Accueil > Investissement > Cryptoactifs > Sajida Zouarhi (ConsenSys) : “Le protocole blockchain Hellhound permet de faire des calculs sur des données chiffrées” Sajida Zouarhi (ConsenSys) : “Le protocole blockchain Hellhound permet de faire des calculs sur des données chiffrées” Salariée du start-up studio ConsenSys depuis la création du bureau parisien, Sajida Zouarhi a récemment pris la tête du projet Hellhound. L’architecte blockchain a aussi cofondé un think tank dédié aux applications de la technologie de registre distribué dans la santé. Par Aude Fredouelle. Publié le 18 février 2019 à 12h05 - Mis à jour le 28 janvier 2025 à 15h58 Ressources Vous avez pris la tête du développement technique du spoke Linnia au sein du start-up studio ConsenSys en 2017. Pouvez-vous nous le décrire ? Au cours de mes études, j’ai commencé à me spécialiser sur le secteur de la santé puis j’ai obtenu mon diplôme d’ingénieur en 2014 (ECE, ndlr). J’ai travaillé trois ans chez Orange Labs où j’y ai notamment découvert la blockchain. En octobre 2017, j’ai commencé à travailler pour ConsenSys sur le projet Linnia, qui avait pour but de redonner le pouvoir aux utilisateurs sur la façon dont sont gérées les données par des tiers. J’ai pris la direction de la partie ingénierie du système. Le but était au départ de collecter les données longitudinales issues d’applications ou objets connectés, auxquelles les hôpitaux n’ont pas accès, pour améliorer la vie des patients. Finalement, le projet s’est élargi vers un protocole généraliste pour tout type de données critiques. Linnia semble avoir pris fin depuis. Pourquoi ? Le projet Linnia avait été créé par un fondateur américain sur une idée très spécifique autour du diabète. Il est entré chez ConsenSys et une équipe s’est formée autour de lui, puis le projet a évolué. Mais à la suite d’un manque d’alignement entre l’équipe et le fondateur, tous les membres (dont moi-même) ont donc fini par quitter Linnia pour aller travailler sur d’autres sujets chez ConsenSys. Depuis, le fondateur a quitté ConsenSys et un autre membre de l’équipe a tenté de relancer Linnia et d’avancer sur le framework. Dans le cas d’une fin d’un projet, ConsenSys laisse six semaines à ses salariés pour en choisir un nouveau. De mon côté, après avoir quitté Linnia, j’ai rejoint un groupe travaillant sur de la recherche appliquée et j’ai commencé à travailler avec Amira Bouguera pour créer le spoke Hellhound en mai 2018. En quoi consiste le projet Hellhound ? Pour le comprendre, il faut remonter à 2015 : j’ai alors cofondé lors d’un hackathon un projet de plateforme de matching pour le don de reins, Kidner, sur laquelle travaillent depuis des volontaires dans le monde entier. Il m’est apparu que l’utilisation de la blockchain pourrait permettre de régler un problème de gouvernance et de confiance entre les hôpitaux, dans un contexte où l’offre est plus faible que la demande et où les données sont sensibles : aucun hôpital n’acceptera qu’un autre centralise le calcul de matching. Outre le problème de confiance, nous étions confrontés à la nécessité de chiffrer les données. Ces thématiques de recherches pointues nous ont finalement amené à créer Hellhound : il s’agit d’un protocole qui permet de faire de la “blind computation” – c’est à dire du calcul sur des données chiffrées – et de livrer le résultat final à l’utilisateur. Comment intervient la technologie de registre distribuée ? La blockchain n’est utilisée que pour stocker des preuves mathématiques de calcul qui ont lieu en off-chain, ce qui permet de ne pas avoir de problèmes de performance, de scalabilité ou de coût. On stocke uniquement les preuves mathématiques de l’exécution sur la blockchain, sur le smart contract Ethereum qui est public. Tout le monde peut donc vérifier les calculs, puisque les étapes critiques en termes de “business logic” sont sur la blockchain. Les noeuds Hellhound constituent le réseau off-chain et sont rémunérés via les smart contracts, qui sont utilisés en séquestre. Quand un client demande au réseau Hellhound de faire un calcul, il doit payer et une fois le calcul vérifié par les participants du réseau, les noeuds Hellhound sont rémunérés via le smart contract. Nous créons donc un réseau assez autonome. Qui sont les participants du réseau ? Nous allons sélectionner des acteurs volontaires pour devenir des noeuds Hellhound et ils seront rémunérés par les clients pour leur puissance de calcul. Comment le client peut-il vérifier que le bon calcul a eu lieu ? Des challenges mathématiques sont envoyés et prouvent que le serveur a bien utilisé la fonction (l’algorithme) que le client a envoyé. Si j’utilise un serveur pour faire mon calcul, cela signifie que je n’ai pas le temps, les ressources ou la volonté de le faire moi même. Notre système permet de vérifier le calcul sans avoir à le refaire. Si l’argent versé par le client rémunère les noeuds Hellhound, quel sera le business model de la société ? Nous pensons collecter une commission sur ces transactions. Quels seront les cas d’usage, en dehors de Kidner ? Nous avons différentes cibles. Par exemple, des développeurs qui, pendant un hackathon, ont besoin de confidentialité mais n’ont pas le temps de se pencher sur des questions de cryptographie. Mais aussi des entreprises qui souhaitent améliorer la qualité de la protection des données, en lien avec le RGPD. Cette année, nous voulons commencer à travailler sur des pilotes spécifiques pour intégrer nos fonctionnalités de cryptographie et privacy by design. Par exemple, pour du calcul de scoring pour les crédits, ou bien dans le domaine RH, pour vérifier des statistiques de parité ou de salaires, qui sont des données sensibles et personnelles… Combien de personnes travaillent sur le projet chez ConsenSys ? Nous sommes pour l’instant trois à travailler dessus, avec Amira Bouguera (cofondatrice, cryptographe et ingénieure blockchain) et Abdelhamid Bakhta (Tech Lead, ingénieur full stack) et nous embaucherons probablement 5 à 6 personnes supplémentaires dans les mois à venir, au fil de nos rencontres car nous avons des standards élevés quant à la qualité du code et la sécurité. Quelle sera la répartition du capital de la future société ? Jusqu’ici le standard pour les spokes chez ConsenSys était de créer une société détenue à 50% par les fondateurs et à 50% par ConsenSys mais le contexte a changé, et cela dépend du type de projet, des ressources données par ConsenSys, d’une négociation personnalisée… (Lire notre étude de cas : “Pourquoi le start-up studio Ethereum ConsenSys repense ses règles d’incubation”). Nous envisageons aussi de lever des fonds auprès d’autres structures, à terme. Où en est le projet Kidner ? Nous avons créé un prototype et nous espérons réaliser un pilote cette année. Nous sommes en contact avec les autorités d’un pays pour lancer un déploiement national au sein des hôpitaux. Le projet aurait donc non seulement un impact social positif mais aussi un business model viable, en facturant les partenaires. Vous avez créé en 2017 eHealth and Blockchain Think Tank. Quelles sont les actions menées ? Le groupe a été créé en France mais il a vocation à être international. Il regroupe une cinquantaine de personnes et nous organisons des rencontres pour des acteurs de la santé, d’une part, et des acteurs de la blockchain qui étudient le domaine médical d’autre part. Nous réfléchissons à diverses problématiques et à la manière dont la blockchain pourrait les résoudre. Nous étions structurés en association mais nous avons finalement annulé ce statut : nous voulons être un groupe de réflexion agissant de manière horizontale, en créant des groupes de réflexion au sein d’autres associations, dédiées à la blockchain ou à la santé. Sajida Zouarhi Depuis 2017 : architecte blockchain et lead R&D chez ConsenSys Depuis 2017 : cofondatrice et présidente de Ehealth and Blockchain Think Tank Depuis 2016 : cofondatrice de Blockfest Depuis 2015 : cofondatrice de Kidner Project 2014-2017 : doctorante chez Orange Labs Formation 2018 : doctorat en informatique, université de Grenoble 2014 : diplômée de l’ECE Paris Consensys Création : 2014 Collaborateurs : 1 100 Nombre de projets incubés : 50 Bureau parisien : 50 collaborateurs Aude Fredouelle blockchaine-santé Besoin d’informations complémentaires ? Contactez le service d’études à la demande de mind À lire Pourquoi le start-up studio Ethereum ConsenSys repense ses règles d’incubation ConsenSys France se positionne sur la tokenisation des actifs financiers sur la blockchain Entretien Ken Timsit (ConsenSys) : “L’arrivée de ConsenSys en France aide à changer la perception des entreprises sur Ethereum”