François Couton (Harmonie Mutuelle) : "Les premières prises de participation “devraient se faire d’ici quelques mois”

Quels sont les enjeux du plan Horizon 2020 présenté début 2017 ?

Le plan de transformation Horizon 2020 a été coconstruit entre fin 2015 et 2016 puis présenté en mars 2017. L’objectif est de faire d’Harmonie Mutuelle une mutuelle du XXIe siècle, impliquée dans ses territoires, multimétier, humaine et technologique. Une mutuelle du XXIe siècle signifie être adaptée aux transformations du monde contemporain, notamment face à l’hyper-concurrence, et implique de revoir le poids du numérique dans nos modèles. Inscrite dans ses territoires, car Harmonie Mutuelle est issue des territoires et des régions. Nous voulons maintenir dans la durée notre positionnement.

Par ailleurs, pour l’aspect multimétier, les complémentaires santé sont de plus en plus réglementées. Pour s’adapter pour demain, il faut aller vers d’autres métiers assurantiels. Aujourd’hui, nous faisons de la prévention. Nous lancerons des offres différentes, sur l’épargne retraite notamment, et toute une gamme de services. Sur la technologie, une partie de la transformation nécessitera de la digitalisation soit pour nos opérations soit pour être capables d’adresser certaines cibles. La technologie est un des métiers de l’entreprise. Enfin, humaine car, tout ça nous ne le ferons que si nous pouvons faire bouger l’ensemble des collaborateurs et des élus. Il y a donc un enjeu de conduite du changement et d’aide pour que nos élus puissent accompagner la transformation.

Comment est organisée la direction des opérations et de la transformation ?

Le périmètre d’intervention de la direction couvre : l’animation et le pilotage du plan de transformation d’Harmonie Mutuelle, les systèmes d’information et la gestion santé et prévoyance. Pour les deux premiers sujets, nous comptons 280 collaborateurs en interne, regroupant tous les métiers de l’informatique, de product owner… Il faut ajouter à cette équipe environ 150 prestataires. Sur la partie gestion santé et prévoyance, l’activité emploie de l’ordre de 1 500 équivalents temps plein, avec principalement des équipes en CDI en interne, autour de 300 ETP en CDD et une petite centaine d’ETP en prestations externalisées. Les équipes sont réparties dans tous les sites administratifs d’Harmonie Mutuelle qui en compte 50 et environ 250 agences.

Avez-vous recruté pour mener ce plan ?

Nous avons embauché des informaticiens, des personnes travaillant sur le parcours clients et des profils qui ne venaient pas forcément du monde de la mutuelle, comme moi. Nous avons mené un plan d’internalisation d’une quarantaine de collaborateurs sur l’informatique et nous en lançons un deuxième actuellement, que nous espérons avoir terminé fin 2020.

Comment se traduit le plan de transformation dans les objectifs business ?

D’ici 2023, nous souhaitons dépasser les 3 milliards d’euros de cotisations santé – en 2018 nous étions à 2,6 milliards d’euros – et développer la prévoyance en doublant notre activité. Nous avons également des objectifs d’amélioration de la qualité de services et de maîtrise des frais généraux. Ils sont autour de 20 % aujourd’hui et doivent se rapprocher significativement de 15 %.

Comment s’intègre votre plan de transformation dans la stratégie du groupe VYV ?

Le plan de transformation a été initié avant que le groupe VYV ne soit constitué. Nous sommes maintenant sur un modèle producteur/distributeur où le groupe occupe plutôt la fonction de producteur.

Parmi les projets liés à la transformation, quels sont ceux concernant vos adhérents ?

D’un point de vue métier, nous devons passer d’une entreprise qui fait de la santé à une entreprise qui fait aussi de la prévoyance, des retraites… Il faut que ça se traduise par des projets SI, la mise en place de parcours clients… Un de nos projets concerne le multicanal pour les adhérents. Nous travaillons beaucoup sur l’expérience clients avec notamment la mise à disposition de la plupart de nos services en ligne. Nous avons beaucoup de sujets autour de l’intégration d’API dans le système d’information.

Aujourd’hui, notre application mobile permet de prendre une photo qui arrive directement dans notre service pour le traitement de la demande. Le service MesDocteurs [acquis par le groupe VYV fin 2017, ndlr] est accessible directement dans l’application. Nous travaillons sur un parcours sans couture pour faciliter l’expérience client.

En parallèle, vous travaillez sur les flux métiers. Où en êtes-vous ?

Nous travaillons effectivements sur la robotisation d’un certain nombre de tâches dans le back-office. Nous faisons par exemple de la robotisation sur le traitement des adhésions (RTA) individuelles ou sur la gestion électronique de document (GED). Et comment cela est transformé en flux de données. Aujourd’hui une mutuelle dématérialise à 95% ses flux de prestation soit par le flux reçu de la Cnam, des pharmacies…, soit par des documents papiers qui sont scannés et transformés dans le système d’information.

Nous travaillons sur une plateforme pour suivre le workflow de la demande et pouvoir l’afficher vis-à-vis des clients mais aussi des collaborateurs. Nous avons également des projets autour de la meilleure exploitation de la donnée. Il s’agit d’être plus intelligent dans la prise de décision. Cela concerne la collecte et la captation des données et notre capacité à utiliser cette information pour mieux cibler l’offre clients, la gestion de la fraude, la gestion des sinistres…

Quel budget est consacré à cette transformation ?

Globalement, l’enveloppe d’investissement est de l’ordre de 20 millions d’euros pour la troisième année consécutive. Elle est presque doublée par rapport à la période précédente. Il s’agit là de l’investissement d’exploitation de l’entreprise.

Vous vous êtes également positionnés sur l’investissement dans les start-up, avec Bpifrance et avec le fonds Cap Décisif 4. Pouvez-vous détailler votre stratégie ?

Nous disposons de fonds propres. Une part très maîtrisée est dédiée aux sujets d’innovation qui répondent aux enjeux de la mutuelle : un accès facilité à la santé et l’expérience patient. Cela se fait via des fonds et un peu d’amorçage pour des entreprises qui permettent de réduire les frais de santé ou améliore l’expérience des patients. Le partenariat avec Bpifrance et notre participation à différents fonds (CapDecisif 4, Turenne Capital, LBO France et Extens) se font dans ce cadre.

Comment se traduira votre investissement ?

Nous n’avons pas des capacités d’investissement colossales. Il s’agit d’enveloppes de taille raisonnable, soit dans des fonds où nous sommes impliqués avec d’autres investisseurs, soit en amorçage. Ce que proposent Harmonie Mutuelle et le groupe VYV, c’est aussi la capacité à déployer sous forme de POC et de pilotes certaines de ces innovations auprès de nos adhérents mais aussi des établissements de VYV Care.

Quels types d’entreprises regardez-vous ?

À ce stade nous ne communiquons pas sur les entreprises que nous sommes en train de regarder. Il peut y avoir des entreprises plus matures avec un produit et d’autres en amorçage qui sont en tout début d’aventure. Nous ne sommes pas dans une stratégie d’investissement à court terme. Nous voulons plutôt investir dans quelques entreprises qui nous paraissent pertinentes. Les premières finalisations devraient se faire d’ici quelques mois. Nous sommes a minima sur des projets de 12 mois, avec une volonté d’accompagnement plus long.

Comment êtes-vous organisés pour identifier ces entreprises ?

Nous avons constitué une équipe de deux personnes qui travaillent spécifiquement sur ces dossiers. Elle combine un profil sur les technologies de santé et un profil financier. Il faut savoir analyser un business plan, les stratégies scientifique, financière… Puis nous avons mis en place des communautés d’innovation ce qui permet d’aller chercher les bons interlocuteurs dans les différentes entités du groupe VYV, en région, dans VYV Care, dans les équipes techniques…