Accueil > Financement > Finance alternative > Coronavirus : les plateformes de prêts pour PME réagissent face à la crise Coronavirus : les plateformes de prêts pour PME réagissent face à la crise Plusieurs plateformes de prêt en ligne pour les entreprises ont annoncé ces derniers jours des initiatives visant à aider leurs emprunteurs touchés par la crise du coronavirus et à faciliter l’octroi de financements aux sociétés en manque de trésorerie. Par Aude Fredouelle. Publié le 23 mars 2020 à 16h52 - Mis à jour le 23 mars 2020 à 16h52 Ressources Alors que les pouvoirs publics et les établissements bancaires ont multiplié les annonces en faveur des entreprises affectées par la crise du coronavirus, les plateformes de prêt en ligne se sont elles aussi engagées avec diverses annonces, dès la première semaine de confinement national. Soulager le portefeuille existant Premier objectif affiché par les plateformes : soulager les entreprises qui ont contracté un prêt sur les plateformes et doivent le rembourser, et éviter une faillite et un non remboursement total par la suite. Dans la même lignée que la Fédération Bancaire française (FBF), qui s’est prononcée pour le report jusqu’à six mois des remboursements de crédits pour les entreprises mais aussi la suppression des pénalités et des coûts additionnels de reports d’échéances et de crédits des entreprises, plusieurs plateformes assouplissent les remboursements en cours. “Nous sommes en contact quotidien avec nos emprunteurs avec lesquels nous avons deux types de discussion : les emprunteurs qui anticipent un ralentissement économique avec une baisse des commandes clients et de futures difficultés financières ; et les emprunteurs déjà confrontés à des tensions financières en raison de la crise du coronavirus, indique October dans une newsletter envoyée à ses prêteurs particuliers. Leur trésorerie est instable (…)”. “Actuellement, plus personne ne paye personne”, constate Olivier Goy, CEO. “Pour l’instant, nous n’avons pas encore de casse. Il est trop tôt pour que nous observions des dépôts de bilan ou procédure collective. Le sujet est de tout faire pour sauver les entreprises au portefeuille, pour qu’elles n’arrivent pas à cet extrême. En allégeant les charges, en leur accordant des prêts… ” Gel des remboursements La plateforme a envoyé le 18 mars un mail à ses 21 000 prêteurs particuliers pour leur demander de se prononcer sur le gel des remboursements pour tous les emprunteurs dans tous les pays dans lesquels est présente la plateforme, pour avril, mai et juin 2020. October indique par ailleurs que la plateforme ne prélèvera pas ses frais mensuels. Pendant cette période, les emprunteurs ne rembourseraient alors que les intérêts, calculés sur le capital restant dû. Cette période “pourrait être renouvelée si nécessaire”, avec un nouveau vote des prêteurs. Sur les 21 046 prêteurs particuliers October, 9 929 ont voté (qui représentent 93,67% des montants prêtés) et 99% des votants ont dit oui. Outre ses prêteurs particuliers, October a sondé les prêteurs institutionnels, qui représentent un investissement cumulé de 319 millions d’euros à ce jour et abondent au moins 51% de chaque prêt. “Nous avons eu un support unanime”, se réjouit Olivier Goy. La plupart des autres plateformes indiquent procéder au cas par cas, pour les emprunteurs qui le demandent. C’est le cas chez WeShareBonds, par exemple, qui compte 60 lignes de prêts au portefeuille. “À ce stade, nous n’avons pas prévu de gel général et nous étudions au cas par cas les demandes et besoins, indique Damien Beurier, directeur général. Il y aura bien sûr des sociétés qui ne pourront pas faire face à leur échéance et elles seront gérées avec bienveillance vue la situation”. Comme October, Look & Fin a demandé l’avis de ses 40 000 inscrits (dont quelques milliers de prêteurs), mais pour “donner mandat à Look & Fin pour suspendre au cas par cas le remboursement de certains dossiers, pour une durée de six mois maximum”, détaille le CEO, Frédéric Lévy Morelle. Environ 76% des prêteurs ont déjà accepté de donner procuration (98% des répondants ont accepté). La plateforme compte plus de 200 entreprises en cours de remboursements, dans plusieurs pays européens, et 90% des fonds prêtés le sont par des particuliers. “Nous ne voulons pas déclarer de suspension générale même si cela serait plus simple, car nous pensons que c’est dans l’intérêt des prêteurs que de laisser les entreprises qui sont en mesure de payer le faire”, commente le CEO. 10 des analystes que compte la start-up ont donc été réaffectés à la gestion du portefeuille, venant renforcer une équipe habituelle de trois personnes. “Nous n’avons que quelques jours de recul mais les premiers contacts montrent qu’environ 30% des entreprises vont avoir besoin d’aménager les remboursements”, raconte Frédéric Lévy Morelle. Olivier Goy pense que l’impact sera bien plus important : “à terme, 90% des entreprises seront probablement impactées”. Dans la newsletter adressée aux prêteurs d’October, il écrit : “les entreprises qui demandent une suspension des remboursements ne sont pas nécessairement celles qui ont le plus faible coussin financier ou qui appartiennent aux secteurs les plus exposés : ce sont les mieux préparées. Pour les petites entreprises, la lutte pour la survie est telle qu’elles n’ont pas encore considéré leur prochaine échéance financière dans la longue liste des choses urgentes à faire. Nous pensons qu’être proactifs dans la résolution de leurs problèmes est impératif.” Des prêts court terme chez WeShareBonds Autre volet de la réponse à la crise : continuer à accorder des prêts aux entreprises qui ont besoin de se financer. “Nous avons un rôle à jouer puisque nous sommes 100% digital alors que les établissements traditionnels requièrent souvent une rencontre physique pour contracter des prêts et ne sont pas opérationnels à distance”, analyse Olivier Goy. “Nous donnons une réponse ferme et définitive en 48 heures et les entreprises doivent attendre cinq jours maximum entre le dépôt de leur dossier et l’obtention de l’argent.” La situation ne semble en tout cas pas refroidir les prêteurs. Le 16 mars, deux projets d’entreprises néerlandaises, de 140 000 et 200 000 euros, ont été financés en quelques heures. Ce 19 mars, un projet de prêt à 120 000 euros a été financé en 15 minutes par 1 160 prêteurs. De son côté, WeShareBonds, qui compte 10 000 investisseurs particuliers inscrits (dont environ 2 000 à 2 500 actifs) a annoncé dès le 18 mars le lancement d’une nouvelle offre de crédit court terme (3, 6, 9 et 12 mois), pour répondre aux besoins de trésorerie des entreprises pendant la crise. Les taux seront de 2% (pour 3 mois), 4% (six mois) et 6% (neuf mois), puis au cas par cas pour douze mois. La plateforme prête habituellement sur 1 à 7 ans avec des taux de 6% par an hors frais. “Avec cette offre, nous avons calculé les frais au prorata et nous les avons inclus dans les taux, qui sont donc moins élevés”, commente Damien Beurier. “C’était en réflexion depuis un moment et nous avons accéléré avec la crise du COVID-19”, indique Damien Beurier. La plateforme promet une offre ferme en 72 heures pour des crédits de 100 000 à 500 000 euros, sans garantie systématique. Sont éligibles les sociétés avec au moins trois ans d’existence, qui réalisent au moins un million d’euros de chiffre d’affaires et qui sont rentables, avec un EBE d’au moins 100 000 euros. Pallier la lenteur des banques Les taux des plateformes restent bien sûr moins intéressants que celles de Bpifrance (dont le taux devrait s’approcher de 0%) et des banques traditionnelles. Mais les plateformes de prêt sont bien plus réactives, à l’heure où Bpifrance conditionne ses aides à un prêt bancaire en parallèle et où les banques traditionnelles, submergées de demandes, n’ont pas encore mis en oeuvre les process nécessaires pour y répondre rapidement. “Nous proposons un complément à ce qui est proposé par notre gouvernement, notre banque publique. Nous orientons d’ailleurs nos interlocuteurs PME vers ces propositions”, souligne Damien Beurier, directeur général, sur LinkedIn. Interviewé par mind Fintech, il explique que les dirigeants d’entreprises lui rapportent que Bpifrance et les banques sont “saturés”. “Certaines banques ont reçu énormément de demandes de rééchelonnement de crédit et elles commencent déjà par gérer ce point ; et Bpifrance est aussi très sollicitée pour des prêts de trésorerie. Nous proposons notre solution en complément quand ces solutions ne vont pas assez vite ou pour des sociétés non éligibles.” “Nous incitons les entreprises à aller chercher de l’aide auprès de Bpifrance et nous venons en complément”, s’accorde Olivier Goy, d’October. “La difficulté de ces mesures réside dans leur délai de latence – les aides Bpifrance ne sont pas encore opérationnelles.” Et d’ajouter que “baisser les taux n’est pas la réponse pour le moment. Le sujet, c’est de sauver les entreprises et de leur permettre d’avoir de l’argent rapidement”. Le discours est le même à l’étranger : la néobanque allemande Penta, qui propose des prêts en ligne via des partenaires comme Solarisbank et Iwoca, a lancé une pétition pour réclamer au gouvernement “une aide immédiate et des crédits pour les petites entreprises, les indépendants et les start-up”. “Penta reçoit des demandes toutes les cinq minutes de PME qui expliquent que les banques locales ne peuvent pas et ne veulent pas les aider (…). Avec cette pétition, nous voulons montrer que les mesures proposées par le gouvernement sont bonnes sur le papier mais qu’elles n’aideront pas les plus petites entreprises.” Look & Fin suspend les financements Toutes les plateformes, cependant, ne gardent pas les vannes des prêts ouvertes. Look & Fin suspend ses financements, au moins jusqu’au début du mois d’avril. “Nous avons besoin d’en savoir plus sur les futures mesures de confinement, explique le CEO. Nous sommes attentistes pour trois raisons : d’abord, parce qu’il est difficile pour les investisseurs de se positionner dans ce contexte – les quelques institutionnels avec lesquels nous travaillons ont d’ailleurs décidé de suspendre leurs investissements. Ensuite, parce qu’il est très compliqué pour nos analystes de prendre des décisions dans cette situation. Enfin, parce que les emprunteurs eux-mêmes temporisent et ajournent leurs décisions d’investissement.” Quelques analystes continuent tout de même d’étudier des dossiers, en vue de la reprise. “Nous voulons jouer notre rôle de soutien à l’économie, lorsque nous aurons une meilleure visibilité”, conclut Frédéric Lévy Morelle. Retrouvez toute l’actualité sur l’impact de la crise économique et sanitaire liée à la pandémie COVID-19 Aude Fredouelle coronavirusfinancement des entreprisesplateforme de prêts Besoin d’informations complémentaires ? 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