr)”, se remémore Pauline d’Orgeval. Avant d’ajouter : “maintenant il est beaucoup plus simple de construire un service de télémédecine”. En parallèle, la société a développé la plateforme sécurisée, référencé les premiers médecins, ouvert les premières pathologies et constitué son conseil éthique et scientifique. Début 2016, la plateforme a été ouverte avec “une centaine de pathologies et une quarantaine de médecins experts”, indique la dirigeante. Elle précise qu’aujourd’hui 500 pathologies sont ouvertes et 200 médecins experts sont référencés. La société compte poursuivre l’ajout de pathologies couvertes. De même, Pauline d’Orgeval indique : “nous allons augmenter le nombre de médecins experts en ouvrant de nouvelles pathologies mais aussi pour les pathologies existantes afin de tenir les délais”. Si Carians propose une réponse sous sept jours, “nous sommes à 5,4 jours en moyenne”, confie la dirigeante. Le développement est aussi passé par la signature de premiers accords avec des mutuelles pour l’inclusion du service dans leur contrat. Aujourd’hui, un des enjeux pour Carians est de développer l’usage. “Il est croissant sous deux impulsions : le développement de la télémédecine et le travail avec nos partenaires”, souligne Pauline d’Orgeval. Le deuxième enjeu identifié par la dirigeante est “de couvrir plus de patients, donc d’avoir plus de partenaires”. Elle se montre également “à l’écoute” des partenaires pour proposer “d’autres types de services”. Enfin, à plus long terme, la dirigeante n’exclut pas le développement à l’international, même si elle signale qu’”il y a encore beaucoup de choses à faire en France”. Changement du conseil scientifique Carians s’est doté d’un premier conseil scientifique “pour nous aider à construire le service”, indique Pauline d’Orgeval. La société aborde aujourd’hui une nouvelle phase de son développement autour du développement des usages et pour cela elle a changé son conseil scientifique. L’enjeu est de produire des études sur l’impact de deuxiemeavis.fr sur la qualité des soins. Le nouveau président du conseil scientifique, le Pr Pierre Denys, témoigne : “le premier conseil scientifique a eu un rôle extrêmement important sur l’éthique, la déontologie de la pratique… Ce sont des sujets bien pris en compte maintenant. Pour le nouveau conseil scientifique, plusieurs sujets sont intéressants et illustrent le parcours de soins. D’abord sur la motivation, ce qui amène à solliciter un deuxième avis. Ensuite sur la place du service dans le parcours de soins : est-ce que cela facilite l’adhérence à une prise en charge, améliore les délai, coupe court à une certaine errance médicale… Enfin, nous avons des sujets par domaine thérapeutique ou pathologie”. Le nouveau conseil scientifique devait se réunir en février 2021 pour identifier les questions “qui nous paraissent les plus pertinentes puis trouver les partenaires pour la méthodologie afin d’y répondre”, confie son président. Le business model “L’idée de départ et notre ADN est la volonté d’accessibilité universelle. Nous sommes une entreprise à mission. Notre volonté est de faciliter l’accès à l’expertise médicale et donc avec une solution de prise en charge”, souligne Pauline d’Orgeval. Carians s’est ainsi tourné vers le monde assurantiel et des mutuelles. “Nous ne voulions pas que le service soit proposé en sur-complémentaire mais qu’il soit inclus dans le contrat santé ou prévoyance de base”, ajoute la dirigeante. Dans un premier temps, Carians a contractualisé avec un modèle reposant sur un forfait puis un paiement à l’usage. La facturation dépend du nombre de bénéficiaires et de la durée d’engagement avec un tarif à l’usage allant de 0,15 à 0,80 euro. “Aujourd’hui, la majorité des contrats est en train de basculer vers des modèles en inclusion, c’est-à-dire un montant annuel par personne protégée. Pour cela, il fallait que nous ayons des premiers retours, des taux d’usage…”, indique-t-elle avant de préciser que le taux d’usage a justement triplé entre 2019 et 2020. En parallèle, Carians rémunère les médecins experts 120 euros par avis rendu. Les financements Deux ans après sa création, la société a réalisé une première levée de fonds en 2016. D’un montant d’un million d’euros, ce tour de table a été mené auprès d’une holding familiale et du fonds à impact Investir&+, rappelle Pauline d’Orgeval. Vincent Fauvet, président et cofondateur d’Investir&+, revient sur les raisons de cet investissement de 500 000 euros : “il s’agissait de trois cofondatrices expérimentées qui avaient notamment créé des start-up, et ce type de service existait dans d’autres parties du monde”. Il rappelle par ailleurs que “c’était la première start-up santé dans laquelle nous investissions”. Une deuxième levée de fonds a eu lieu en 2018, d’un montant de 2,5 millions d’euros. Investir&+ a été rejoint par Citizen Capital et Colam Impact. Pour ce deuxième tour, Investir&+ a “investi 325 000 euros ; cela nous a permis de ne pas être dilué”, précise son dirigeant. Il en détaille les raisons : “notre philosophie est d’accompagner sur le long terme et de fonctionner par étapes. Le projet commençait à se développer et, pour faire venir de nouveaux actionnaires, il est important que les investisseurs historiques réinvestissent”. Si elle ne révèle pas le chiffre d’affaires de Carians, Pauline d’Orgeval confie que l’équilibre devrait être atteint en 2022. Les partenaires Au lancement de la plateforme en 2016, la société signe des premiers partenariats avec des mutuelles qui intègrent le service dans leur contrat. C’est le cas notamment de Malakoff Médéric devenue Malakoff Humanis. “Nous avons été pionniers dans la relation avec Carians en déployant le service sur l’une de nos branches en 2016. En 2018, nous nous sommes encore plus rapprochés en entrant au capital de la société et en nouant un contrat de partenariat pour faire bénéficier du service l’ensemble de nos adhérents, que ce soit les assurés principaux, porteurs du contrat, ou leur famille. Aujourd’hui, plus de deux millions d’adhérents Malakoff Humanis bénéficient du service deuxiemeavis.fr. La prochaine étape sera de généraliser à l’ensemble de nos contrats santé et pourquoi pas prévoyance”, indique Valentin Ringot, chef de produits services à la direction du marketing et de la promotion des services de Malakoff Humanis. Il détaille les deux raisons principales de ce partenariat : la proposition de valeur qui consiste à permettre aux patients d’accéder via le numérique à un bon niveau d’expertise quand ils sont confrontés à des décisions importantes, sans bouger de chez eux et en moins de sept jours, et le fait que Carians se positionne comme une entreprise à mission. Aujourd’hui, Carians compte “une vingtaine de partenaires”, ce qui représente “16 millions de personnes protégées”, indique Pauline d’Orgeval. Elle cite Audiens, Ociane Groupe Matmut, M comme Mutuelle, Gan, Europ Assistance, Fil Assistance, SanteClair… Récemment Carians a signé avec Kovers (une complémentaire santé conçue et distribuée par Qape), qui propose une plateforme d’accès à des services de e-santé : “une intelligence artificielle médicale, la téléconsultation et la livraison médicale”, indique Julien Mouchet, directeur général et cofondateur. “Nous avons rencontré les fondatrices de Carians assez rapidement après le lancement de notre entreprise en 2017. Il est essentiel de pouvoir apporter cette brique en inclusion et de faciliter le plus largement possible l’utilisation de ce service auprès de nos bénéficiaires. Il fallait que nous atteignions une taille critique permettant son financement naturel”, précise le dirigeant. Aujourd’hui les 15 000 assurés Kovers et les 30 000 abonnés à Kovers e-santé en bénéficient. Pour les partenaires se pose aussi la question de la communication pour faire connaître le service. “L’outil s’intègre de façon pratique sur notre site et à notre application. Nous avons un programme de communication pour indiquer ce service aux bénéficiaires”, souligne Julien Mouchet. Chez Malakoff Humanis, outre la présence du service dans leur espace client, les adhérents sont informés “via les supports de communication remis à leur entreprise et relayés par les services de ressources humaines mais également via des campagnes d’e-mails directs”, cite Valentin Ringot. Outre la communication vers les adhérents, il souligne également le rôle majeur des commerciaux et des consultants prévention qui présentent le service aux entreprises. “Quand nos partenaires communiquent, nous voyons bien que les usages s’envolent”, observe Pauline d’Orgeval. Chez Malakoff Humanis, Valentin Ringot constate une croissance de l’usage entre 2019 et 2020. “Nous avons une augmentation de 52 %. Parmi les visiteurs, environ 30 % créent des comptes dont 40 % amènent à un avis rendu.” La plateforme proposant le service de deuxième avis médical mais aussi des conseils, le référencement de médecins… Sur le profil des utilisateurs, Valentin Ringot indique qu’il s’agit à 60 % de femmes, que 80 % sont des actifs, que les régions Île-de-France, Grand-Est et Hauts de France sont les plus représentées et que la famille de risques la plus présente concerne les problèmes orthopédiques. Enfin, il se félicite d’un taux de satisfaction de 96,4 %. Le marché Carians se positionne sur le marché de la télémédecine. Face aux acteurs de la téléconsultation, la société propose un service distinct. En France, si les acteurs de la téléconsultation cultivent leur spécialisation pour se différencier, peu proposent un deuxième avis médical. C’est le cas notamment de Concilio. La téléconsultation a connu un essor en 2020, dans le cadre de la crise de COVID-19. Ce contenu a été réalisé par la rédaction de mind Health, spécialiste de la transformation numérique de l’industrie de la santé. assurance santée-santétéléconsultation Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind