Accueil > Financement > Comment les acteurs français du crowdfunding se préparent à la nouvelle donne réglementaire Comment les acteurs français du crowdfunding se préparent à la nouvelle donne réglementaire Les plateformes de financement participatif ont jusqu'au 10 novembre 2023 pour décrocher le statut européen de prestataire de services de financement participatif (PSFP). Une première plateforme française l'a obtenu en septembre et livre des clés sur une procédure que les acteurs doivent anticiper. Par Antoine Duroyon. Publié le 21 septembre 2022 à 15h11 - Mis à jour le 24 octobre 2023 à 15h57 Ressources Les points clés La Commission européenne a prolongé de 12 mois la période transitoire permettant de continuer à fournir des services de financement participatif conformément au droit national. Les plateformes de crowdfunding devront donc obtenir au plus tard le 10 novembre 2023 le nouveau statut européen de prestataire de services de financement participatif (PSFP). A ce jour, selon les données publiques, trois plateformes ont obtenu le statut de PSFP : Crowdcube en Espagne, Lendahand aux Pays-Bas et Villyz en France. La nouvelle est tombée juste avant la trêve estivale. Le 12 juillet 2022, la Commission européenne a publié un règlement délégué prolongeant de 12 mois la période transitoire permettant de continuer à fournir des services de financement participatif conformément au droit national. Les plateformes de crowdfunding devront donc obtenir au plus tard le 10 novembre 2023 le nouveau statut européen de prestataire de services de financement participatif (PSFP). Jusqu’à cette date, les régimes nationaux et européen pourront coexister. Bruxelles a conclu que “du fait de l’impossibilité de délivrer à temps un nouvel agrément à toutes les plateformes existantes et de la nécessité pour celles-ci de réadapter leur modèle économique à un cadre à la fois plus vaste et plus détaillé [que les cadres nationaux], l’application du règlement aux plateformes existantes à partir du 10 novembre 2022 pourrait perturber certains grands marchés nationaux, avec un risque sérieux d’interruption des services de financement participatif de grandes plateformes, ce qui aurait des conséquences aussi pour les investisseurs actifs sur ces plateformes et pour l’intégrité des marchés concernés”. Des points techniques à clarifier Ce report avait été ardemment réclamé par les associations professionnelles du secteur en France et en Allemagne. Avec plusieurs dizaines de CIP immatriculés dans l’Hexagone, la perspective du refus d’un report de la période transitoire était jugée catastrophique, compte tenu des ressources limitées de l’AMF. Par ailleurs, “il reste des points techniques à clarifier, par exemple sur la nécessité de nommer un commissaire aux comptes”, souligne Florence de Maupeou, directrice générale de Financement Participatif France (FPF). Pour rappel, le nouveau statut européen vise à faciliter la fourniture de services de financement participatif à travers l’Union européenne grâce à un passeport, améliorer l’accès des entreprises à ce nouveau canal de financement et renforcer la protection des investisseurs, avec notamment la mise en place d’un droit de rétractation de quatre jours. Il ouvre aussi de nouvelles perspectives avec la gestion de portefeuilles de prêts et la création d’un tableau d’affichage, préfigurant la création d’un marché secondaire. Concrètement, le statut de PSFP remplacera celui de conseiller en investissement participatif (CIP), créé en 2014. Le statut d’intermédiaire en financement participatif (IFP) subsistera uniquement pour les plateformes dont le modèle repose sur les prêts à titre gratuit, les dons, les cagnottes en ligne ou le financement de projets ne générant pas de profit économique, monétaire ou non. Avec un plafond de collecte fixé à 5 millions d’euros sur 12 mois par porteur de projet, le statut de PSFP marque une nette avancée par rapport au statut d’IFP (1 million) mais un recul par rapport à celui de CIP (8 millions). Cela peut expliquer que certaines plateformes aient choisi de repousser le dépôt de leur dossier afin de ne pas obtenir le statut PSFP trop tôt et de pouvoir continuer à bénéficier des avantages de la régulation nationale. En outre, les plateformes actives en France peuvent présenter des modèles d’activité très divers, relativement simples pour certaines d’entre elles. A contrario, les plateformes qui gèrent les investissements dans les projets qu’elles présentent, notamment via des holdings intermédiaires, doivent revoir de fond en comble leur stratégie. Le règlement européen interdit en effet désormais toute prise de participation des plateformes dans les offres de financement qu’elles soumettent afin de prévenir les conflits d’intérêt. Un statut exigeant Si les plateformes ont obtenu un sursis, elles doivent néanmoins s’activer pour assurer leur conformité avec la réglementation européenne. “Le PSFP est un statut beaucoup plus exigeant, en termes de gestion des risques, du contrôle des conflits d’intérêt et de la protection des investisseurs. Au titre de FPF, on donne aux plateformes la recommandation de déposer leur dossier au plus tard en octobre 2022 afin de pouvoir bien anticiper le processus qui peut prendre de six à neuf mois”, indique Florence de Maupeou. À ce jour, trois plateformes ont décroché le statut de PSFP, selon nos informations- l’ESMA, qui délègue les dépôts d’agrément aux régulateurs nationaux, n’a pas encore mis en ligne le registre qui recensera les acteurs agréés. Il s’agit de la plateforme britannique de crowdequity Crowdcube en Espagne, de la plateforme de crowdfunding pour les PME dans les pays émergents Lendahand aux Pays-Bas et de la plateforme de financement de projets portés par des collectivités locales Villyz en France. Immatriculée auprès de l’Orias en septembre 2020 en tant qu’IFP, Villyz a financé son premier projet, sous forme de prêt rémunéré, au printemps 2022. Pour Arthur Moraglia, cofondateur et président de Villyz, le statut de PSFP “se base sur un état d’esprit lié à la réception et transmission d’ordres (RTO). On revient à la logique de ce qu’est un intermédiaire”. Composée d’anciens de l’ACPR et de la Banque de France – Arthur Moraglia a été superviseur puis expert fintech-innovation au sein du régulateur bancaire – l’équipe fondatrice a compris l’impératif de penser la réglementation “by design”. Infuser au niveau opérationnel “Le règlement doit devenir le livre de chevet des dirigeants de plateformes. Les exigences doivent être infusées au niveau opérationnel et se décliner dans les processus”, souligne Arthur Moraglia. Pour le dirigeant, qui n’a pas fait appel à un conseil juridique pour l’obtention du statut, il faut veiller à être réactif pour produire dès le début des documents de bonne qualité. Au bout du compte, le règlement “permet une supervision prudentielle continue, avec un contrôle sur pièces”, estime le dirigeant. Sous la simple condition suspensive de nommer un commissaire aux comptes, Villyz a été le premier acteur français à obtenir le précieux sésame, devant des locomotives comme October ou ClubFunding, et alors même que la plateforme entend d’abord se développer sur le marché français avant d’amorcer une expansion européenne. D’autres acteurs devraient rapidement suivre, en fonction de leurs priorités et aléas de marché. Alors que le dossier d’October, l’un des leaders européens du prêt aux PME, était déjà bien engagé avant l’été, le rachat de Credit.fr a manifestement rallongé le processus. Antoine Duroyon crowdfundingrégulation Besoin d’informations complémentaires ? 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