Accueil > Assurance > Les mutuelles, une rampe de lancement pour les dispositifs médicaux numériques Les mutuelles, une rampe de lancement pour les dispositifs médicaux numériques Trouver le modèle économique adéquat reste une équation compliquée à résoudre pour la plupart des start-up développant des dispositifs médicaux numériques (DMN). Certaines misent sur des partenariats avec des mutuelles ou des assureurs afin de pérenniser leur activité. Par Coralie Baumard. Publié le 21 juillet 2025 à 15h30 - Mis à jour le 22 juillet 2025 à 9h41 Ressources Alors que le modèle BtoC peine à faire ses preuves et qu’aucune entreprise de thérapie numérique n’a encore obtenu de prise en charge anticipée numérique (PECAN), certaines entreprises parient sur des partenariats avec des mutuelles pour se développer. Pour Chloé Bonnet, directrice générale et cofondatrice de la start-up Lyv Healthcare, le choix de se rapprocher des mutuelles s’inscrivait dans la vision de l’entreprise. “Nous avons mis en place ce modèle assez tôt, car nous avions la conviction que l’on ne pouvait pas faire peser le poids financier de la solution sur les patientes qui ont déjà des restes à charge importants. À terme, le modèle visé est la prise en charge par l’Assurance Maladie avec le dépôt d’un dossier PECAN. Nous travaillons avec les mutuelles sur une prise en charge en avance de phase, elles l’ont déjà fait sur de nombreux sujets, notamment en santé des femme“, souligne-t-elle. En 2022, un an après sa création, Lyv Healthcare lance son premier pilote avec la MGEN (groupe VYV) permettant à 1 000 adhérentes de la mutuelle de bénéficier de Lyv Endo, sa solution numérique visant à accompagner les femmes ayant reçu un diagnostic d’endométriose. “Nous nous étions mis d’accord pour réaliser des pilotes et mesurer à chaque étape les problématiques que nous pouvions adresser avant de passer au stade suivant, explique Chloé Bonnet. Cela nous a permis de commencer à faire de la R&D sur le terrain et de mener une première étude scientifique, de structurer la démarche et d’intégrer la solution dans un écosystème plus proche du parcours de soins que le BtoC.” L’expérimentation, d’une durée d’un an au total, a ensuite été étendue à 2 000 adhérentes. Un accès à un terrain d’expérimentation “Lyv est désormais intégrée dans toutes nos offres, notamment dans le contrat de protection sociale complémentaire du ministère de l’Éducation nationale et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche“, déclare Samuel Pichot, directeur stratégie innovation et coopération de la MGEN. Grâce à ce contrat, Lyv peut accéder à une base de 1,4 million d’adhérents actifs. “Nous proposons aux start-up un terrain d’expérimentation, nous les aidons à passer à l’échelle et à diffuser très largement leurs solutions via des contrats de longue durée [le contrat avec le ministère de l’Education nationale est un contrat de trois ans, renouvelable durant cette même durée, Ndlr] quand elles sont intégrées à nos services, indique Samuel Pichot. Nos partenariats n’ont pas vocation à remplacer une levée de fonds, les start-up en auront besoin pour assurer leur R&D, lancer leurs essais cliniques, etc. Mais cela leur permet d’accroître leur crédibilité auprès des fonds d’investissement. Si nous sommes vraiment convaincus par la solution que nous avons expérimentée, nous pouvons aller jusqu’à la prise de participation.” En février 2025, Lyv a réalisé une levée de fonds de 2,6 millions d’euros incluant une prise de participation de la MGEN. La solution de la start-up, dispositif médical de classe I, est également intégrée au contrat prévoyance de la Mutuelle Nationale Territoriale (groupe VYV), ainsi qu’à la complémentaire santé collective proposée par Abeille Assurances. Pour déployer sa thérapie numérique pour les enfants atteints de dyslexie, Poppins a également misé sur les partenariats. “Nous avons décidé de travailler avec ces acteurs, car ils s’adressent à des populations spécifiques. L’IRCEM, par exemple, cible notamment les assistantes maternelles. Ils connaissent très bien leurs adhérents ainsi que les canaux pour s’adresser à eux, cela répond à notre volonté d’être le plus possible en direct avec les patients“, déclare François Vonthron, le cofondateur et CEO de Poppins. Outre des mutuelles comme l’IRCEM et Aésio, Poppins travaille également avec des assureurs comme Abeille Assurances, Allianz, la MGEN ainsi que des groupes de protection sociale comme PRO BTP. “Nous nous positionnons également sur les appels d’offres de certains employeurs avec des acteurs de la complémentaire santé comme Audiens. Il y a quelques mois, nous avons signé ensemble Radio France et France Médias Monde“, précise François Vonthron. Tout comme Lyv, Poppins été soutenue financièrement par l’un de ses partenaires : Allianz a participé à ses deux dernières levées de fonds. À date, l’entreprise a levé 20 millions d’euros, selon son CEO. Un modèle complémentaire Si les mutuelles constituent une opportunité intéressante pour les start-up, elles ne représentent pas leur seul modèle économique. “Les mutuelles sont des acteurs qui ont un rôle important à jouer dans le futur schéma de distribution des thérapies numériques. La plupart des groupes mutualistes ont également des centres de santé, souligne Chloé Bonnet. C’est intéressant d’être dans cet écosystème, mais ce n’est pas le seul modèle, c’est un modèle complémentaire.” Lyv entend déposer son dossier PECAN d’ici la fin de l’année 2025. La start-up a également noué des partenariats en direct avec des employeurs comme Sanofi, L’Oréal et Decathlon. Selon sa directrice générale, les partenariats avec les mutuelles représentent 70 % du chiffre d’affaires de Lyv, contre 30 % pour les contrats employeur. De son côté, François Vonthron ne croit pas non plus à un modèle économique unique. “En parallèle du modèle avec les mutuelles, nous voulons obtenir le remboursement, nous sommes en train de préparer le dépôt d’un dossier PECAN. Nous faisons également de la vente en direct auprès de particuliers avec une offre à 30 euros par mois. Les mutuelles constituent 20 % de notre chiffre annuel“, précise-t-il. Pour rappel, les quatre sociétés ayant déposé un dossier de PECAN pour une thérapie numérique ont reçu un avis défavorable de la HAS. Reste que naviguer dans cet univers ne va pas de soi, comme le confirme François Vonthron. “C’est un monde extrêmement complexe. Il y a énormément de différences entre une mutuelle et une autre, chacune a son type d’adhérents, sa manière de fonctionner et des projets qui lui sont propres“, décrit-il. Au fil du temps, l’entreprise a compris les spécificités de chacune, le recrutement en 2021 de Dominique Leser, ancien d’Henner et de Colonna, en tant que directeur des partenariats, a contribué à renforcer les liens de la start-up avec le monde assurantiel. Dorothée Camus, responsable accès au marché du Snitem, soulignait dans une interview à mind Health que cette difficulté d’appréhension pouvait être accrue par le phénomène de concentration à l’œuvre sur le marché. Selon l’édition 2024 du Panorama de la complémentaire santé réalisé par la DREES, en 2022, 397 organismes pratiquent une activité d’assurance santé : 272 mutuelles, 100 entreprises d’assurance et 25 institutions de prévoyance. Le nombre d’organismes a été divisé par quatre depuis 2001 et jusqu’à presque six pour les mutuelles. Si les assurances santé gagnent du terrain, les mutuelles restent le principal acteur de la complémentaire santé avec 47 % de parts de marché. Des acteurs aux besoins spécifiques Pour François Vonthron, la phase de contact est loin d’être la plus délicate. “Ce sont des acteurs très accessibles mais aussi très sollicités. La difficulté est d’arriver à émerger parmi les cinquante propositions, souvent de qualité, qu’ils ont reçues et à faire en sorte que votre dossier leur parle“, détaille-t-il. D’autant que certaines mutuelles comme la MGEN, via sa filiale Vivoptim, ont déjà accès à des solutions de santé numérique. Pour sélectionner les start-up, la mutuelle a calqué son fonctionnement sur celui d’un fonds d’investissement. Elle s’appuie sur une dizaine de critères de notation centrés sur la qualité du produit, de l’équipe, la situation financière de l’entreprise, ainsi que l’adéquation avec sa stratégie de prévention. “Nous avons besoin d’entreprises développant des solutions pour des sujets de niche n’ayant pas encore été adressés, détaille Samuel Pichot. Nous avons un ancrage très fort sur la fonction publique, d’où notre intérêt pour la thématique de la santé des femmes. Depuis trois ans, nous avons dans notre scope la santé mentale, car c’est aujourd’hui un vrai défi pour les employeurs, il s’agit de la première cause d’arrêt de travail. Notre troisième axe est la santé au travail qui croise les deux thématiques précédentes, mais présente également des spécificités liées notamment aux troubles musculosquelettiques et à l’activité physique. Le dernier axe concerne la santé des seniors puisque que nous avons 900 000 retraités dans notre portefeuille, notre attention se focalise sur la prévention en fin de carrière et la perte d’autonomie.“ Chloé Vergnaud, directrice de l’offre dommages et santé d’Abeille Assurances confirme que la santé mentale est une préoccupation forte des assureurs proposant des complémentaires santé : “nous voyons sur l’ensemble de nos contrats un recours de plus en plus important à l’assistance psychologique. Il existe un besoin prégnant en santé mentale pour lequel nous devons trouver des solutions.” L’assureur est en recherche de nouveaux partenaires pour renforcer sa stratégie de prévention. “Au-delà du sujet réglementaire, l’intégration de solutions numériques est également un facteur différenciant en santé collective. Nous n’entendons pas réaliser des bénéfices sur notre sinistralité à court terme mais à long terme“, estime Chloé Vergnaud. Des cycles longs à anticiper L’objectif de la MGEN est de réaliser deux à trois expérimentations par an. Les dernières en date vont permettre aux adhérents de tester les solutions MindDay (autothérapie basée sur les techniques des thérapies cognitives et comportementales) et HelloBetter Insomnie. Pour HelloBetter, première DTx à avoir reçu un avis défavorable de la HAS pour la PECAN, cette expérimentation est l’occasion d’un premier déploiement en France. L’expérimentation intègre un troisième partenaire, AppThera, qui sera chargé d’éditer l’ordonnance dématérialisée permettant aux adhérents de télécharger l’application avec le code gratuit. “Avec cette expérimentation, nous testons le parcours de soins puisque nous demandons à nos 250 adhérents de se rendre chez leur médecin généraliste afin de demander une prescription pour cette thérapie numérique dédiée à l’insomnie. L’objectif est d’identifier les leviers permettant aux médecins généralistes d’identifier la solution, d’être rassurés sur son usage et à même de la proposer, c’est sur ce plan que nous avons notre rôle de tiers de confiance à jouer“, souligne Samuel Pichot. La mutuelle prévoit de lancer d’ici la fin de l’année deux expérimentations dédiées à la santé des femmes et à la santé des couples. La diversité des acteurs représente un défi pour les start-up du DMN. “Nous avons signé nos premiers partenariats avec la MAE, Allianz et PRO BTP et nous avons des propositions de valeur très différentes. Il faut discuter avec chaque mutuelle, chaque assureur pour faire en sorte que l’offre réponde à leurs enjeux en termes politiques et budgétaires, appuie François Vonthron. Certaines préféreront accompagner financièrement de manière très importante des enfants avec des besoins conséquents, d’autres privilégieront des parcours de soins plus courts, mais en adressant un portefeuille plus large. Le modèle est difficilement réplicable d’une mutuelle à une autre.” Samuel Pichot confirme que la capacité de la start-up à adapter son produit est un élément important. “Nous avons ainsi demandé à MindDay de développer des modules spécifiques pour les enseignants. Il faut également être capable de s’intégrer à notre système d’information afin que l’on puisse capter les identifiants des personnes, viennent ensuite la phase contractuelle puis de négociation tarifaire.” Dernier élément à prendre en compte, ces partenariats mettent du temps à se construire. “Il s’écoule régulièrement entre un an et un an et demi entre les premiers contacts et la formalisation d’un partenariat“, révèle François Vonthron. Mutuelles Impact, le fonds d’investissement des mutuelles dédié à la santé Un fonds à impact social et environnemental pour soutenir les entreprises du secteur de la santé et du médico-social ? L’idée a germé au Congrès de la Mutualité française en 2018. Mutuelles Impact est créé en 2020 par la Mutualité Française et sa gestion est confiée à XAnge et Impactivist. “Mutuelles Impact compte 67 souscripteurs, dont 64 mutuelles. Nous avons décidé de créer un fonds à impact, respectant les obligations de l’article 9 du SDR, afin d’avoir au travers de nos actions une capacité réelle à améliorer la qualité de vie des patients et du personnel soignant. Le fonds, prévu pour dix ans, est doté de 95,6 millions d’euros“, indique Guénaëlle Haumesser, directrice prévention et accompagnement mutualiste à la Fédération nationale de la Mutualité Française. Apicil, Aésio, le groupe VYV ou encore BPCE Mutuelle font partie des souscripteurs, 30 % des mutuelles souscriptrices représentent plus de 13 millions de personnes protégées. “Notre thèse d’investissement se centre sur trois thématiques : l’organisation des soins, l’accompagnement des patients, la prévention et l’éducation à la santé. Nous soutenons aussi bien des start-up que des PME. Le montant de notre investissement s’échelonne de 500 000 € à 7 millions d’euros“, précise Guénaëlle Haumesser. À date, 17 entreprises ont été soutenues, dont Lyv, HelloBetter, MindDay, Epoca. “La santé mentale est un axe de travail très important, nous avons investi dès l’origine du fonds, dans la start-up MindDay, mais nous avons également permis aux 250 salariés de la fédération de bénéficier de cette solution. Cet investissement a également donné lieu à des partenariats avec des mutuelles permettant à l’application de toucher des milliers de personnes. La philosophie de Mutuelles Impact repose sur le fait que les mutuelles utilisent les solutions des entreprises auxquelles nous avons contribué. Aujourd’hui, 22 mutuelles utilisent a minima une solution d’une entreprise du portefeuille“, précise Leslie Roussel, cheffe de projet valorisation et innovation. Ce contenu a été rédigé par la rédaction de mind Health, une publication du groupe mind dédiée aux mutations du secteur de la santé. Coralie Baumard assurance santépartenariatprévention Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Le fonds Mutuelles Impact investit dans stane Les collaborations, un levier essentiel pour les CVC mutualistes et paritaires de l’assurance Comment IMA encourage ses collaborateurs à lutter contre la sédentarité grâce à une application