Accueil > Assurance > Les néoassurances sur le segment MRH misent sur les services et les partenariats Les néoassurances sur le segment MRH misent sur les services et les partenariats Ces courtiers nouvelle génération s’efforcent de se différencier en repensant l’expérience client, de la souscription à la gestion de sinistre, et en renforçant leur proposition de valeur par le biais de services. Face à des conditions de marché exigeantes en BtoC, Leocare, Lovys et Luko ont multiplié les partenariats. Passage en revue des stratégies, des premiers résultats et des ambitions de ces nouveaux entrants. Par Antoine Duroyon. Publié le 03 novembre 2020 à 14h56 - Mis à jour le 25 mai 2021 à 17h39 Ressources La crise de la COVID-19 a remis en lumière la nécessité pour les assureurs de rehausser les standards de l’expérience client. Un effort de longue haleine dont la traduction en termes de refonte des systèmes d’information, de digitalisation des parcours ou de conception de nouveaux services n’a pas encore produit ses pleins effets. Pour les nouveaux entrants, l’opportunité consiste à proposer de nouvelles modalités d’interaction basées sur des principes tels que l’autonomisation, la personnalisation, la flexibilité ou encore la prévention. mind Fintech a choisi d’étudier le positionnement et la stratégie des néo-assurances actives sur le segment de l’habitation (multirisque habitation ou MRH). Trois acteurs se distinguent en France : Luko, Leocare et Lovys. Ces start-up partagent un point commun : elles sont inscrites auprès de l’Orias en tant que courtier d’assurance ou de réassurance (COA). Focalisés sur la distribution, les courtiers se tournent vers des (ré)assureurs de plein exercice pour le portage de risque et la co-construction des offres. Pour les solutions d’assurance habitation, il s’agit de Munich Re via Great Lakes et de Swiss Re via Wakam pour Luko, de L’Equité (filiale d’assurances dommages de Generali France dédiée aux partenariats BtoB en marque blanche) pour Leocare, et de L’Equité et de Wakam pour Lovys. MRH : un marché de 10,9 milliards d’euros en 2019 Selon les données clés de l’assurance française en 2019, collectées par la Fédération française de l’assurance (FFA), les contrats couvrant les biens des particuliers ont représenté un montant total de primes de 11,3 milliards d’euros (+ 4,3 % par rapport à 2018), dont 10,9 milliards d’euros pour des contrats MRH (+ 4,1%). Avec une charge des prestations totalisant 7,8 milliards d’euros (+ 2,3 % sur un an), le ratio combiné – un indicateur clé qui rapporte ce que l’assureur décaisse à ce qu’il encaisse en combinant le ratio de sinistralité et le taux de chargement – s’établissait en 2019 à 94 % (avant réassurance). Un ratio combiné inférieur à 100 % témoigne donc d’une rentabilité technique de l’activité. Luko assume sa spécialisation Née en 2016 et active dans le domaine de l’assurance habitation depuis 2018, Luko revendique près de 100 000 assurés, dont 96 % en habitation. La start-up se distingue de ses concurrents par son approche verticale. Alors que Lovys et Leocare, qui comptent respectivement quelque 20 000 et 16 000 clients, ont choisi de diversifier leurs gammes de produits (smartphone et auto pour Lovys, auto, moto et smartphone pour Leocare), Luko assume une spécialisation sur le segment habitation. Une offre pour les NVEI (nouveaux véhicules électriques individuels) a toutefois été lancée en octobre 2018. “L’assurance est un produit peu différencié et peu engageant. Soit on multiplie les produits mais avec une différenciation faible et c’est très difficile en termes d’acquisition, soit, et c’est notre approche, on se positionne sur une verticale pour venir y greffer des services et changer la proposition de valeur”, estime Raphaël Vullierme, CEO de Luko, qui pointe le succès aux Etats-Unis de modèles verticaux comme ceux de Root (automobile) ou Hippo (habitation). Un contre-exemple, toutefois : celui de Lemonade, qui a choisi de s’aventurer au-delà de l’assurance habitation en dévoilant une couverture pour les animaux de compagnie en juillet 2020. Leocare, qui développe une approche mobile-first, défend au contraire un positionnement généraliste. “Nous voulons accompagner les Français sur le logement et la mobilité. Pour être perçu non pas comme une commodité mais comme un service au quotidien, il faut être en permanence dans la poche de l’assuré”, considère Christophe Dandois, cofondateur et CEO de Leocare. Active depuis juillet 2018, la néo-assurance estime à 55 % la part de son portefeuille en auto et à 40 % en habitation. Le taux de double équipement naturel, c’est-à-dire sans avantages client, s’élève à 24 % et son taux de churn par cohorte de douze mois se situe sous les 3 %. Chez Lovys, qui a démarré avec un produit smartphone, plus de 5 % des ventes sont liées à des clients existants qui souscrivent un deuxième contrat et ce taux devrait dépasser les 10 % dans les six prochains mois. “L’assurance habitation est devenue un produit d’entrée. Plus de 80 % des clients détiennent un contrat habitation et le taux de rétention est supérieur à 80 % au-delà d’un an”, indique Joao Cardoso, cofondateur et CEO de Lovys. En dépit de bases clients limitées en valeur absolue, ces acteurs attestent d’une traction commerciale. Luko enregistre 10 000 nouveaux contrats par mois, Leocare signale 500 000 euros de nouvelles primes collectées en septembre 2020 (pour une prime moyenne de 385 euros) et Lovys évoque plus de 3 000 nouveaux contrats signés chaque mois. La promesse ? Un devis et une souscription en quelques minutes, avec une modularité et une personnalisation des offres (garanties, plafonds, options…), une gestion du contrat en totale maîtrise (modification, déclaration de sinistre…), des services de prévention et de maîtrise du risque. Jauge d’impact tarifaire chez Leocare Les attentes peuvent encore sembler basiques. “La demande la plus récurrente aujourd’hui en assurance habitation, c’est de pouvoir ajouter le nom de son concubin sur le contrat, relate Christophe Dandois L’expérience client, c’est comme un iceberg. Le septième de l’UX, c’est ce que l’on voit : une expérience fluide, la simplicité, la transparence. Puis, les 6/7ème restants, c’est la technologie qui permet en temps réel l’autonomie du client, lui fournit les informations nécessaires et lui offre une capacité d’interaction en permanence, le tout sans engagement”. Illustration de cette attention, Leocare a intégré au parcours de création du devis une jauge de couleur qui permet au prospect de comprendre l’impact tarifaire des informations qu’il fournit, et donc du risque associé. Du côté de Luko, cela se matérialise par l’analyse d’images satellitaires qui permettent de réunir de premières informations sur le logement et son environnement (risques de terrain, d’inondation, de vol…). Un autre moment clé dans la relation avec l’assuré est celui de la gestion des sinistres. “Pour certains produits comme le smartphone ou le chien-chat, nous assurons nous-mêmes la gestion de sinistre. Pour l’auto et l’habitation, nous suivons un modèle hybride, avec une délégation (auprès de Stelliant, ndlr) mais aussi la possibilité pour le client de réaliser lui-même des démarches grâce au digital (déclaration de sinistre depuis le mobile, envoi de justificatifs, etc.)”, note Joao Cardoso, CEO de Lovys. Reprise en main de la gestion de sinistre Pour Luko comme pour Leocare, où 82% des sinistres habitation sont traités à distance grâce à la photo et à la visioconférence, l’heure de la reprise en main a sonné sur ce terrain. Ces deux acteurs, qui s’appuyaient également sur Stelliant, ont enclenché un mouvement de réinternalisation. Le premier a réintégré 50% de la gestion et prévoit d’en piloter la totalité d’ici la fin de l’année. Quant au second, 86% des sinistres sont déjà gérés en interne et ce taux montera également à 100% d’ici la fin de l’année. Maîtriser la gestion des sinistres et le réseau d’artisans ressort comme un élément déterminant pour assurer la qualité et préserver la réputation client. Pour se différencier des acteurs historiques, les néo-assurances misent sur leur capacité à proposer des services innovants et tournés vers la prévention. Dès sa création, Luko a exploré les possibilités des capteurs et des objets connectés pour le foyer. “Notre vision est pragmatique. Nous recherchons des technologies faciles à installer que nous développons nous-mêmes ou que achetons sur étagère. Nous sommes par exemple en train de tester une sonnette connectée”, explique Raphaël Vullierme. Le courtier prête gratuitement pendant la durée du contrat un pack de protection qui comprend un capteur d’analyse des données électriques (Luko Elec), un capteur de détection d’intrusion (Luko Door) et développe un capteur de fuite (Luko Water). “Le rationnel, c’est que notre coût d’acquisition est trois fois moins important que celui du marché, qui avoisine les 150 euros. On préfère au bout du compte fournir 100 euros de solutions de protection à un client et ne payer que 50 euros en achats de mots-clés, plutôt que de donner 150 euros à Google. On veut faire un produit très différencié, avec plus de valeur et moins de marketing”, détaille Raphaël Vullierme. Le néo-assureur s’est néanmoins offert une campagne TV pour laquelle il a déboursé 1 million d’euros. Dernière initiative en date, Luko a présenté Docteur House, un service de téléconsultation du foyer qui permet à l’assuré (avec un contrat en formule complète) d’être mis en relation avec un expert pour un diagnostic en vue d’une réparation ou d’un aménagement, un check-up complet du domicile… Un service qui s’inspire d’une approche popularisée par Hippo aux Etats-Unis, avec son offre Hippo Home Care, soutenue par le rachat de la start-up Sheltr. L’objectif est d’enrichir la relation avec l’assuré, mais aussi d’éviter des sinistres en valorisant une démarche proactive. De son côté, Leocare travaille au lancement en 2021 d’un service d’habitation à la présence. “Grâce à des données issues de la box internet, associées à celles d’un partenaire dans la distribution d’électricité, nous serons en mesure d’identifier la présence d’une personne dans le logement. Le risque (de dégât des eaux, de vandalisme) est atténué lorsqu’il y a une présence au domicile et cette information permet de pousser des conseils de prévention et de sécurité. L’assuré ne bénéficiera pas d’une réduction de la prime, mais de rabais sur des services complémentaires”, annonce Christophe Dandois. Une marketplace regroupant divers services du quotidien (cours à domicile, plomberie, rénovation) sera lancée. Multiplication des partenariats de distribution Un autre point d’inflexion majeur pour ces néo-assureurs concerne leur stratégie de distribution. Comme pour les néobanques, les néo-assurances doivent faire face à des coûts d’acquisition élevés en BtoC et au défi d’installer une marque et de fidéliser une clientèle qui bénéficie de la promesse du “sans engagement”. “On avait choisi au début de distribuer nos services en propre sans partenaires”, se souvient Christophe Dandois, qui assure que la marge nette permet de couvrir le coût d’acquisition en moins de sept mois. Afin d’accélérer la croissance, les partenariats de distribution se multiplient. Luko en compte désormais une centaine : des néobanques (Revolut, Bankin’, Monese, Lydia, N26…), des acteurs de l’immobilier, de l’habitat (Netatmo), des courtiers. “Cela représente la moitié de notre acquisition. La plupart de nos partenaires ne sont pas des courtiers, donc on est sur de l’indication d’assurance au bon moment. Certains partenaires sont des courtiers, et là il s’agit de revenue-share ou de partage d’affaires”, relève Raphaël Vullierme. Lovys, pour sa part, dénombre 22 partenariats de distribution. “La modularité de la plateforme nous permet d’adapter la solution à chaque partenaire”, rapporte Joao Cardoso. Le courtier a par exemple conclu un partenariat commercial avec Ma Nouvelle Ville, plateforme d’accompagnement des salariés en mobilité géographique et professionnelle. Chez Leocare, “la constitution du portefeuille de clients vient à hauteur de 30 % de partenaires”, signale Christophe Dandois. Fait notable, la néo-assurance a développé des partenariats en marque blanche, à l’image de celui passé avec Homeus, filiale de Delta Dore et Arkea Sécurité qui propose une offre combinant télésurveillance et assurance habitation. Chez tous les acteurs, les comparateurs représentent un élément incontournable dans le dispositif d’acquisition même s’il est parfois volontairement bridé. Chez Luko, ce canal pèse 15%. “Cela permet d’obtenir beaucoup de données marché et de savoir comment nos modèles de prix se comportent par rapport à ceux de la concurrence”, indique Raphaël Vullierme, qui ajoute que “Luko ne veut surtout pas être identifié comme le moins cher”. Chez Lovys, Joao Cardoso estime que le canal des comparateurs soulève des enjeux en termes de sensibilité au prix et de rétention. Jusqu’ici focalisés sur leur marché domestique, des néo-assureurs se préparent à élargir leurs horizons. C’est le cas de Luko, dont les projets ont été retardés en raison de la crise sanitaire et qui prévoit de s’étendre dans deux pays européens en 2021 puis d’obtenir un agrément d’assureur d’ici deux à trois ans, et de Leocare dont les choix d’implantation dépendront notamment la maturité digitale du marché visé. Antoine Duroyon assurance dommagescourtage Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Mondial Assistance déploie un service de visio-diagnostic pour le logement Luko embarque Accel, Founders Fund et Speedinvest L’insurtech Leocare dévoile son business plan en prévision de sa levée de fonds Lovys complète son offre avec une assurance chien et chat L’insurtech Lovys fait l’acquisition d’Ockert pour accélérer le traitement des sinistres