Accueil > Assurance > Assurance numérique & collaborative > Milène Gréhan (MAIF Avenir) : “L’économie collaborative n’est plus une priorité stratégique pour MAIF Avenir” Milène Gréhan (MAIF Avenir) : “L’économie collaborative n’est plus une priorité stratégique pour MAIF Avenir” Milène Gréhan a été nommée responsable du fonds MAIF Avenir en avril 2017. Elle décrit pour mind Fintech la structuration et la montée en puissance du fonds, qui a bénéficié d’une nouvelle enveloppe de 125 millions d’euros et d’une équipe dédiée, et décrypte l’inflexion stratégique en cours. Par Aude Fredouelle. Publié le 22 janvier 2019 à 16h23 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h59 Ressources Votre arrivée en tant que responsable du fonds semble avoir marqué une inflexion dans la stratégie du groupe avec MAIF Avenir et une montée en puissance de son importance. Confirmez-vous cette impression ? Le fonds MAIF Avenir, doté de 125 millions d’euros, a été créé en 2015 comme un outil d’innovation et de transformation et était donc géré par toutes les équipes du groupe (innovation, DAF, juridique…) sous la supervision Nicolas Boudinet, directeur général de MAIF Avenir. L’objectif était alors par exemple d’investir pour rendre pérennes des partenariats stratégiques. Mais rapidement, MAIF Avenir a compté une trentaine participations directes et la charge de suivi est devenue trop lourde : il fallait recruter une équipe d’investisseurs dédiés qui fassent le lien avec les métiers et l’innovation. La nécessité de recruter pour gérer l’existant et continuer à investir a été actée. “L’équipe MAIF Avenir, inexistante début 2017, comptera bientôt six collaborateurs” Milène Gréhan Responsable de MAIF Avenir Je suis arrivée en avril 2017 et le groupe a fait un choix de montée en puissance. Une nouvelle enveloppe de 125 millions d’euros a été allouée au fonds en juin 2017 et trois autres collaborateurs, des spécialistes du capital-risque et du secteur fintech/insurtech, m’ont rejointe. Deux profils junior supplémentaires sont en cours de recrutement. Quel bilan tirez-vous de l’activité de MAIF Avenir depuis sa création ? MAIF Avenir compte aujourd’hui 250 millions d’euros sous gestion dont 170 millions d’euros déjà investis : 130 millions en direct et 40 millions en indirect, via nos 8 fonds partenaires : Serena, NewFund, Partech, Daphni, Elaia, BlackFin Tech, ISAI et 360 Capital Partners. Notre objectif est d’investir 80% en direct, mais l’indirect nous permet d’une part de diversifier et d’autre part de bénéficier du dealflow des fonds et d’échanger les bonnes pratiques avec eux. Nous comptons désormais 22 participations actives. Notre ticket médian s’élève à 2 millions d’euros (5 millions d’euros en indirect) mais un investissement significatif dans GuesttoGuest pour financer le rachat de HomeExchange augmente le ticket moyen. “Le but du fonds MAIF Avenir n’est pas le ROI. Nous n’avons même pas défini de multiple de référence pour les sorties”, expliquait Nicolas Boudinet en juin 2016. Est-ce toujours la vision chez MAIF Avenir ? Nous sommes un investisseur stratégique donc notre vision n’est pas purement financière. Nous sommes avant tout un investisseur industriel dont l’objectif principal est d’augmenter et diversifier la proposition de valeur du groupe et de renforcer notre capacité d’exécution avec les bons outils digitaux, etc. Mais le ROI reste une façon d’apprécier la réussite du portefeuille. Nous avons donc des attentes en ligne avec le reste du marché, tout en étant attentifs à mesurer dans le ROI ce qui a été fait avec le groupe en termes de synergies, d’acculturation et de transformation. MAIF Avenir a réalisé 8 sorties depuis sa création : Stootie, Inspeer, Mesdépanneurs, Samboat, Ledger, Sharette et Covoiture-art. Quel bilan dressez-vous et quel ROI avez-vous enregistré ? Nous ne communiquons pas sur les ROI de nos opérations. MAIF Avenir est un véhicule à capital perpétuel (un fonds evergreen) qui peut donc s’engager sur le long terme auprès des start-up au portefeuille. Les sorties peuvent découler de trois scénarios différents. D’abord, cela peut être dû au fait que la feuille de route de la MAIF et de la start-up diffèrent. Cela a été le cas avec Ledger, par exemple. Nous avions investi car nous étions intéressés par la sécurisation d’opérations dans la blockchain et la société s’est surtout concentrée à partir de 2017 sur le BtoC et la protection des transactions en cryptomonnaies avec ses wallets, un axe moins intéressant pour la MAIF. Nous avons pu sortir du capital avec une plus-value. Le second scénario, moins favorable, est celui d’une start-up en difficulté. Il peut y avoir liquidation, comme pour Inspeer, ou bien le besoin d’un adossement à un industriel, comme Stootie avec Cdiscount. Ce scénario a aussi été celui de la plateforme d’échange d’objets entre particuliers Mutum, qui a déposé le bilan en août 2017, même si la marque a été reprise ensuite, du site de covoiturage Sharette [revendu à perte à Citygoo mi-2016, ndlr] et de Covoiture-art [la société est en cours de liquidation, ndlr]. Mais dans ces trois derniers cas, les tickets investis sont très inférieurs à nos tickets moyens. La troisième raison est opportuniste : la start-up fonctionne bien mais souhaite grandir plus vite en s’adossant à un industriel par exemple. C’était le cas de Samboat, racheté par Dream Yacht Charter et pour lequel nous avons enregistré une plus-value. Les dirigeants auraient pu continuer seuls mais ont trouvé que c’était une bonne opportunité. C’est aussi ce qui s’est passé avec Mesdépanneurs.fr, le premier investissement de MAIF Avenir. Nous avions mis en place un partenariat pour traiter les refus de prise en charge à la MAIF : dans ce cas, nous recommandions la plateforme à nos sociétaires via nos gestionnaires de sinistre. En juillet 2017, MesDépanneurs cherchait à lever des fonds et Engie a formulé une offre de rachat. Avant d’accepter, nous avons entériné le partenariat pour s’assurer de sa pérennité. C’était une belle sortie pour Maif Avenir. La grande majorité des investissements de MAIF Avenir sont des start-up de l’économie collaborative, mais elles sont aussi nombreuses à connaître des difficultés. Avez-vous remis en cause cet axe stratégique ? L’économie collaborative correspond vraiment à l’ADN de la MAIF et à son histoire. Il a donc été très naturel de nouer des partenariats et de réaliser des investissements dans ce domaine. Pour autant, c’est un secteur aux fondamentaux fragiles où trouver des modèles pérennes est difficile. Nous continuons à beaucoup regarder ce secteur, sans l’ériger comme une priorité stratégique. Par ailleurs, l’économie collaborative n’est plus l’apanage des start-up. Allez-vous davantage vous tourner vers des start-up technologiques, comme avec Snips ou Cozy Cloud ? Nous regardons en effet beaucoup aujourd’hui les solutions technologiques. Notre nouveau plan stratégique, présenté fin 2018, comprend deux grands piliers : d’abord, conforter notre singularité en prenant en compte pour chaque décision son impact sur la satisfaction des sociétaires et collaborateurs et la contribution au bien commun. Ensuite, le plan stratégique vise à prolonger le pivot sur notre activité traditionnelle : nous voulons augmenter notre capacité d’exécution et mettre le digital au coeur de l’expérience des sociétaires. Nous souhaitons aussi pivoter vers de nouveaux horizons et vers de nouveaux publics, au-delà de notre cible historique, l’éducation nationale. Le BtoB (fournir des produits aux PME ou ETI au-delà de l’assurance), par exemple, a été identifié comme une nouvelle cible prioritaire. Quelle est votre analyse du secteur insurtech ? Le secteur insurtech est encore peu mature par rapport aux fintech. Il s’agit de modèles d’affaires souvent fragiles et de volumes pour le moment confidentiels. La plupart des insurtech sont des courtiers grossistes, qui présentent deux points forts : fournir des produits d’assurance innovants et personnalisés et proposer une bonne expérience utilisateur. Mais nous pensons qu’il sera difficile pour ces insurtech BtoC de s’affirmer sans l’appui de plus gros acteurs – assureurs ou même d’autres acteurs qui vont probablement entrer sur le marché. Nous sommes fortement en veille avec Altima pour étudier des partenariats pouvant intégrer un volet capitalistique. Nous nous intéressons aussi au BtoB pour renforcer notre capacité d’exécution. D’autant que nous pensons que les insurtech BtoB présentent un gros potentiel de croissance. “MAIF Avenir visait à l’origine 30 à 35% du capital mais se contente désormais de 5 à 10% sur de grosses opérations” Milène Gréhan Responsable de MAIF Avenir Quel pourcentage de détention visez-vous ? Au départ nous essayions de détenir 30 à 35 %, mais aujourd’hui notre approche est plus flexible : nous acceptons de prendre de plus petits tickets, à partir de 5%, car nous investissons parfois sur de plus gros tours de table. Quel est votre objectif en termes de rythme d’investissement ? Nous visons 8 participations en plus à horizon 2022 : 4 dans une perspective de renforcement de la capacité d’exécution de MAIF, 4 dans le pivot vers de nouveaux horizons. MAIF Avenir compte donc 22 participations actives au portefeuilles. Quels sont les plus beaux succès ? Zenpark fonctionne très bien ; GuesttoGuest va bientôt atteindre l’équilibre financier et s’internationalise… On peut aussi citer Ulule, ou encore Dreem, investissement certes plus risqué car c’est une innovation de rupture avec une stratégie BtoC. Quelles synergies ont été mises en place avec le groupe ? Nous avons par exemple développé une solution en assurance pour le site de location de camping-cars Yescapa, dont nous pouvons aussi prescrire le service à nos sociétaires. Nous avons aussi développé des partenariats nous permettant de créer de nouveaux services ou une nouvelle expérience client. C’est le cas avec Linxo, avec qui nous avons lancé notre agrégateur Nestor, ou bien avec Valoo, que nous utilisons pour la gestion des sinistres, dont nous recommandons la plateforme à nos sociétaires et que nous utilisons aussi pour l’assurance à la demande avec la filiale Altima. Cette dimension partenariale prend du temps et le lien capitalistique aide à pérenniser les relations commerciales. Quel rôle ont les métiers de la MAIF dans les prises de participation ? Quand nous repérons une start-up, nous demandons aux métiers de qualifier leur intérêt. Parfois, ils se prononcent contre un investissement, par exemple parce que la société a une offre concurrente de quelque chose qui existe déjà en interne, ou bien parce qu’ils ne la trouvent pas assez intéressante ou ne voient pas de convergence opérationnelle. Parfois, ils acceptent de se porter sponsor car ils identifient des synergies importantes, et c’est là que c’est le plus efficace et que nous tentons d’aller plus loin. Quelle est votre stratégie d’investisseur : investissez-vous plutôt en lead ? Comment gérez-vous la potentielle entrée d’autres mutuelles ou assureurs ? Nous investissons parfois en lead (GuesttoGuest, Samboat, Yescapa) mais aussi en suiveur (Ulule, Snips, Klaxit…) ou en club deal (co-lead) comme sur Linxo. Nous avons bouclé plusieurs opérations aux côtés de corporates comme Keolis, PSA, la RATP, Sodexo, Johnson & Johnson… ou aux côtés de VCs (ISAI, Partech…). Nous mettons en avant une approche peu intrusive, avec des pactes qui ne sont la plupart du temps pas bloquants sur l’entrée de nouveaux acteurs, même concurrents. La Macif est ainsi présente à nos côtés au capital de Valoo et Arkéa au capital de Linxo. Sur un sujet plus stratégique, par exemple une tech très dédiée assurance, cela pourrait être un sujet bien sûr, mais on ne l’a pas encore rencontré. Toutes vos participations sont françaises. Allez-vous aussi investir à l’étranger ? Nous ne nous interdisons rien et nous pourrions en effet investir à l’étranger à l’avenir. Milène Gréhan 2017 : responsable du fonds MAIF Avenir 2013 – 2016 : directrice d’investissement chez RAISE France 2012 – 2013 : gestionnaire de portefeuille au Ministère de l’Économie 2009 – 2012 : analyste chez Goldman Sachs Formation 2004 – 2009 : master finance et stratégie, IEP de Paris Aude Fredouelle fonds d'investissementinsurtechlevée de fondsmutuelle Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Maif Avenir investit 10 millions d’euros supplémentaires dans SeaBubbles Milène Gréhan prend la tête du fonds MAIF Avenir La MAIF prépare la deuxième saison de son fonds MAIF Avenir